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25/09/2008

Crise financière : vers un Bretton Woods de la finance ?

 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Nicolas Sarkozy s’exprimera ce soir et posera certainement cette question qui plane dans l’esprit tous les économistes : faut-il des réglementations internationales, faut-il un Bretton Woods de la finance ?

Difficiles ententes
L’idée d’une réglementation internationale est sommes toutes très tentante, car il suffirait que tout le monde s’accorde sur de nouveaux standards. Mais ce fantasme d’une ONU financière est trompeur. Car, il ne faut pas l’oublier, trouver un accord n’est jamais chose facile. Chaque pays poursuit ses intérêts, qui ne concordent pas nécessairement avec ceux des autres. Ainsi, par exemple, après la guerre, à Bretton Woods, les grandes puissances avaient trouvé assez facilement un accord sur les questions monétaires et de change. En revanche, dès lors qu’ils ont essayé de réguler le commerce international, les négociations ont échoué. Il a ensuite fallu attendre 50 ans pour voir la création de l'OMC, en 1995.

Remise en cause d’un modèle
En outre, ces accords ne seront pas, pour la plupart, valables éternellement. Par exemple, les fameux accords de Bretton Woods (qui ont mis en place l’étalon or et qui inspirent tout le monde aujourd’hui) n’ont pas empêché des crises de change à répétition dans les années 1950 et 1960. Puis, en 1973, ce système s’est effondré et les changes flottants se sont remis en place. Au total, depuis 1945, nous avons vécu plus de temps après son abolition qu’à l’abri de cet accord. En cela, Bretton Woods ne constitue pas nécessairement la meilleure référence de l’accord parfait.

Une nouvelle réglementation
Pour autant, le capitalisme a besoin de règles, car l’économie de marché, ce n’est pas la jungle, mais la liberté au milieu de règles bien fixées pour tous les acteurs … Qui plus est, la période est particulièrement propice pour essayer de passer des accords internationaux. En effet, chaque pays est confronté aux mêmes peurs et aux mêmes problèmes, les égoïsmes nationaux s’expriment en mode mineur et la négociation s’en trouve donc facilitée.

De la mesure en chaque chose
Pour créer ces accords, nous devrons garder à l’esprit ces deux priorités :

- Limiter la spéculation gratuite en limitant la vente à découvert. Les Etats-Unis viennent précisément de le faire à titre transitoire, et il paraît opportun d’y réfléchir afin de voir s’il ne faudrait pas garder cette règle en période de croisière. Cela permettrait moins de volatilité et moins d’instruments tordus …

- Trouver un accord sur le périmètre des industries financières à réguler. Aux Etats-Unis, les vraies banques de dépôts sont très contrôlées, ce qui n’a pas empêché les conséquences que l’on connaît. La crise est plutôt due au fait que le crédit immobilier n’était plus distribué par des banques, mais par des non-banks, non régulés. Voici précisément ce qu’il faudrait éviter de reproduire. On peut choisir de réguler ou non. Mais dès lors qu’un secteur est régulé, cela doit concerner chacun des acteurs de ce secteur.

Mais attention : souvent, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Aujourd’hui, on sait que les nouvelles règles de comptabilité et les règles prudentielles qui s’appliquent aux banques étaient "super-vertueuses" sur le papier, mais elles ont largement contribué à amplifier la crise depuis un an…

Par conséquent, il faut réguler pour éviter les bêtises, mais, pour autant, ne pas tomber dans une folie régulatrice qui nous ferait faire d’autres bêtises !

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