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31/03/2016

Créons un vrai référendum d'entreprise pour surmonter les blocages syndicaux

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Créons un vrai référendum d'entreprise pour surmonter les blocages syndicaux
 Institut Montaigne
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Tribune de François Béharel, président du groupe Randstad France et co-président du groupe de travail de l'Institut Montaigne qui a produit le rapport Sauver le dialogue social, parue dans Le Figaro, le 29 mars 2016.

Faut-il désespérer du dialogue social à la française ? Les spasmes violents qu'il donne parfois à voir sont le symptôme d'un mal connu. Les syndicats français avancent en ordre dispersé. Le taux  de syndicalisation hexagonal (5% dans le privé) est l'un des plus faibles des pays de l'OCDE. Cette représentativité réduite à sa portion congrue trahit le manque d'attractivité des syndicats auprès des salariés. Elle laisse planer des doutes sur leur légitimité.

La piste du syndicalisme de services gagnerait à être enfin explorée pour inciter les salariés à rejoindre les rangs des organisations syndicales. Reste qu'un tel changement ne se ferait pas en un jour. Dans cette attente, il appartient aux entreprises de trouver des alternatives. Le référendum d'entreprise en est une. Les entrepreneurs peuvent déjà recourir au référendum s'ils le souhaitent. Mais les conditions d'utilisation de cet outil en limitent considérablement la portée. Les syndicats, par définition, sont peu favorables au référendum. Et aujourd'hui, un employeur ne peut pas organiser un référendum avant d'avoir consulté les élus du personnel, sous peine de délit d'entrave.

Les conséquences de ce verrou législatif sont très regrettables. Prenons l'exemple d'un chef d'entreprise désireux de sonder ses collaborateurs alors qu'il négocie avec les partenaires sociaux. Qu'importe que cette négociation soit mal engagée ou non. Le juge ne manquera pas d'estimer que l'obligation de loyauté dont il faut faire preuve en cours de négociation n'a pas été respectée. Ce qui ouvre la voie à une condamnation du dirigeant pour délit d'entrave. En outre, même si la justice ne prononce pas cette sanction, le chef d'entreprise n'a pas le droit d'invoquer la "volonté populaire" mesurée par un référendum pour faire valoir ses vues auprès des partenaires sociaux. En effet, et c'est un point essentiel, le référendum n'a aujourd'hui qu'une valeur consultative, sans portée contraignante - à quelques exceptions près (participation, intéressement, prévoyance). Ainsi, le chef d'entreprise, même s'il est conforté par l'issue d'un référendum, doit, quoi qu'il arrive, parvenir à conclure un accord avec les syndicats. On le comprend, en l'état actuel des choses, toutes les conditions sont réunies pour que le référendum d'entreprise soit voué à l'échec.

Certes, la loi El Khomri ambitionne de réformer le référendum d'entreprise. Sa proposition s'articule en deux temps. D'abord, généraliser l'accord majoritaire. Ensuite, permettre aux salariés de se prononcer par voie référendaire sur des accords signés par des syndicats représentant au moins 30% des voix. Le résultat du vote, s'il est positif, s'imposerait alors à tous. L'idée est innovante et l'initiative courageuse.

Le recours au référendum n'a pas vocation à devenir trop fréquent

Deux mesures assorties d'une garantie permettraient d'en garantir l'efficacité. D'abord, sortons le référendum du carcan qui le réduit à l'état de symbole. Le caractère contraignant de l'issue du référendum doit être reconnu même lorsqu'il porte sur des questions sensibles - celles qui, en temps de crise, touchent à la survie de l'entreprise.

Ensuite, ne laissons pas aux seuls syndicats le droit d'organiser un référendum. Accordons la même faculté aux chefs d'entreprise. Pour qu'enfin cessent les situations difficilement acceptables où les salariés sont prêts à accueillir un changement que les syndicats refusent, souvent par dogmatisme. Le chef d'entreprise doit pouvoir, lorsqu'un dialogue social constructif ne le permet pas, recourir au référendum pour obtenir l'aval des salariés sur les mesures nécessaires à la bonne marche de son entreprise. À charge pour lui de convaincre, bien sûr.

En contrepartie de ces mesures, prévoyons une garantie. Le recours au référendum n'a pas vocation à devenir trop fréquent. Le dialogue social restera prépondérant. Toutefois, le regain de légitimité des organisations syndicales prendra du temps. Dans l'attente, le référendum - bien pensé, bien utilisé - peut aider  les entreprises à accroître leur compétitivité. Au bénéfice de la croissance et donc de l'emploi.

Avec l’aimable autorisation du Figaro

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