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06/06/2016

Fuite des cerveaux, une tendance inéluctable ?

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Fuite des cerveaux, une tendance inéluctable ?
 Institut Montaigne
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Le 17 mai dernier, le Conseil d'Analyse Économique a publié une note, Préparer la France à la mobilité internationale croissante des talents, faisant état d'une accélération du phénomène d'expatriation, notamment parmi les jeunes diplômés. Cette tendance atteste-t-elle de la persistance d'une "fuite des cerveaux" déjà l'?uvre, privant la France de ses principaux talents ? Explications.

Une mobilité internationale à double sens

15% : tel est le taux de départ des diplômés français de grandes écoles, un an après leur sortie d’école. Ce chiffre traduit une forte volonté d’expatriation des jeunes diplômés, en hausse constante, que l’Institut Montaigne avait déjà identifiée à l’occasion d’une enquête menée en octobre 2013 auprès des étudiants de neuf grandes écoles, dont 79% indiquent pouvoir envisager de partir à l’étranger pour chercher un emploi après l’obtention de leur diplôme.

Le départ à l’étranger de nombreux jeunes très qualifiés présente certaines vertus dont on peut se réjouir. En effet, la mobilité externe des diplômés français témoigne de l’ouverture internationale des étudiants français, entretient des réseaux propices à la circulation d’informations et favorise les échanges commerciaux. À l’occasion de la publication de l’Index Mondial sur la Compétitivité et les Talents (GTCI), en janvier dernier, Bruno Lanvin, le directeur général pour les Indices mondiaux à l’INSEAD, explique à ce sujet que "la mobilité internationale temporaire de travailleurs hautement qualifiés" est un atout pour les pays d’origine qui "doivent comprendre que cela se traduit par un gain net lorsque (les travailleurs) rentrent chez eux".

Parallèlement, la France figure parmi les premières destinations mondiales des étudiants étrangers, grâce à des atouts liés à la tradition d’accueil historique du pays et au prestige de certains établissements. Néanmoins, cette capacité d’attraction ne permettra à la France de conserver son rang en la matière qu’à condition de développer une stratégie globale et cohérente d’internationalisation.

De nombreux freins à la mobilité interne

Pour autant, la venue d’étudiants étrangers apporte une plus-value tangible au pays d’accueil dès lors que cela contribue à attirer des immigrants qualifiés. Or, le taux de rétention – l’apport de personnes qualifiées rapportée au stock d’étudiants étrangers – demeure particulièrement faible en France.

Ce constat s’explique notamment par la faible qualité de l’environnement de travail, qu’il s’agisse de la rigidité du marché du travail, de la complexité des procédures et démarches administratives relatives à l’accueil des travailleurs non communautaires ou d’un contexte fiscal peu incitatif. Aussi, les conditions d’obtention des visas, très restrictives notamment pour les plus diplômées, ne facilitent pas le travail des étrangers en France.

Si ces critères entravent  l’arrivée de nombreux travailleurs étrangers, ils concourent également à la réticence de nombreux expatriés français à retourner en France. Dans son étude Gone for good ? Partis pour de bons ? Les expatriés de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis, l’Institut Montaigne, en se fondant sur l’expérience de jeunes Français titulaires d’un doctorat et partis enseigner aux États-Unis, met en exergue l’aptitude du système anglo-saxon d’enseignement supérieur à attirer les talents par des conditions de travail particulièrement favorables.

Dans ce contexte, l’annonce par le gouvernement de l’annulation de crédits pour le budget de la recherche, révisée depuis sous la pression de la communauté scientifique, ne semble pas de nature à inverser cette tendance au départ, préjudiciable à la compétitivité de la France en ce qu’elle nuit au potentiel d’innovation et de productivité de notre pays.

Dès lors, la mobilité internationale croissante des diplômés français affectera le modèle économique de la France tant que le pays ne parviendra pas à réunir les conditions propres à assurer le retour de ses expatriés, le maintien des élites étrangères qu’elle a formées mais aussi l’arrivée de talents étrangers susceptibles de pallier les déséquilibres potentiels qu’entraîne cette tendance à l’expatriation.

Une menace pour le financement de l’enseignement supérieur


Compte tenu de la tranche d’âge de la majorité des personnes expatriées – entre 25 et 55 ans – la France se prive par ailleurs d’une contribution potentielle importante au système fiscal et social, posant certains risques pour le financement de l’enseignement supérieur.

Face aux enjeux budgétaires que pose la mobilité des qualifiés, l’une des alternatives suggérées par la note du Conseil d’Analyse Économique consiste en l’introduction dans l’enseignement supérieur public d’un co-paiement pour les étudiants-non communautaires, faisant écho à la différenciation des frais d’inscription pour ces étudiants que l’Institut Montaigne préconise dans son rapport Université : pour une nouvelle ambition.

Ce type de mesure, largement répandue en Europe – Royaume-Uni, Belgique et Pays-Bas notamment – s’inscrit nécessairement dans une logique d’autonomie des universités encore trop peu insufflée par les pouvoirs publics.

Pour aller plus loin :

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