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09/05/2016

Des pistes pour limiter le monopole syndical

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Des pistes pour limiter le monopole syndical
 Institut Montaigne
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Tribune de François Béharel, président du groupe Randstad France, et de Gérard Adam, professeur émérite au CNAM, coprésidents du groupe de travail de l'Institut Montaigne qui a produit le rapport Sauver le dialogue social, parue en exclusivité dans Les Echos, le 6 mai 2016.

Le projet de loi de réforme de droit du travail affiche un objectif clair : faire de l'entreprise le lieu stratégique de la négociation collective, au plus près des réalités économiques et sociales. Cet objectif est cependant contredit par les modalités prévues pour les accords d'entreprise. Pour l'essentiel, les députés ont fait leur la position défendue par les dirigeants syndicaux : seuls les syndicats, ou en leur absence un salarié mandaté, doivent mener la négociation.

Cette affirmation est conforme à la tradition centralisatrice d'un mouvement syndical piloté "d'en haut" par des états-majors jugés seuls capables de bien définir l'intérêt des salariés. Elle s'appuie aussi sur une méfiance culturelle à l'égard de l'entreprise qui, de son côté, a longtemps refusé la présence syndicale sur les lieux de travail.

Ainsi s'est forgée une conception de la "démocratie sociale" fondée sur le monopole syndical de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles. Avec, à la clef, une appréciation de la représentativité syndicale mesurée par des élections reposant sur ce critère évidemment restrictif.

Aujourd'hui, le gouvernement s'est placé dans une contradiction majeure entre une démarche visant à faire naître un nouveau modèle social et le maintien de règles contraires à cet objectif. L'impasse dans laquelle on paraît s'engager est d'autant plus surprenante qu'elle veut ignorer la réalité : 57 % des entreprises de plus de 10 salariés n'ont pas d'instances représentatives du personnel (IRP). Ce constat de déserts syndicaux est cohérent avec la faiblesse du taux de syndicalisation en France (5 % dans les entreprises privées).

Or, dans un effet de contraste saisissant, les discours officiels soulignent depuis plusieurs décennies la nécessité de syndicats forts. Et, alors que la législation et les accords collectifs n'ont cessé de renforcer les moyens des organisations syndicales, celles-ci ont de moins en moins d'adhérents. Ce paradoxe souligne l'écart entre la reconnaissance officielle, désormais acquise, et le déficit de légitimité auprès des salariés, auquel aucune réponse n'a été apportée.

Dès lors, il apparaît légitime de s'interroger sur la pertinence d'un système de représentation salarial hérité de l'après-guerre. Aussi formulons-nous trois propositions destinées à le rénover.

En premier lieu, le monopole de présentation des candidats aux élections professionnelles doit être supprimé. Si cette seule étape ne suffira pas à revitaliser le dialogue social dans l'entreprise, elle est cependant nécessaire. Contrairement aux apparences, le risque majeur auquel les syndicats sont exposés n'est pas l'influence patronale sur les militants, mais la perte de confiance des salariés. Pour les syndicats, regagner la confiance des salariés ne peut donc que passer par l'acceptation de libres candidatures, comme c'est d'ailleurs la règle dans la sphère politique.

Parallèlement, le principe devrait être posé d'une négociation sans contrainte par les institutions de représentation des salariés dès lors qu'il n'y a pas de délégué syndical. Concrètement, l'employeur devrait pouvoir négocier librement avec le CE, le CHSCT et les DP - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

En dernier lieu, il faut légaliser sans tarder le référendum d'entreprise, Trois mesures doivent être prises : ne pas conditionner sa mise en place à un accord préalable, étendre son champ d'application aux questions sensibles - salaire, contrat et temps de travail -, et permettre aussi à l'employeur de le convoquer. Car il ne peut s'envisager à la seule main des syndicats.

L'action conjuguée de ces propositions est selon nous nécessaire pour rendre enfin légitimes aux yeux des salariés les organisations syndicales. De cette légitimité en reconquête dépend leur efficacité dans les PME.

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