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10/09/2008

Délocalisation : épineuse mais nécessaire question

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Entre Renault, Airbus et EADS… Les mauvaises nouvelles ont afflué sur le front industriel en ce début de semaine. Retour sur de difficiles annonces.

Coups durs en vrac
- Renault confirme la suppression de 4000 postes en France, la direction affirmant qu’elle veut préserver la compétitivité du groupe.
- Airbus annonce le renforcement du plan d’économie « Power 8 », mais surtout l’externalisation d’une partie de la production dans les pays en zone dollar ou à faible coût de main-d’œuvre (Tunisie, Mexique, Chine)
- Les Chantiers de l’Atlantique, la semaine dernière, ont aussi tiré la sonnette d’alarme et les syndicats ont peur d’une délocalisation à terme…

L’industrie française en panne
Derrière ces annonces, se pose une vraie question sur l’avenir de l’industrie en France, d’autant que d’autres secteurs denses en technologie ou en recherche et développement peinent aussi. Ainsi, par exemple, les laboratoires pharmaceutiques, vont nettement moins bien qu’il y a quelques années.

Un secteur vraiment secondaire ?
Nous avons affaire à un véritable problème industriel. On rétorque souvent à ce constat que l’industrie représente un peu « le passé » et qu’elle embauche 20% à peine de la main d’œuvre, contre 70% ou presque dans les services. Comme si, à la limite, on pouvait s’en moquer. Mais ceci n’est pourtant pas tout à fait vrai, car :
- à part le Royaume Uni, il n’y a pas de grande puissance économique qui ne soit pas aussi une grande puissance industrielle, et, soit dit en passant, le Royaume Uni est en train de payer son choix du tout financier à l’heure de la crise.
- Par ailleurs, de nombreux services sont en fait des services à l’industrie externalisés. On les aurait encore comptés dans le secteur secondaire il y a quelques années. Ceux-ci ne survivraient pas à la chute ou au départ de l’industrie. Sans compter que l’industrie, c’est quand même aujourd’hui encore le lieu par excellence de la recherche et du progrès technologiques. Aussi, nous avons tout intérêt à garder notre industrie !

Le retour du nationalisme économique en France ?
Comme le chef de l’Etat l’a dit très justement : « Un grand pays, c’est un pays qui a une politique industrielle et produit des voitures, des avions, des trains et des bateaux ». Faut-il bloquer les délocalisations ? Peut-on le faire ? Les entreprises vont là où la main-d’œuvre est la moins chère. Les délocalisations doivent simplement être réalisées avec doigté, pas à la serpe, et doivent traiter les vrais problèmes. Deux remarques à ce sujet :
1) N’oublions pas que les délocalisations peuvent aussi sauver des emplois. Par exemple, on sait que les constructeurs automobiles allemands ont préservé leur compétitivité en délocalisant en Europe de l’Est une partie de la production, et en important aussi plus de pièces détachées. Rien ne sert d’empêcher les délocalisations de sauvergarde, et je dirais même à la limite qu’on pourrait en faire davantage ! La Porsche Cayenne : une énorme partie de ses pièces ne sont pas « made in Germany », il y a même eu un mini-scandale quand un journal allemand en a décortiqué une et a découvert le pot-au-rose. Pourtant cela n’empêche rien, ni le succès de cette voiture, ni l’idée qu’on se fait de sa « germanitude », ni le fait qu’elle crée des emplois en Allemagne !
2) Il convient également de réfléchir aux raisons pour lesquelles l’industrie française est si mal en point. Et d’ailleurs, nous avons constitué un groupe de travail à l’Institut Montaigne qui se penche sur ces questions :
- les prix, les coûts, (et ceux de la main d’œuvre en particulier, notamment avec les 35h)
- mais aussi la logistique, où, pour être honnête, le bât blesse en France (entre autres à cause des ports trop peu efficaces)
- mais aussi l’actionnariat et le crédit bancaire : il n’est pas facile de financer l’investissement industriel en France, en particulier dans les PME.

Quoi qu’il advienne, il faudra traiter ces sujets délicats au niveau de l’opinion publique. Mais comme toujours, posément, sans affolement.

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