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03/02/2016

Dégressivité des allocations chômage : trois questions à Laurent Bigorgne

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Dégressivité des allocations chômage : trois questions à Laurent Bigorgne
 Institut Montaigne
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Pour redynamiser le marché de l'emploi, le gouvernement vient d'ouvrir la piste de la dégressivité des allocations chômage. Quels effets en attendre ? Que serait une réforme efficace du régime d'assurance chômage ? Les réponses de Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne.

1. Pourquoi revient-on sans cesse sur le régime de l’assurance chômage ?

On n’ose malheureusement plus envisager de réforme globale de ce système, alors que le taux de chômage en France est élevé et que la dette de l'UNEDIC s'accroît. Parce que la gestion de ce régime est entre les seules mains des partenaires sociaux. Parce que l’État n’ose pas agir. D’où des discussions refermées sitôt ouvertes, il y a deux ans sur les intermittents du spectacle, puis sur les obligations des chômeurs, désormais sur la dégressivité. Avec un taux de chômage supérieur à 10%, un déficit de 4,4 milliards d’euros en 2015 et une dette qui devrait atteindre 30 milliards d’euros à la fin 2016, il y a pourtant urgence à s’atteler à un retour à l’équilibre financier de ce régime dès que le chômage décroîtra et à un caractère incitatif plus fort pour la reprise d’un emploi. Rappelons que notre pays compte plusieurs centaines de milliers de postes non pourvus et de nombreux gisements non exploités… On estime ainsi que les agents d’entretien et les services d’aide à domicile représentent des gisements respectifs de 380 000 et de 320 000 postes d’ici 2022, selon France Stratégie et la Dares.
 
2. Que faut-il changer pour rendre le système plus efficace ?

Toutes les pistes ouvertes et non suivies depuis des années sont intéressantes : la question des intermittents, un meilleur contrôle des bénéficiaires, le durcissement de la notion d’offre d’emploi raisonnable, la dégressivité… Mais afin de pouvoir les mettre en œuvre, l’État doit être en mesure d’indiquer un cap, avec clarté et courage, au service de l’emploi et de la croissance. Celui-ci passera par la mise en place d’une véritable "flexicurité" permettant de concentrer les efforts sur la formation, la qualification et le placement plutôt que de tout miser sur un système d’indemnités non dégressif et parmi les plus longs d’Europe. C’est un débat difficile – la comparaison des revenus de remplacement et d’activité sera nécessairement posée – mais salutaire.
 
3. Quelle est la méthode à appliquer ?

Que le régime de l’assurance chômage soit de la seule responsabilité des partenaires sociaux est surprenant. Ceux-ci ne sont incités qu’à réagir à une situation de déficit, pas à en résoudre les causes structurelles. En outre, la garantie de l’État sur la dette participe à une forme de dilution des responsabilités. Certaines voix demandent que l’État reprenne la main, je n’écarterais pas d’emblée cette option. Et qu’il dispose, a minima, d’un rôle d’impulsion et de mise sous tension des acteurs sociaux dans un cadre tripartite. Ainsi, chez nos voisins allemands, qui ont pourtant une tradition du dialogue social beaucoup plus développée que la nôtre, c’est bien le gouvernement, et non les partenaires sociaux, qui a porté les réformes profondes de l’assurance chômage. 

Pour aller plus loin :
Ouvrage de Bertrand Martinot, Pour en finir avec le chômage, septembre 2015,

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