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14/03/2017

Élections législatives aux Pays-Bas : entretien avec Karien van Gennip

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Élections législatives aux Pays-Bas : entretien avec Karien van Gennip
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Avant la France au mois d'avril et l'Allemagne au mois de septembre, les Pays-Bas éliront leur prochain gouvernement ce mercredi 15 mars. Karien van Gennip, secrétaire d'État aux affaires économiques et ministre au Commerce extérieur des Pays-Bas de 2003 à 2007, actuellement CEO d'ING Bank France, a accepté de nous donner son point de vue sur cette élection.
 

Mise à jour du 16/03 : le parti libéral VVD du premier ministre sortant, Mark Rutte, a remporté l'élection en battant le parti populiste de Geert Wilders.

Quels sont les principaux enjeux des élections qui se tiendront le 15 mars prochain aux Pays-Bas ?

Mark Rutte, représentant du parti libéral VVD est actuellement Premier ministre, à la tête d’une coalition avec le parti travailliste PvdA.

Aux Pays-Bas, en raison du scrutin proportionnel en vigueur, aucun parti politique ne détient seul la majorité absolue des sièges au Parlement. Le Premier ministre est donc toujours à la tête d’une alliance entre plusieurs partis. Le système des coalitions est profondément ancré dans la culture politique. En règle générale, une coalition de gouvernement est composée de deux à trois partis politiques qui négocient ensemble le programme du gouvernement à partir de leurs propositions électorales respectives.

La situation politique aux Pays-Bas est inédite. Jamais jusqu’à présent, il n’y avait eu un tel éparpillement des intentions de vote au sein de l’électorat. Les sondages annoncent une importante fragmentation du Staten-Generaal, le Parlement du pays.

Une récente enquête prévoit la répartition suivante pour les 150 sièges de la chambre basse :

  • VVD (People's Party for Freedom and Democracy, libéraux) : 26
  • PVV (Partij voor de Vrijheid, populistes de droite) : 23
  • CDA (Christen-Democratisch Appèl, chrétiens-démocrates) : 21
  • D66 (Democrats 66, sociaux-libéraux progressistes) : 17
  • GL (GroenLinks, écologistes) : 14
  • SP (Socialistische Partij, sociaux-démocrates de gauche) : 13
  • PvdA (Partij van de Arbeid, sociaux-démocrates) : 11
  • CU (ChristenUnie, chrétiens-démocrates) : 6
  • SGP (Staatkundig Gereformeerde Partij, calvinistes orthodoxes protestants) : 5
  • 50+ (50Plus, défense des intérêts des retraités) : 6
  • PvdD (Partij voor de Dieren, défenseurs de la cause animale) : 4
  • Autres (souvent Pirate Party, DENK, VNL, FvD, parfois indéfinis) : 3

À l’heure actuelle, nul ne sait qui du Premier ministre néerlandais ou du PVV du populiste Geert Wilders arrivera en tête de l’élection. Toutefois, les principaux partis en lice ont indiqué qu’ils ne passeraient aucune alliance avec le PVV. La montée en puissance de Geert Wilders et de son parti dans l’opinion publique est sans conteste le fait politique majeur des dernières années. En l’absence d’alliés au sein du Parlement, il est toutefois très peu probable que Geert Wilders devienne Premier ministre.

La prochaine coalition devrait alors logiquement comporter quatre à six partis. Une fois le nouveau Parlement élu, les négociations pourraient en effet prendre plusieurs mois avant qu’un contrat de coalition ne soit établi. Durant ce délai, c’est le gouvernement en place qui assurera le pouvoir. Aucune initiative politique majeure ne pourra être prise. Bien entendu, le pays restera gouverné. En cas d’urgence, le gouvernement pourra rechercher l’appui des partis représentés au Parlement.

Quels thèmes dominent actuellement la campagne électorale ?

Comme la plupart des pays occidentaux, les Pays-Bas sont confrontés à une montée du populisme. Bon nombre des thèmes qui ont façonné la campagne électorale du Brexit sont actuellement au cœur du débat public néerlandais : refus de l’immigration, refus de la mondialisation, euroscepticisme, etc. La critique de l’establishment et des corps intermédiaires est désormais profondément installée dans l’opinion publique.

Une partie grandissante de la classe moyenne a le sentiment de ne plus maîtriser son avenir ni celui de son pays. Les citoyens ne comprennent pas les changements internationaux actuellement en cours et sont persuadés que quelques soient leurs efforts et leur travail, leurs enfants auront un moins bon avenir qu’eux. L’opinion publique a l’impression de ne plus avoir aucune prise sur les décisions politiques et que leurs intérêts ne sont plus pris en compte. Une profonde défiance se creuse entre les classes populaires et moyennes d’une part, et l’élite dirigeante de l’autre.
  
Contrairement aux pays du Sud de l’Europe, le taux de chômage est faible aux Pays-Bas (5,4 % en décembre 2016) et le niveau de vie de la population est relativement confortable. Ces évolutions politiques résident donc davantage dans le sentiment qu’ont les citoyens de ne plus maîtriser leur futur que dans la situation socio-économique réelle du pays.

Comment voyez-vous ces élections dans le contexte européen actuel ?

Selon moi, le principal enjeu de cette élection est de comprendre et de répondre à ce sentiment d’incertitude et de crainte vis-à-vis de l’avenir. Si le PVV arrivait en tête, cela enverrait un très mauvais signal au reste de l’Europe. Dans le contexte du Brexit et de l’élection de Donald Trump, cela conforterait les mouvements populistes, à commencer par le Front national de Marine le Pen.
 
Les référendums sur le traité établissant une constitution pour l'Europe qui ont eu lieu le 29 mai 2005 en France et le 1er juin 2005 aux Pays-Bas, ont été l’occasion pour les deux peuples d’exprimer leur opposition à la construction européenne telle qu’elle était mise en œuvre. Ces deux référendums auraient dû alerter les partis de gouvernement de nos deux pays. Au lieu de cela, nous avons assisté à une forme de statu quo dont nous payons actuellement le prix.

Durant les dix dernières années, la France et les Pays-Bas n’ont pas été capables d’apporter une réponse efficace aux attentes de leurs citoyens, ni même d’expliquer les avantages de l’appartenance à l’Union européenne (UE). Ma conviction est que l’Europe et les Pays-Bas ont besoin d’une France engagée en faveur de l’UE. La France doit impérativement procéder à d’importantes réformes économiques, pas uniquement pour elle mais aussi pour toute l’Europe. Nous avons besoin de deux pays leaders au sein de l’UE.

 

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