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14/12/2011

La compétitivité, clé du financement de la protection sociale

La compétitivité, clé du financement de la protection sociale
 Alexia de Monterno
Auteur
Directrice adjointe de l'Institut Montaigne

En partenariat avec


Un diagnostic impossible ? Le 11 janvier, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale a créé une mission parlementaire rassemblant des députés de tous les groupes, comportant deux rapporteurs – Jérôme Cahuzac et Pierre Méhaignerie –, afin d'établir un constat objectif et partagé sur la compétitivité de l'économie française et s'interroger sur les perspectives du financement de notre protection sociale.

Dix mois plus tard, et au terme de dizaines d'auditions, la mission parlementaire s'est arrêtée sur un constat d'échec : les deux rapporteurs ne sont même pas parvenus à partager les éléments de diagnostic sur la situation économique et sociale de notre pays. Bernard Accoyer, constatant l'inanité de la poursuite des discussions, a rendu un rapport limité aux verbatim des auditions.

Cet échec a une double portée : il témoigne d'une forme d'incapacité de nos dirigeants à affronter la réalité, d'une part ; il augure mal du consensus politique fort que l'on serait en droit d'attendre dans la perspective d'une réforme ambitieuse des modes de financement de notre modèle social, d'autre part.

UNE PRIORITÉ : RESTAURER LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES

Le document de l'OCDE publié le 5 décembre intitulé Toujours plus d'inégalités : pourquoi les écarts de revenus se creusent montre que le système français de protection sociale a plutôt bien joué son rôle d'amortisseur des inégalités avec un rapport, de 1985 à 2008, entre le niveau de vie moyen des 10 % des Français les plus riches et les 10 % les plus pauvres remarquablement stable : 8 en 1985 ; 7 en 2008.

Les transferts sociaux, financés par l'endettement public, ont largement soutenu la consommation qui a constitué le moteur de la croissance française depuis un quart de siècle. Mais ce modèle atteint aujourd'hui ses limites car notre économie bute sur trois problèmes fondamentaux : la dégradation sévère de notre compétitivité, l'accroissement vertigineux de notre dette et un chômage structurel de masse.

Or, comme l'a indiqué Nicolas Baverez à la commission parlementaire, la dette ne pourra être remboursée que grâce à la richesse produite par le secteur privé, qui ne représente plus que 44 % de notre produit intérieur brut (PIB). De même, seul un secteur marchand dynamique permettra de réduire de manière significative le chômage.

S'agissant de la protection sociale, il faut souligner avant tout qu'il n'existe aucune alternative à la politique de maîtrise des dépenses sociales – lesquelles représentent quelque 21 % du produit intérieur brut –, non seulement parce que nous ne pouvons durablement financer la consommation par de la dette, mais aussi parce que ces dépenses, en réduisant considérablement les marges de manœuvre de l'Etat régalien, affectent son bon fonctionnement.

Une réforme du financement de la protection sociale n'aura de sens que si elle s'attaque d'abord au problème de la compétitivité des entreprises.

Les nombreux travaux entrepris par l'Institut Montaigne sur ce sujet, qui prennent tous appui sur des exemples étrangers, le plus souvent européens, montrent qu'il est possible d'inverser cette tendance de fond. En effet, il n'y a pas de fatalité à l'affaissement continu de notre modèle social.

TROIS PRINCIPES POUR PRÉSERVER L'AVENIR : SOLIDARITÉ, INTERGÉNÉRATIONNEL, PÉRENNITÉ

Trois principes structurants doivent tracer le cadre d'une réforme de la protection sociale :

  • il convient tout d'abord de distinguer ce qui relève de l'assurance et ce qui relève de la solidarité. La famille, qui contribue au capital humain, relève de la solidarité, donc de l'impôt. Les cotisations familiales n'ont pas vocation à peser sur le coût du travail. Les retraites, elles, relèvent assurément du contributif ; elles doivent donc être liées aux salaires ; de même, les accidents du travail concernent directement les entreprises. Quant à la santé, son statut est plus hybride ; elle n'a pas vocation, en principe, à être majoritairement financée par le travail ;

  • le modèle social doit refonder une solidarité intergénérationnelle qui joue aujourd'hui à rebours pour les jeunes générations : alignement du taux de CSG des pensions de retraite sur le taux normal ; refonte des contrats de travail et réforme de la formation professionnelle sont des éléments importants du nouveau modèle social à bâtir ;

  • de même qu'en matière de fiscalité, il est capital de donner de la perspective à la réforme : 70 % des Français estiment aujourd'hui que la réforme de 2010 ne garantit pas la retraite par répartition. A des ajustements paramétriques, il faut substituer une réforme systémique qui permette lisibilité (38 régimes co-existent aujourd'hui en France) et pérennité des mécanismes.

Ces enjeux nourriront, il faut le souhaiter, la campagne présidentielle de 2012 qui doit réconcilier compétitivité et cohésion sociale.

- Lire les analyses des six autres think tanks sur le Monde.fr

- Les propositions de l'Institut Montaigne sur la santé et la protection sociale

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