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08/12/2016

De quoi le référendum italien est-il le nom ?

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De quoi le référendum italien est-il le nom ?
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L'Association des dirigeants italiens en France (ADIEF) réunissait mardi dernier, en collaboration avec l'Institut Montaigne,  Giuliano da Empoli, conseiller de Matteo Renzi et auteur du livre Le Florentin (Grasset, 2016) et Pascal Perrineau, politologue et professeur des Universités à Sciences Po. Retour sur ce débat modéré par Pierre de Gasquet, journaliste et ancien correspondant à Rome des Echos.

Les électeurs italiens ont rejeté, dimanche 4 décembre dernier, à plus de 59%, la réforme constitutionnelle proposée par Matteo Renzi visant à mettre un terme au système de "bicamérisme égalitaire" donnant au Sénat le même poids politique que la Chambre des députés au cours du processus législatif. La réforme soumise aux citoyens consistait en une véritable transformation des institutions italiennes et représentait une rupture avec l’architecture du pouvoir telle que définie dans la Constitution de 1948.

Si le Président du Conseil des ministres est bien entendu le premier à subir les conséquences de ce scrutin en remettant sa démission, il est plus difficile d’en identifier les gagnants. Comme lors du référendum du 23 juin dernier au Royaume-Uni, les partisans du « non » forment un ensemble très hétérogène, regroupant des mouvances politiques opposées.  


Une défaite personnelle ?

Durant les vingt dernières années, l’Italie a été un véritable laboratoire du populisme. De nombreux partis ont vu le jour, à gauche comme à droite. La carrière politique de Matteo Renzi, plus jeune Président du Conseil de l’histoire de la République italienne, s’est bâtie à partir de ce sentiment de rejet des élites politiques mis en exergue par ces courants populistes. Au sein du Parti démocrate auquel il appartient, Matteo Renzi est parvenu à se créer une image de candidat "anti-système", usant de son charisme personnel et de son art maîtrisé de la provocation. Dans son essai, Giulano de Empoli le décrit comme un être "hybride" à la fois intégré et extérieur au système politique. Malgré ou grâce à cette personnalité clivante – comparable sur ce point à Silvio Berlusconi – Matteo Renzi a rapidement obtenu un important socle d’opinion favorable au sein de l’électorat italien.

Une partie des votes négatifs a été motivée par le rejet de Matteo Renzi, ce qu’il est, ce qu’il représente et ce qu’il incarne. En outre, le faible soutien de la classe politique a conduit le Président du Conseil à s’investir personnellement dans la campagne, prenant en cela le risque de transformer le scrutin en un vote de confiance. Toutefois, celui-ci ne saurait porter l’entière responsabilité du vote contestataire.

Une connivence des expressions contestataires dans les pays occidentaux

Les résultats du référendum italien, du scrutin britannique et de l’élection américaine s’inscrivent, selon Pascal Perrineau, dans la continuité d’une contestation dont l’expression n’est pas récente. Le "non" français et hollandais au référendum portant sur le projet de Constitution européenne en 2005 portait déjà en lui les germes d’une fracture entre les "élites" et le reste de la population, qui n’a fait que s’amplifier au cours des années. La montée des inégalités économiques et la stagnation ou  le recul du niveau de vie des classes moyennes ont contribué à alimenter de forts ressentiments au sein de certains électorats à l’égard de leurs représentants.

L’historien Pierre Rosanvallon utilise le terme de "des-élection" pour expliquer le phénomène consistant à voter non pas pour porter un candidat en particulier au pouvoir mais pour  "des-élire" le pouvoir en place.


Le populisme italien et les suites du référendum

Beppe Grillo, chef du Mouvement 5 étoiles (Cinque Stelle, M5S), incarne aujourd’hui en Italie la mouvance populiste. Le vote du 4 décembre dernier s’explique en partie par l’efficacité de la campagne qu’il a menée ainsi que par le soutien croissant dont il bénéficie au sein de l’opinion. Beppe Grillo est parvenu en quelques années à créer un parti politique légitime alliant une forme de verticalité et de culture du chef autour de sa personne, avec une forme d’horizontalité en offrant des espaces de dialogue et en recourant à une méthode collaborative. Ce mélange semble porter ses fruits et pourrait continuer à séduire l’électorat italien.

La popularité du mouvement de Beppe Grillo inquiète : en effet, en 2015, la nouvelle loi électorale qu’a faite adopter Matteo Renzi  créé une "prime au vainqueur", permettant au parti arrivé en tête de gouverner avec une forte majorité. Mais la probabilité qu’elle soit jugée inconstitutionnelle est très forte : outre les nombreux recours déposés à l’encontre de cette loi, elle est largement critiquée par la classe politique, qui y voit un risque certain compte-tenu de la montée en puissance du Mouvement 5 étoiles, actuellement en tête des sondages. Pour l’heure, une nouvelle période d’instabilité s’ouvre en Italie : ni le calendrier des prochaines élections  ni la composition d’un gouvernement dit "technique" ne sont connus.

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