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27/02/2013

L’administration numérique ne doit pas faire peur !

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L’administration numérique ne doit pas faire peur !
 Institut Montaigne
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Institut Montaigne



La fonction publique s’adapte depuis des décennies aux innovations technologiques. La révolution numérique ne fera pas exception. Cependant, celle-ci ne se limite pas à la simple introduction d’un outil qui va changer des habitudes de travail, contrairement à l’informatique. Le numérique modifie la totalité de l’environnement du fonctionnaire comme celui de ses partenaires internes ou externes. Il introduit une nouvelle façon de concevoir l’action publique, de penser et d’agir en interactions croissantes avec quantités d’acteurs.

A l’heure d’un nouvel élan en matière de modernisation de l’action publique, initié par le séminaire interministériel qui s’ouvrira demain, le recours aux nouvelles technologies s’impose pour l’administration française. Dans l’étude Pour un "New Deal" numérique, l’Institut Montaigne identifie trois obstacles qui doivent être levés pour concilier la pertinence de l’action administrative et la stratégie digitale et formule des propositions concrètes pour les surmonter.

1er obstacle :l’insuffisante maîtrise des technologies de l’information et de la communication (TIC).
Le web 2.0, le cloud[1], les API ouvertes [2] et les applications, pour n’en citer que quelques unes, ne sont pas le pain quotidien des fonctionnaires, à l’exception de ceux qui, par profession ou par goût personnel, s’y investissent. Il en est d’ailleurs de même pour les cadres dirigeants comme l’encadrement intermédiaire.

PROPOSITION : Pour faciliter la connaissance qu’ont les hauts fonctionnaires et les responsables de l’encadrement supérieur de la fonction publique (d’État, territoriale et hospitalière) des opportunités offertes par les TIC, il est nécessaire d’inclure une formation obligatoire aux technologies, infrastructures et usages du numérique dans le cursus des écoles de formation des cadres supérieurs et dirigeants de la fonction publique : ENA, INET, IRA, EHESP, EN3S, etc.

2ème obstacle : l’expansion du numérique est lié au contexte actuel de restrictions budgétaires.
Notre culture administrative souffre d’incapacités à ménager des transitions pour aboutir à des solutions efficaces. Il va de soi que le levier numérique exige dans un premier temps un investissement supplémentaire en termes de ressources financières et humaines. Savoir investir aujourd’hui pour économiser demain n’est pas simple dans un cadre budgétaire aussi normé.

PROPOSITION : Des efforts peuvent être réalisés notamment en rationnalisant le développement des outils numériques dans les collectivités locales. Celles-ci développent "en silos" des applications, par exemple pour gérer les salaires ou les aides sociales, quand ces ressources pourraient être largement mutualisées. Un "Appstore", ou magasin contenant des applications libres, permettant leur réutilisation (moyennant finance) mais aussi leur adaptation grâce à l’accès au code source, devrait être accessible pour tous les agents des collectivités locales. Ce projet ne sera effectif que s’il se double d’une incitation forte pour les collectivités à ne plus développer d’applications qui n’auraient pas la forme d’un Saas [3] d’ici à 2016.

3ème obstacle : la culture de cloisonnement et de hiérarchie propre à l’administration française.
Ainsi, seuls 17 % des fonctionnaires français considèrent qu’Internet sera un canal d’interaction privilégié avec les citoyens d’ici 2016, contre 43 % aux Pays-Bas [4]. L’Etat est riche en compétences mais son organisation génère un type de dirigeant plus proche du gestionnaire de procédures que du manager public authentique. L’efficacité des politiques publiques peut être altérée par des processus rigides insuffisamment orientés vers la satisfaction du citoyen ou de l’usager.

PROPOSITION : Le levier numérique offre de nombreuses solutions en raison de son caractère transversal et collaboratif. Pour recréer la confiance entre les citoyens et les institutions, l’Etat doit montrer l’exemple en fournissant un service d’authentification des identités pour l’ensemble des services publics en ligne et en développant une politique d’open data ambitieuse, notamment dans l’éducation et la santé.

Le numérique ne peut être réduit à un outil qui permettrait d’accélérer la modernisation de l’action publique. Il est consubstantiel à une révolution managériale, seule capable de rendre les services publics plus efficaces.

Tribune réalisée par Gilles Babinet, Digital Champion auprès de la Commission européenne, Frédéric Créplet, directeur général d’Atelya-Groupe VOIRIN Consultants, Francis Massé, Secrétaire général, DGAC, Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie ; essayiste et membre fondateur du Cercle de la réforme de l’État et Lionel Ploquin, Membre du conseil d’administration du club des maîtres d’ouvrage des systèmes d’information.

Notes

[1] L’informatique en nuage ("cloud computing" ou cloud) consiste à stocker et traiter des données informatiques, traditionnellement enregistrées sur des serveurs locaux ou sur le poste de l’utilisateur, dans des serveurs distants. Les données se trouvent ainsi métaphoriquement stockées dans un "nuage" composé de plusieurs serveurs distants et interconnectés.

[2] Une interface de programmation ("application programming interface" ou API) est une interface fournie par un programme informatique qui permet à des programmes d’interagir les uns avec les autres.

[3] Le concept du logiciel en tant que service ("software as a service" ou Saas) consiste à proposer l’utilisation d’un logiciel (via un abonnement) plutôt que sa possession (via l’achat d’une licence).

[4] Logica et Pierre Audoin Consultants, étude menée auprès de 180 fonctionnaires en France, Angleterre, Allemagne, Pays-Bas, Suède et Finlande, juillet 2011.

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