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19/05/2008

Finances publiques : finie l'hémorragie ?

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Le très attendu débat sur la réforme de la Constitution s’ouvre ce mardi à l’Assemblée nationale. A celui-ci s’ajoute la grande surprise de ce week-end : l’entrée d’un volet sur les finances publiques.

Par voie d’amendements

Une grande nouveauté vient donc se greffer sur l’examen de la réforme de la Constitution puisque le gouvernement souhaite faire figurer dans le texte plusieurs principes concernant les finances publiques. En substance, l’idée de cette innovation consiste à contraindre l’exécutif à proposer et le législatif à voter des budgets en équilibre. On n’en connaît pas encore tous les détails, mais vraisemblablement, un amendement du Nouveau centre pourrait fixer un objectif d’équilibre sur la période couverte par les lois de Finances pluriannuelles (Etat, Sécurité sociale, collectivités locales), et un autre amendement imposerait l’équilibre pour le vote du budget de la Sécurité sociale.

Un moyen d’arriver à l’équilibre ? Est-ce une bonne nouvelle ? Ce n’est pas tous les jours qu’on scénarise de la sorte la question de l’équilibre des finances publiques, laquelle est pourtant une véritable plaie nationale! Par conséquent, il ne faut pas bouder son plaisir… Notre addiction aux déficits, que ce soit dans le fonctionnement de l’Etat ou dans le financement de la sécurité sociale dure depuis 30 ans. Il est donc formidable que l’on affirme enfin, sans se cacher, qu’il s’agit là d’un gros problème. Seulement, entre décréter qu’on sera sage, et être sage, il y a un monde. Il faut désormais, et ce ne sera pas chose facile, passer à l’acte. D’ailleurs, pour la petite histoire, l’obligation d’équilibre pluriannuel dont on nous parle est prévue pour entrer en vigueur… en 2012 seulement, à la fin du septennat ! Donc, on grave dans le marbre la vertu budgétaire, mais enfin on la réserve à ses successeurs.

Exemples suisse, finlandais…

Certes, le fait d’inscrire cette obligation dans la constitution ne peut pas nuire, mais rappelons qu’il y a eu dans le passé des tas de constitutions bouleversantes de générosité dans des pays parfaitement totalitaires, à commencer par l’Union soviétique… Il se trouve que j’ai brièvement travaillé il y a quelques mois sur la Suisse, et c’est amusant parce que sur les 26 cantons suisses, certains se sont légalement interdit le déficit. Or, ceux-là sont souvent dans le rouge, tandis que d’autres, qui n’ont toujours aucun texte dans ce sens, sont au contraire tous les ans à l’équilibre… D’ailleurs, lorsque vous regardez les pays qui ont été particulièrement courageux sur ce sujet, le Canada, le Portugal, la Finlande entre autres, vous constatez que ce n’est pas un changement de constitution qui leur a permis de renverser la vapeur, mais plus simplement un changement de comportement politique qui s’appuyait lui-même sur un changement dans l’opinion, sur une évolution culturelle !

Et Bruxelles ?

Et puis, honnêtement, je ne vois pas bien pourquoi on respecterait davantage une obligation de sagesse écrite dans la constitution que celle qui figure déjà dans les traités européens, foulée au pied dans la joie et la bonne humeur - je rappelle à ce titre que Bruxelles va encore nous adresser une mise en garde sur le déficit public d’ici la fin du mois…

Un peu de pédagogie

Il y a certes urgence à montrer un peu de sérieux sur ces questions budgétaires, mais en réalité – et c’est le vrai sujet à traiter - tout le monde n’en n’a probablement pas encore vraiment pris conscience. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que chaque année, on nous répète que c’est la catastrophe, et pourtant, on survit et les gens s’habituent. De ce point de vue le jour où Bruxelles nous mettra vraiment à l’amende ne sera pas inutile. Mais au-delà, je crois que la manière dont on présente notre déficit est à peu près incompréhensible. On nous parle de points de PIB, 2 points de PIB, moins de 3 points de PIB – ce qui n’est pas très parlant pour Monsieur tout le monde, pour chacun d’entre nous.

Mesurer les excès de dépenses

Nous proposons donc, à l’Institut Montaigne, d’afficher très régulièrement, tous les mois ou tous les trois mois, le pourcentage de dépassement des recettes par les dépenses publiques. Par exemple, si on dit que l’Etat au sens large dépense aujourd’hui 13% de plus que ce qu’il encaisse, et ce sont là les vrais chiffres pour le début 2008, je crois que ces ordres de grandeurs, concrets, montreront clairement la gravité du problème. Dès lors, tout le monde sera en mesure de le comprendre !

Avant de changer la constitution pour décréter la guérison du malde, je crois qu’il serait intéressant de se doter d’un thermomètre sur lequel chacun d’entre nous puisse lire que le pays a la fièvre…

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