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16/12/2016

Europe de la défense : un nouveau départ?

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Europe de la défense : un nouveau départ?
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Le 14 novembre dernier, Federica Mogherini, Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité commune a présenté le ?Plan de mise en ?uvre de la stratégie globale dans le domaine de la sécurité et de la défense?. Deux semaines plus tard, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a publié un ?Plan d'action européen de la défense?.

Le Brexit laisse à présent libre cours aux institutions européennes pour proposer de tels projets et aux autres États membres pour avancer sur le chemin d’une Europe de la défense. En effet, au cours du XXème siècle, le Royaume-Uni s’est opposé à plusieurs reprises aux initiatives d’intégration militaire européenne.

Le sommet de Bratislava du 16 septembre 2016 a dégagé entre les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement un premier consensus sur la nécessité d’une meilleure coordination des politiques nationales de défense et de sécurité extérieure.

Une Europe désarmée ?

Le contexte d’aggravation des tensions aux frontières de l’Europe accroît la menace qui pèse sur les États membres. Comme nous analysions dans un précédent article, la sûreté européenne est directement affectée par les événements suivants :

  • guerre en Syrie, afflux de réfugiés et développement du terrorisme au Moyen-Orient ;
  • retour de l’expansionnisme russe ;
  • possible désengagement militaire américain de l’OTAN annoncé par Donald Trump.

Malgré ces menaces, dont certaines sont connues depuis de nombreuses années, les dépenses militaires des États membres européens ont sensiblement diminué ces dernières années. Les chiffres suivants, issus des données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) présentent ces différentes évolutions. Sur la période 2010 - 2015, on constate :

Une diminution des dépenses budgétaires annuelles de défense des pays occidentaux :

  • États-Unis : - 21,4 % ;
  • Union européenne : - 10,8 % ;
  • Royaume-Uni : - 13,6 % ;
  • France : - 7 % ;
  • Allemagne : - 4,8 %.

Une augmentation des dépenses budgétaires annuelles de défense des autres puissances :

  • Chine : + 48,5 % ;
  • Russie : + 49,4 %.

2016, année du changement ?

Cette année, plusieurs États européens ont néanmoins annoncé une modification de leur politique d’investissements militaires. Selon le rapport annuel “Jane’s” réalisé par le cabinet IHS Markit et présenté par le journal Le Point, la somme des budgets de défense des États européens sera en hausse en 2017. Le budget allemand passerait notamment de 34,2 milliards d’euros à 36,6 milliards. Les États baltes investiront également de manière importante et l’enveloppe totale consacrée à la défense pour ces trois pays aura doublé entre 2005 et 2020.

En plus de ces investissements financiers, plusieurs initiatives ont été prises sur le plan politique. Le 12 septembre dernier, les ministres de la défense allemand et français ont publié une feuille de route commune pour affirmer leur volonté d’avancer en matière de défense européenne. Jean-Yves Le Drian et Ursula van der Leyen distinguent trois axes de coopération prioritaires pour les années à venir :

  • permettre une réelle capacité de déploiement lors des opérations de la Politique de sécurité et de défense commune (Eurocorps, Battle groups…) ;
  • relancer les initiatives du Conseil européen non-abouties ;
  • renforcer la coopération technologique et industrielle européenne.

Le Plan d’action européen de la défense présenté par la Commission européenne prévoit la création d’un fonds européen destiné à soutenir les investissements dans la recherche et le développement en matière de défense. Un tel fonds distinguerait un "volet recherche" pour augmenter l’effort financier dans les technologies de défense et un "volet capacités" afin de favoriser et développer l’équipement de défense des États européens. Le budget de ces initiatives serait à terme porté à 500 millions annuels pour le premier volet et à 5 milliards d’euros annuels pour le second Parallèlement, la Commission veut promouvoir les investissements des fournisseurs de l’industrie de la défense en s’appuyant sur le levier financier du “plan Juncker” et renforcer l’intégration du marché intérieur en matière de défense par l’application de deux directives sur la passation des marchés publics militaires.

Le récent rapportRefonder la sécurité nationale de l’Institut Montaigne insiste sur la nécessité de renforcer la Base industrielle européenne de défense (BIED), et ce dans trois directions : la mutualisation, la spécialisation et le développement. Certes, l’industrie de l’armement en Europe est puissante. Mais la simple addition des capacités nationales n’est pas suffisante. Une effort doit être conduit au niveau européen pour rationaliser cette industrie par la coopération en matière de recherche et la coordination dans le domaine de la production.

De telles initiatives permettraient à l’industrie européenne de se rapprocher de sa rivale américaine en termes de volume de vente de matériels militaires. Selon le SIPRI, pour un niveau de PIB comparable, les États-Unis vendent près de 209 milliards de dollars de matériel militaire, alors que l’UE atteint 95 milliards en 2015 .

Les réformes portées par la Commission européenne, la France et l’Allemagne paraissent nécessaires. Si l’Europe veut pouvoir se défendre efficacement contre les différentes menaces qui affectent sa sécurité et parvenir à une “autonomie stratégique”, elle devra réussir à les mettre en œuvre au cours des prochaines années.


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