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05/08/2011

La stabilité financière, un enjeu de sûreté nationale

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 Frédéric Bonnevay
Auteur
Economiste, Associé chez Anthera Partners

L’expérience américaine est riche d’un enseignement pour la France, à la veille du scrutin présidentiel : les difficiles négociations entre Démocrates et Républicains soulignent la primauté de la stabilité financière d’un pays sur tout enjeu partisan. Des gouvernements aux sensibilités différentes préconiseront naturellement des orientations budgétaires différentes elles aussi. L’accès à des capitaux abondants et peu coûteux relève toutefois de la sûreté nationale et non du choix politique : à ce titre, il doit être préservé à tout prix.

Épargné, pour l’heure, par la crise institutionnelle que traversent les Vingt-Sept, Paris supporterait mal une phase de paralysie politique comparable à celle que connaît aujourd'hui Washington. Sa note "AAA" et le statut de valeur refuge de ses titres en pâtiraient immanquablement.

Les États-Unis se remettraient, quoique gravement affaiblis, d’une dégradation de leurs titres. Avec un volume de Bons du Trésor supérieur à 16 000 milliards de dollars, un quart du PIB mondial, la dette américaine occupe une place bien trop considérable au bilan de la Chine, du Japon et des grands investisseurs internationaux pour ne plus trouver preneur du jour au lendemain. Le poids des titres français, en comparaison, paraît presque dérisoire. Une dégradation des quelque 1 320 milliards de dette négociable émis par Bercy constituerait un problème de bien moindre envergure à l’échelle mondiale : la réaction des marchés à un déclassement obligataire français serait, en conséquence, bien plus brutale.

Il convient donc de tout mettre en œuvre pour éviter une telle catastrophe. Les leviers à actionner, pour ce faire, sont bien connus et se résument en deux mots : rigueur et crédibilité. Rigueur, tout d’abord, car l’incapacité des gouvernements français de ces trente dernières années à présenter un budget à l’équilibre risque, à terme, de persuader les investisseurs que le pays est incapable de se réformer. Seule la conduite d’une politique budgétaire responsable renouvellera le contrat passé entre la France et ses créanciers. Crédibilité, aussi, car une politique économique rigoureuse, inapplicable si elle est excessive, risque en tout cas le rejet à la première alternance de pouvoir.

Pour satisfaire ce double impératif, un encadrement structurel des lois de Finances – sorte de pilotage budgétaire sous tutelle – constituerait une solution idéale. L'actuel gouvernement, suivant l’exemple de Berlin, entend donner à cet encadrement une forme constitutionnelle par une "Règle d’or" qui écarterait, à terme, tout recours aux déficits. Les débats pour le moins animés qui répondirent à cette proposition ont mis en évidence une réelle discorde entre majorité et opposition. En cette période de troubles sur les marchés souverains, il faut reconnaître à cette mesure l’indéniable mérite de la pertinence, indépendamment de ses atouts certains et ses possibles failles.

Les chances de parvenir à un consensus à la Chambre sont maigres. Or tout succès obtenu dans la confrontation reste à la merci d’un changement de majorité : fragile, il ne suffit pas à inspirer la confiance attendue des investisseurs. La promesse d’une gestion financière vertueuse n’est pas synonyme de crédibilité : plus qu’une obligation de résultat, celle-ci requiert une obligation de moyens. Le principe d'une Règle d'or, même s’il est adopté, laissera planer un doute quant au bon ordre que les gouvernements futurs maintiendront dans les Finances françaises : il appelle donc un complément.

Un accord bipartisan, négocié en parallèle des débats parlementaires concernant l’opportunité d’une Règle d’or, présenterait de sérieux avantages. L’élaboration par les candidats des deux principales forces politiques en présence, UMP et PS, d’un socle décennal de consolidation budgétaire, prévoyant une trajectoire minimale de désendettement et un noyau dur de mesures fiscales – concernant, par exemple, la TVA, les dépenses publiques, l’impôt sur les sociétés etc. –, placerait le débat de politique économique sur le terrain d’une responsabilité partagée, évitant la mise en péril d’une stabilité financière précieuse.

Le règlement supposé de la question grecque, après quelques jours de répit, a déporté les tensions des marchés vers l'Espagne et l'Italie. Croire la France hors de danger serait irresponsable, particulièrement en période électorale. La défense des intérêts nationaux suppose d'offrir aux investisseurs des garanties de rigueur crédibles. La mise au point par les candidats d’un Pacte de responsabilité budgétaire ancrerait l’action de Bercy dans la durée et protégerait la signature française.

Frédéric Bonnevay est également l'auteur pour l'Institut Montaigne de l'étude Pour un Eurobond : une stratégie coordonnée pour sortir de la crise (2010)

À lire aussi :

- Crise grecque : du plan de sauvetage au sauvetage du plan - Tribune de Claude Bébéar et Frédéric Bonnevay parue dans Le Figaro du 1er août 2011
- Vers un nouveau "miracle grec" - Tribune de Claude Bébéar et Frédéric Bonnevay parue dans Le Figaro du 8 juillet 2011

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