Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
26/04/2017

Élection présidentielle : les lignes de fracture révélées par le scrutin

Imprimer
PARTAGER
Élection présidentielle : les lignes de fracture révélées par le scrutin
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne

 

Antoine Jardin, ingénieur de recherche au CNRS, nous livre son analyse sur les dynamiques électorales du premier tour de l'élection présidentielle.

À la lecture des résultats du scrutin, quelles ont été selon vous les dynamiques électorales à l’œuvre ?

Le scrutin est marqué par une fracture sociologique de la gauche et de la droite. L'électorat populaire de droite continue de glisser vers le FN, mouvement amorcé dès les cantonales de 2011 et qui s'est amplifié depuis. L'électorat populaire et des classes moyennes de gauche s'est largement porté vers Jean-Luc Mélenchon, phénomène encore plus marqué dans les banlieues et en Outre-mer.

A contrario, les électeurs de gauche les plus dotés socialement se sont portés vers Emmanuel Macron dès le premier tour, rejoint en cela par les classes moyennes de droite les plus libérales. En conséquence, la droite parlementaire ne conserve un ancrage important que dans les classes très supérieures, chez les plus âgés et parmi les groupes conservateurs. Le vote socialiste, pris en ciseaux, s'est effondré.


Peut-on parler d'une recomposition du vote de classe ? Assiste-t-on à une captation des classes moyennes par les candidats dits "populistes" ?

Il serait dangereux politiquement et erroné scientifiquement de renvoyer dos à dos les candidatures de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen. Le clivage droite / gauche n'est pas effacé mais il est au contraire étiré en raison de la défiance sans précédent des Français à l'encontre des deux grands partis ayant structuré la vie politique des dernières décennies.

Le vote des "classes moyennes" est par définition fragmenté, en raison notamment du type d'activité (salarié, indépendant, entrepreneur), des censures qui existent entre "gens du privé et gens du public" et du patrimoine détenu.

Concernant le vote populaire, il n'est plus aussi fortement ancré à gauche que par le passé. On observe notamment une diversification du vote ouvrier. L'image selon laquelle tous les ouvriers votent pour le FN est fausse, car près d'un tiers des membres de ce groupe social s’est abstenu. Au final, c’est environ 1/6ème des ouvriers vivant en France qui a voté pour Marine Le Pen, soit légèrement moins que pour Jean-Luc Mélenchon d'après les estimations des enquêtes.


Quels enseignements doivent tirer les partis de gouvernement ? Que présagez-vous de leur avenir ?

Les partis de gouvernements font face à une crise structurelle qui découle de leur incapacité à résorber les conséquences économiques et sociales de la crise économique de 2008. Ce malaise de long terme se traduit aussi dans le vote en faveur d'Emmanuel Macron qui exprime la recherche d'une alternative, près de 40% de ses électeurs indiquant avoir fait ce choix par défaut plutôt que par conviction.

À court terme, l'enjeu pour le Parti Socialiste et Les Républicains est celui de leur résilience aux élections législatives dans un contexte qui risque de voir émerger de nombreuses triangulaires voir quadrangulaires. À moyen terme, c'est leur ancrage local qui peut leur permettre de retrouver leur poids politique en formulant de nouvelles propositions.


Est-ce structurant pour les élections législatives à venir ?

Il est très difficile de répondre pour l'heure à cette question, car jusqu'au 19 mai, nous ne connaîtrons pas la structure de l'offre politique aux élections législatives. Existera-t-il une coalition entre En Marche et d'autres mouvances ou partis ? Y aura-t-il en réaction d'autres alliances ? Avant de le savoir on peut déjà souligner que la participation décline structurellement entre les présidentielle et les législatives, et que l'électorat du Front National a fait la preuve durant les élections de 2014 et 2015 de sa forte mobilisation lors des scrutins intermédiaires. L'extrême droite est arrivée en tête dans 84 circonscriptions et pourrait tirer profit du mode de scrutin qui implique d'atteindre le seuil de 12,5% des inscrits pour se maintenir au second tour, dans un contexte de fragmentation partisane affaiblissant ses adversaires.

Sur le même sujet :

Une rupture profonde

Décryptage des enjeux de la campagne présidentielle

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne