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29/09/2014

Financement des infrastructures : et si on choisissait les bonnes cibles ?

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Financement des infrastructures : et si on choisissait les bonnes cibles ?
 Alexia de Monterno
Auteur
Directrice adjointe de l'Institut Montaigne

Le 11 septembre dernier, la Commission européenne a lancé un appel à projet de 11,9 Mds' à destination des Etats-membres afin de développer les infrastructures de transports au sein de l'UE. Un effort considérable qui pose toutefois la question de la priorité des investissements européens dans les transports à l'heure où les dispositifs existants ont tendance à se dégrader rapidement.

Un financement de 26 Mds€ pour créer des "corridors" de transport

L’appel à projet de près de 12 Mds€ correspond à la première tranche de l’enveloppe de financement d’un montant de 26 Mds prévue pour la période 2014-2020. Destinée à "booster" la croissance, cette initiative doit permettre de donner corps aux projets de "corridors" de transport prioritaires définis par la Commission en octobre 2013 et qui sont considérés comme vitaux pour le bon fonctionnement du marché unique. Ces neuf grands projets de "corridors" incluent la liaison des ports européens aux réseaux ferroviaires et routiers, celle d’aéroports aux centres villes, la construction de 15 000 km de lignes à grande vitesse ainsi que des projets transfrontaliers. Subventionnés jusqu’à 40 % par Bruxelles, les projets devront être co-financés par les Etats.

Il convient bien entendu de saluer cet effort sans précédent de la Commission, tant sur le montant des fonds attribués au développement des grandes infrastructures de transports (26 Mds, c’est plus du triple que les 8 Mds affectés à la période 2007-2014) que sur la volonté de cibler l’effort de financement et d’éviter la saupoudrage – définition de projets prioritaires et taux de subvention significatif (40 %). A un moment où nombre de projets ont du mal à être finalisés faute de financements, l’initiative de la Commission est évidemment bienvenue. Elle peut permettre de construire des tronçons transfrontaliers qui intéressent assez peu les Etats ou d’accélérer des projets en discussion depuis de longues années (on songe à la liaison Charles de Gaulle Express devant relier l’aéroport de Roissy au centre de Paris).

La contrainte financière impose de mieux cibler les investissements pour maximiser leur utilité sociale et économique

Cette annonce suscite néanmoins quelques interrogations.

Tout d’abord, si l’Europe souhaite fournir aux citoyens européens des exemples concrets de son action, il n’est pas certain que les priorités retenues soient les bonnes. Et cela à deux titres :

- le choix de grands travaux d’infrastructures ne générera pas d’emplois à court terme (sauf pour les projets prêts mais en attente de financement auxquels la priorité devrait être donnée) . La sélection des projets, les enquêtes de faisabilité, le bouclage nécessairement complexe de leur financement font que les travaux ne démarreront pas avant trois ou quatre ans. D’ici là, les projets d’infrastructures resteront très théoriques ; - par ailleurs, s’ils devaient établir des priorités, il y a fort à parier que les citoyens choisiraient l’amélioration de leurs déplacements quotidiens, le désengorgement des agglomérations, l’amélioration du service rendu plutôt que les liaisons transfrontalières qui ne les concernent que fort peu.

Les subventions européennes peuvent permettre de financer des projets ambitieux. Elles ne doivent pas dispenser d’une réflexion approfondie sur leur utilité économique et sociale. L’exemple de la liaison Lyon-Turin en constitue un cas emblématique. L’UE permettra sans doute de financer les travaux du "tronçon central" d’un montant de huit milliards d’euros. C’est oublier que le coût total du chantier est en fait de 40 Mds€ et que l’intérêt du projet reste sujet à discussion.

La logique des grands projets : une dynamique à bout de souffle ?

Enfin, l’annonce de la Commission pose la question du lien entre infrastructures et croissance durable. L’Espagne est le deuxième pays au monde par la taille de son réseau de lignes à grande vitesse derrière la Chine et possède 17 aéroports vides… La logique de grands projets pourrait utilement être questionnée et laisser la place à une logique de service fondée sur les dispositifs de mobilité existants. Pour ne citer qu’un exemple, améliorer significativement l’interopérabilité ferroviaire constituerait un progrès notable dans la connexion des réseaux en Europe. C’est un effort de longue haleine, coûteux et peu spectaculaire, peu susceptible d’intéresser la Commission ni les gouvernements. Et qui pourtant, participerait utilement à la compétitivité de notre continent.

- Consulter le rapport de l'Institut Montaigne "Transport de voyageurs : Comment réformer un modèle à bout de souffle ?"

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