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29/09/2011

Laurent Wauquiez plaide pour un "travail d'adaptation permanente" de la loi LRU

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Laurent Wauquiez plaide pour un
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Dépêche AEF du 27/09/11 - A l'occasion de l'intervention de Laurent Wauquiez au colloque organisé par l'Institut Montaigne, en partenariat avec AEF, BFM-TV et Les Echos, lundi 26 septembre 2011.

« Tout n'est pas parfait dans la LRU, nous devons aller vers un travail d'adaptation permanente », déclare Laurent Wauquiez, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, lundi 26 septembre 2011, à l'occasion de son intervention au colloque organisé par l'Institut Montaigne (en partenariat avec AEF, BFM-TV et « Les Échos »), sur le thème « Quelles leçons tirer de la loi LRU ? ».

Le ministre explique qu' « une réforme n'est jamais faite une fois pour toutes », contrairement à la « culture du grand soir » qui prédominerait en France, où « une fois qu'une réforme est passée, on ne touche plus à rien ». Il invite au contraire à « basculer vers le modèle chinois » où les réformes sont « ajustées » sans cesse. Il présente ainsi « quatre axes de réflexion sur les contours de la réforme à mener et les terrains à investir ».

Le premier concerne la notion de « territoire » : « Nous devons réfléchir au moyen de concilier autonomie des universités et vision nationale, cadre républicain », indique-t-il. « Tout en la matière est un art d'exécution », précise-t-il, évoquant « par exemple l'arrêté licence ». « Il ne faut pas oublier que vous êtes à l'intérieur de l'État, de la République », lance-t-il aux présidents d'université.

« L'EXCELLENCE N'EST PAS L'ÉLITISME »

Le deuxième axe d'amélioration de la loi LRU devra concerner selon lui « l'ascenseur social », car « nous n'avons pas encore répondu au défi de la démocratisation, nous n'avons pas encore crevé le plafond de verre en matière d'accès des étudiants d'origine modeste à l'enseignement supérieur ». Il précise que « l'ascenseur social se construit sur tout le territoire, un étudiant de Lozère ou de Haute-Loire, pouvant, rencontrer les mêmes barrières à l'entrée de l'enseignement supérieur qu'un étudiant de ZEP ». Il en profite pour rappeler qu'il est « radicalement contre une augmentation des droits d'inscription », proposition de Terra Nova, cela créant une « barrière à l'entrée » et l' « étranglement » des classes moyennes ». « Cela reviendrait à assimiler autonomie et sélection par l'argent, ce qui est exactement le contraire de ce que nous essayons faire. »

« Troisièmement, et j'insiste : l'excellence n'est pas l'élitisme », poursuit Laurent Wauquiez. « Il ne s'agit pas de dégager dix pôles d'excellence sur un désert de médiocrité. Il faut que les pôles d'excellence tirent tout le reste. Nous avons besoin que l'université d'Auvergne trouve sa logique d'excellence. »

Enfin, le quatrième axe relevé par le ministre concerne « la compétition internationale ». « Nous avons posé des jalons, nous nous sommes dotés des moyens pour figurer dans la compétition, mais nous n'avons pas réussi à transformer l'essai », estime-t-il. À propos du classement de Shanghai, il estime que « l'on doit faire avec puisqu'il existe, même si ce n'est pas le plus pertinent ». « Je veux qu'on arrive à faire émerger un classement européen plus ouvert, qui prenne en compte l'enseignement et la recherche. Il y a un peu d'inertie, mais c'est un de mes chevaux de bataille », précise-t-il.

« LA FRANCE DOIT RESTER UNE TERRE D'ACCUEIL POUR LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS »

En outre, il « tient à affirmer » - « sachant les débats qui se tiennent en ce moment » - que « la France doit rester une terre d'accueil pour les étudiants étrangers ». Faire le contraire « serait une erreur ». Il fait référence à la polémique qui a suivi la publication par le ministre de l'Intérieur d'une circulaire relative à la maîtrise de l'immigration professionnelle et au décret d'application de la loi relative à l'immigration, l'intégration et la nationalité du 16 juin 2011, deux textes qui « rendent le séjour des étudiants étrangers très difficile, même dans le cadre de conventions », selon la CPU.

S'agissant de « la gouvernance », il pense utile de « laisser un peu de temps aux présidents d'université d'apprivoiser les outils à leur disposition », estimant que « la gouvernance actuelle est efficace, même s'il est toujours possible de l'améliorer ». Il trouve intéressante l'idée de « sénat académique » qui a émergé « par exemple dans l'université de Lorraine » : « Laissons sa chance à l'expérimentation afin de voir ce qui marche. »

« À l'heure où notre pays s'interroge, je pense que toutes les réponses passent par l'enseignement supérieur », résume le ministre. « La France a besoin d'aimer son université et sa recherche. Elle doit aimer le savoir, la raison, la science et donc son enseignement supérieur. »

LA LRU, « UNE LOI EXTRÊMEMENT FONDATRICE »

Revenant sur le bilan de la LRU, il y voit « une loi extrêmement fondatrice » qui « n'a pas été l'oeuvre du politique seul », saluant « l'implication des présidents d'université, mais aussi des partenaires » que sont « les organismes de recherche, le privé et les collectivités locales ». La LRU a permis selon lui de passer d'un « enseignement supérieur ultracentralisé - changer la peinture d'un plafond nécessitait une négociation avec l'administration centrale -, qui fonctionnait par silos disciplinaires, avec des universités hors-sol - peu ouvertes sur les collectivités, les mairies ou les entreprises - et absentes de la compétition mondiale, à un système où règne une vraie autonomie, un décloisonnement disciplinaire, mais aussi entre universités et grandes écoles, avec une ouverture sur le tissu économique et où l'on a commencé à rattraper le retard en termes d'investissement financier ».

Il salue en effet « une vraie autonomie pour concevoir la carte universitaire », citant le positionnement de « La Rochelle autour des métiers de la mer », celui de Strasbourg en tant qu' « université européenne » ou celui de Bordeaux sur la « proximité espagnole ou encore l'aéronautique ». « Les universités se sont émancipées, donnant lieu à une métamorphose totale du paysage de gestion. » S'agissant du « décloisonnement » - « aspect auquel, il est, personnellement le plus attaché » - il salue « la transdisciplinarité comme à Strasbourg entre robotique et médecine, entre Paris-II et Paris-IV qui mêlent droit et histoire de l'art, à Aix-Marseille entre philosophie et médecine ou à Clermont-Ferrand entre l'imagerie en IUT et la médecine ». Il évoque aussi le décloisonnement entre grandes écoles et universités « impensable il y a quelques années », saluant l'idex de Sorbonne Paris Cité où « Sciences Po va totalement s'intégrer dans les universités qui sont autour d'elle » ou encore le « rapprochement entre l'ENS Lyon et le campus universitaire ». « Partout où cela a été fait, on a assisté à un choix gagnant-gagnant, personne n'a perdu son âme. En termes de masse critique et de recherche, une grande école ne peut rien si elle n'est pas adossée à une université. Ne laissons pas le corporatisme l'emporter sur l'intelligence. »

GVT : « ON DOIT POUVOIR VOUS ACCOMPAGNER »

Interrogé sur les moyens des universités, le ministre répond : « Je le dis simplement et sincèrement : gérer l'autonomie n'est pas facile. Les décisions des présidents peuvent avoir des impacts structurels. Cela nécessite davantage d'apprentissage. Mais les universités ne sont pas les collectivités locales, c'est l'État, il est donc hors de question de les laisser faire banqueroute. Nous les accompagnons. Nous nous dotons d'outils pour suivre leur gestion afin qu'elles n'explosent pas leur budget de fonctionnement ou leur masse salariale. Et globalement, nous sommes plutôt rassurés, la réforme a été très bien prise en main. »

Il est ensuite interpellé par le président de Paris-Diderot, Vincent Berger, sur le financement du GVT (glissement vieillesse technicité)[1] qui « pose problème notamment dans une université ayant un fort secteur santé, car les universités n'ont pas la main sur les recrutements de PU-PH, gérés par le ministère de la Santé. « Le GVT, c'est un pavillon qui abrite des marchandises très différentes », répond Laurent Wauquiez. « Il faut distinguer les décisions liées aux présidents d'université - comme de politique salariale - des questions indépendantes de leurs décisions comme l'âge de la retraite, le point d'indice ou le vieillissement naturel. On doit pouvoir vous accompagner. Il faudra tracer une frontière entre les décisions qui s'imposent à vous et celles qui relèvent de l'autonomie. Mais cela dépendra aussi de la position de la CPU sur la question du GVT négatif de certaines universités » et donc de la solidarité entre universités. « En tout cas, je ne veux pas que le financement du GVT se traduise par des suppressions de postes. »

THÈSES COURTES EN DROIT : « UNE PROPOSITION CONSTRUCTIVE »

Interpellé par le président de Paris-II et de la CPU Louis Vogel sur la nécessité de mettre en place des thèses courtes en droit afin d'avoir plus de docteurs dans cette discipline et de pouvoir être dans la compétition internationale, le ministre salue « une proposition très constructive ». Il se dit « très preneur pour investir ce sujet ».

- Voir le discours de Nicolas Sarkozy en introduction du colloque

Notes

[1] Le GVT (glissement vieillesse technicité) est une notion de variation de la masse salariale à effectif constant. Un GVT positif correspond à une augmentation de la masse salariale liée à l'avancement des personnels dans leur carrière ou leur promotion. À l'inverse un GVT négatif correspond à une baisse de la masse salariale liée aux départs en retraite de personnels dont le salaire est généralement plus élevé que celui des remplaçants.

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