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07/07/2014

Des partenaires sociaux divisés

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Des partenaires sociaux divisés
 Institut Montaigne
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Institut Montaigne



Tribune de Bertrand Martinot, parue dans Le Figaro daté du 7 juillet 2014 (version intégrale).
Bertrand Martinot est ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle, auteur de Chômage: inverser la courbe, publié par l'Institut Montaigne aux Editions Manitoba/Les Belles Lettres.


La France est la patrie des commissions, des comités et des rapports. Nous connaissons donc les remèdes nécessaires pour revenir au plein-emploi : un marché du travail efficace qui permette aux jeunes de s'y intégrer et aux chômeurs de se reconvertir, un système d'éducation et de formation performant, la suppression autant que possible des réglementations aberrantes ou inutiles, la baisse des charges, le remplacement partout où c'est pertinent de la norme étatique par le contrat et la convention, l'avantage donné à l'entrepreneur sur le rentier.

Le problème n’est donc pas "que faire ?", mais "comment faire ?". Affaiblis par les échecs antérieurs, les gouvernements se font plutôt modestes. Ils misent l’essentiel des réformes sur un dialogue social sanctificateur et incarné par des conférences sociales qui se succèdent sous différentes formes depuis 2007. Quant aux parlementaires, leur rôle en la matière est réduit non plus à celui de "godillots", mais à celui, guère plus stimulant, de greffiers enregistrant les accords entre partenaires sociaux.

Cette année, les partenaires sociaux vont plancher sur la politique de santé, l’insertion des jeunes, le dialogue social dans la fonction publique, le pouvoir d’achat, l’égalité homme-femme… Le patronat tentera de sécuriser les baisses de charges. La CGT s’opposera à tout et plaidera pour un retour à une économie administrée. FO interpellera le gouvernement sur la nécessité de relancer la dépense publique et les salaires. La CFTC voudra mettre l’homme au centre. La CFE-CGC s’alarmera de la situation des cadres. Quant à la CFDT, elle en appellera à plus de dialogue social et à plus d’Europe. Les personnes sont de bonne volonté et se parlent, à défaut de toujours se comprendre.

L’expérience des sept années écoulées depuis la relance d’un dialogue social national plutôt nourri, inaugurée en 2007-2008 par l’accord sur la rupture conventionnelle du contrat de travail, invite au scepticisme. Laissés à eux-mêmes, les partenaires sociaux, divisés, insuffisamment représentatifs de la diversité du pays et piégés dans les jeux institutionnels, ne sont pas en mesure de porter sur les fonts baptismaux des réformes de grande ampleur. Tout au plus peuvent-ils parvenir à des accords apportant des améliorations ponctuelles et utiles. C’est le cas des compromis obtenus depuis 2012 dans plusieurs accords interprofessionnels – formation, sécurisation de l’emploi, assurance-chômage. En outre, les impulsions données au niveau interprofessionnel sont insuffisamment relayées dans des branches professionnelles trop nombreuses, trop fragiles, où le dialogue social aboutit souvent à des textes qui n’ont rien à envier aux circulaires administratives les plus absconses.

C’est pourquoi, pour redonner de la vigueur au dialogue social, il faut paradoxalement en passer par une phase transitoire où l’État impose ses choix et fixe les règles du jeu. Il peut seul assumer cette tâche, pour deux raisons essentielles. La première est politique : malgré son évidente crise d’autorité, il a seul la légitimité démocratique pour imposer aux intérêts particuliers les changements nécessaires. La seconde est pratique : lui seul peut actionner à la fois tous les grands leviers de réforme, en particulier la norme et les finances. Cela lui permet, par exemple, d’utiliser l’arme fiscale ou budgétaire pour accompagner la disparition d’une rente de situation.

Autant dire que la conférence sociale ne sera qu’une caricature d’elle-même si elle renvoie à de nouvelles commissions, de nouveaux rapports et de nouvelles tables rondes. L’exercice sera utile, en revanche, si l’État parvient à cette occasion à énoncer clairement ce qu’il veut dans des matières aussi fondamentales pour l’emploi que sont, par exemple, la simplification du Code du travail, l’alternance, l’assurance-chômage, ou encore le rôle des branches professionnelles et les règles du jeu du dialogue social et de son financement.

Consultez la Note Emploi : le temps des (vraies) réformes ?

Lire l'article de Marc Landré, paru dans Le Figaro économie, le 3 juillet 2014

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