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14/12/2016

La santé, enjeu de la présidentielle 2017

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La santé, enjeu de la présidentielle 2017
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Tribune de Claude Le Pen, co-président du groupe de travail qui a produit notre rapport Réanimer le système de santé, parue dans Le Figaro, le 6 décembre 2016.

Pour la première fois, Français et professions de santé attendent des candidats à l'Élysée des engagements précis en matière d'assurance-maladie. Claude Le Pen, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine, fait le point.

Les questions de santé et d'assurance-maladie vont-elles occuper la place qu'elles méritent lors de la présidentielle ? Dans le passé, la santé n'a jamais constitué un sujet de clivage politique. Contrairement au cas américain, mais également britannique ou, de Thatcher à Blair et de Blair à Cameron, la réforme du National Health Service a toujours été au centre d'une opposition radicale, idéologique et pratique. Pourquoi cette spécificité française ?

Issue d'un gouvernement d'unité nationale, la Sécurité sociale a acquis des allures patrimoniales au-dessus des clivages partisans. Si le système a beaucoup changé depuis 1945 en se fiscalisant, en s'universalisant, en se "dé-paritarisant, en s'étatisant, ces évolutions, parfois radicales, ont été portées par des gouvernements de droite comme de gauche qui se sont toujours efforcés d'en minimiser la portée. Depuis le début des années 1990, deux idées ont fait plutôt consensus dans la classe politique: les dépenses doivent être maîtrisées pour assurer la pérennité du système ; ce n'est pas aux assurés de "payer" cette maîtrise en étant moins bien couverts.

Corollaire: la pression économique doit porter sur les professionnels de santé, libéraux et hospitaliers, souvent décrits comme les titulaires d'une rente collective. Les praticiens libéraux n'ont pas été moins hostiles à Juppé et à Bachelot qu'ils ne le sont à Touraine. Les hospitaliers publics ne sont pas plus favorables à cette dernière qu'ils ne l'ont été aux premiers. Sans pour autant être capables de faire entendre leur voix dans le débat politique suprême qu'offre la présidentielle.

Mais c'est précisément ce qui est en train de changer. À tort ou à raison, une proposition du genre "dans l'avenir, on paiera plus pour être moins bien soigné" a toutes les chances de recueillir une large adhésion populaire. S'est installé le sentiment de vivre dans un système miné par le déficit et la dette dont les signes visibles sont désertification médicale, engorgements hospitaliers des grandes villes, allongement des files d'attente dans certaines spécialités médicales, augmentation des primes des assureurs complémentaires, peur de ne pouvoir accéder dans l'avenir à une innovation médicale efficace mais coûteuse. Le système de santé, naguère considéré comme le meilleur au monde, donne à nos concitoyens une impression de fragilité.

Inquiétude populaire et mécontentement des professionnels

Cette convergence d'une inquiétude populaire et du mécontentement des professionnels de santé est inédite. La politique suivie ces dernières années n'a pas été à la hauteur des défis. Elle présente comme une avancée sociale définitive le tiers payant généralisé qui agace sûrement plus les professionnels qu'il ne changera la vie des Français - les plus défavorisés en bénéficient déjà. L'État a distribué des coups de rabot budgétaires exigeant des professionnels qu'ils en fassent toujours plus avec moins de moyens. Et il a multiplié les injonctions contradictoires, vantant les "parcours de soins" tout en pérennisant les rigidités verticales entre ville et hôpital, entre médecine générale et médecine spécialisée ; proclamant la nécessité d'une France innovante en matière de biens et de technologies de santé tout en multipliant les obstacles institutionnels et tarifaires à leur développement.

Dans un rapport récent de l'Institut Montaigne, nous avons proposé des pistes de réformes autour de quelques idées simples. D'abord la séparation des missions "régaliennes" de l'État de ses fonctions gestionnaires. L'État gère trop et ne pense pas assez. Embolisé par une production pléthorique de circulaires, il oublie de réfléchir à l'avenir à moyen et long terme. Si, de temps en temps, il confie à un collège de sages le soin d'esquisser les éléments d'une "stratégie nationale santé", on peine à en retrouver les conclusions dans la surabondante production législative et réglementaire…

Cela suppose, c'est le deuxième point, de confier la gestion du système à un opérateur indépendant unique, agissant dans un cadre défini par la loi et chargé de définir contractuellement avec l'ensemble des professionnels de santé les conditions de leur activité. On a du mal à comprendre la bicéphalité de notre système actuel. L'État exerce en direct la tutelle de l'hôpital alors que les professionnels libéraux sont conventionnés par l'Assurance-maladie. Imagine-t-on au Royaume-Uni un NHS-ville et un NHS-hôpital indépendants' On a du mal à comprendre en outre la multiplicité des régimes et des caisses alors qu'au final, prestations et contributions sont largement identiques.

Promouvoir une autonomie plus poussée des hôpitaux publics

Cela suppose, et c'est le troisième point, de promouvoir une autonomie plus poussée des hôpitaux publics, en créant au besoin un statut nouveau d'établissement de santé public autonome opérant dans le cadre d'un cahier des charges précis. L'autonomie de gestion est un gage de responsabilité et d'efficience. Ce type de réformes, sous une apparence technique, bouleverserait des positions acquises et leur adoption exige un engagement politique fort. Puisse le débat qui s'ouvre y contribuer. L'enjeu est de donner tort au pessimisme de nos compatriotes.

Avec l’aimable autorisation du Figaro/2016


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