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24/09/2015

Échec scolaire : trois questions à Christian Forestier

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Échec scolaire : trois questions à Christian Forestier
 Institut Montaigne
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Mercredi 23 septembre 2015 était organisée la 8ème Journée nationale de refus de l'échec scolaire. L'occasion de revenir avec Christian Forestier*, ancien Recteur ayant exercé d'importantes fonctions au sein du système éducatif français, sur les racines d'un échec scolaire endémique et les solutions pour y porter remède.

À la sortie du primaire, 40% des élèves ont des acquis fragiles ou rencontrent des difficultés sévères ou très sévères (15%), ces résultats sont strictement identiques à la sortie du collège. À 17 ans, lors de la Journée défense et citoyenneté (JDC), 10% des jeunes rencontrent des difficultés sévères en lecture, auxquels s’ajoutent 9% de lecteurs "lents et peu fiables".
 
Comment expliquer que 40% des élèves sortent de l’école primaire avec des acquis fragiles ?


Le destin scolaire se joue très tôt, l’échec scolaire se construit dès la maternelle. Les travaux menés par James Heckman, prix Nobel d'Économie, ont prouvé que la capacité d'apprendre de l'enfant étant maximale durant la petite enfance, l’État devrait y investir prioritairement. Toute ambition en faveur de l'égalité des chances impose, en effet, d’agir le plus tôt possible.

Si cette nécessité de donner la priorité à l’école primaire fait aujourd’hui consensus, il faut également réaliser que l'échec scolaire lourd, précoce, qui concerne 20% des élèves, est socialement très marqué : il touche presque exclusivement des enfants de milieux très défavorisés, des enfants de pauvres. "L’effet CSP", mis en évidence par les chercheurs, est l’une des principales variables qui permet d’expliquer les disparités scolaires. L’enquête PISA 2012 a bien montré que la France figure en tête du classement des pays dans lesquels le déterminisme social est le plus prégnant. Pourtant, le poids de l’origine social n’est pas une fatalité ! L’analyse de PISA démontre que les pays les plus performants sont également les plus équitables, comme le prouvent les résultats de la Corée du Sud ou du Japon.

Il y a donc urgence à mettre en œuvre des actions qui se concentrent sur le cycle des apprentissages fondamentaux. Il faut absolument concentrer nos efforts sur la grande section de maternelle, le CP et le CE1. Or, nous dépensons encore aujourd’hui beaucoup trop pour le lycée et pas assez pour l’école primaire. Si les nouveaux programmes vont dans le bon sens, il faut ouvrir davantage l’école primaire et les ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l'éducation) aux avancées de la recherche.

Que faire pour les 140 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification ?

Plus de 15% des élèves Français quittent, chaque année, notre système scolaire sans diplôme ni qualification. Pourtant de nombreux pays de l’Union Européenne se situent sous la barre des 10% (les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche ou encore la Slovénie), ils nous montrent qu’il est possible de faire mieux !

Plus grave encore, près de 80% de ces 140 000 décrocheurs étaient déjà en difficulté à l’école élémentaire, ce décrochage a un coût humain et social considérable ! Il est néanmoins possible de réduire considérablement leur nombre en établissant un véritable continuum entre l’école primaire et le collège. Mais, tant que l’on s’obstinera à faire du collège une propédeutique du lycée, nous serons condamnés à voir ces errements se répéter !
 
Si vous pouviez engager deux mesures pour enrayer cette spirale de l’échec ?

La priorité, selon moi, est avant tout d’agir pour rapprocher la recherche de la salle de classe et de mettre en œuvre intervention précoce et ciblée. À cet égard, l’action de l’association Agir pour l’École, ciblée sur la grande section, le CP et le CE1 couvre cette période cruciale d’apprentissage et de consolidation des savoirs fondamentaux. Sa méthode, fondée sur un protocole expérimental, n'applique que des procédés ayant des résultats avérés par la recherche. Leurs premiers résultats prouvent qu’il est possible de diminuer de 30% le nombre d’élèves en difficulté !

Enfin, il apparaît tout aussi urgent que les professeurs des écoles et les professeurs de collège reçoivent une formation initiale et continue commune. Sans ce prérequis, l’objectif d’une "école du socle", qui garantirait à tous l’acquisition des compétences fondamentales, restera lettre morte.
 

*Christian Forestier a été Président de l'université de Saint-Étienne. Il a ensuite, de 1981 à 2000, exercé d'importantes fonctions au sein du système éducatif français : Recteur de quatre académies - Reims, Dijon, Créteil et Versailles, directeur des lycées et des collèges puis directeur général des enseignements supérieurs. De 2000 à 2002, il a dirigé le cabinet du ministre de l'Éducation nationale, avant de présider le Haut Conseil de l'évaluation de l'école. Il a également présidé le Conseil d'administration du CEREQ (Centre d'études et de recherches sur les qualifications) et, entre 2008 et 2013, été administrateur général du CNAM (Conservatoire national des arts et métiers).

Pour aller plus loin
Consultez le rapport, Vaincre l’échec à l’école primaire, avril 2010
Consulter la note, Contribution à la concertation sur l’école : priorité au primaire, juillet 2012

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