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15/02/2013

Compte-rendu et photos des débats : "Intérêt général : que peut l’entreprise ?"

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 Institut Montaigne
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Le dernier ouvrage de l'Institut Montaigne Intérêt général : que peut l’entreprise ? (éditions Les Belles Lettres) est le fruit d'entretiens organisés par Julien Damon entre d’une part, des dirigeants d'entreprises, et d’autre part, des personnalités issues du monde syndical, associatif, du journalisme ou de la haute fonction publique, autour de dix sujets qui relèvent de l’intérêt général tel qu’il est aujourd’hui porté par les entreprises.
A l’occasion de sa sortie, l’Institut Montaigne a souhaité poursuivre le débat en organisant deux tables rondes le 6 février dernier.

Première table ronde - "The business of business is business" (Milton Friedman) ? Quelle place pour l’entreprise dans la société ?

Cette première table ronde a permis des échanges nourris sur la mission et les objectifs que doit poursuivre l’entreprise aujourd’hui. S’il paraît partagé par tous que l’entreprise participe à l’intérêt général, les avis divergent quant aux manières par lesquelles elle y contribue.

Ancien banquier d’affaires, aujourd’hui directeur adjoint de Danone, Emmanuel Faber nous explique qu’il a été amené, au fil de ses expériences, à reconsidérer le rôle que doit jouer l’entreprise. Il estime aujourd’hui que notre système économique doit "replacer les entreprises dans un rôle qui consiste non seulement à faire du profit mais surtout à créer de la valeur sociétale".

Cette vision est dangereuse pour Jean-Marc Daniel, économiste, professeur à l'ESCP Europe et rédacteur en chef de la revue Sociétal, qui se définit comme le disciple de Milton Friedman. La responsabilité de l’entreprise, et de tout entrepreneur qui l’incarne, est d’augmenter ses profits. Par les profits qu’elle génère, l’entreprise est garante de la création d’emplois. Dans l’ouvrage, les personnalités interrogées ont mis en avant à plusieurs reprises la création d’emplois comme contribution essentielle de l’entreprise à l’intérêt général. Il y a là le risque de grever la rentabilité de l’entreprise et d’entraver son développement ultérieur. Reprenant Helmut Schmidt, il rappelle pourtant que ce sont d’abord "les profits d’aujourd’hui" qui sont "les investissements de demain et les emplois d’après-demain".

Dès lors, des engagements en termes de responsabilité sociale peuvent-ils aller de pair avec la maximisation des profits de l’entreprise ?

C’est l’avis de Christian Poyau, président de Micropole et président de la fondation Croissance Responsable, qui insiste sur la nécessité de réconcilier rentabilité et responsabilité. L’entrepreneur qui se comporte de manière responsable envers ses collaborateurs peut obtenir des gains de productivité. Il ne s’agit pas là de philanthropie et c’est à ce titre que la RSE peut trouver sa légitimité.

Réconcilier ces deux objectifs, c’est aussi responsabiliser directement les collaborateurs. Au sein de Danone, confie Emmanuel Faber, les budgets mécénat et le département du développement durable ont été remplacés par un nouveau système d’attribution des bonus annuels des dirigeants, divisé en trois tiers : performance économique / sociétale / managériale.

Et dans un contexte économique globalisé ? Tous reconnaissent que la concurrence se fait d’abord par les prix. Mais les engagements en termes de responsabilité sociale des entreprises peuvent aussi être considérés comme un moyen de se distinguer de ses concurrents… et donc de maximiser ses profits.


Seconde table ronde - RSE et dirigeants : le rôle de l’engagement

Cette seconde table ronde fut l’occasion de déployer les différentes dimensions du lien entre la RSE et la capacité des dirigeants à entraîner, à engager leurs équipes.

Paul Hermelin, président de Cap Gemini, a ainsi insisté sur les valeurs de l’entreprise qui constituent un levier majeur pour susciter la loyauté et l’engagement des collaborateurs. De surcroît, afin que ce ne soit plus seulement l’entreprise mais l’ensemble des équipes qui s’investissent, il témoigne de l’importance de favoriser les systèmes décentralisés : dans le cadre du soutien à des opérations de micro-crédit, par exemple, les salariés de CapGemini participent au choix des projets à abonder.

Pour Françoise Gri, directrice générale de Pierre et Vacances, le dirigeant doit d’abord donner du sens à la RSE et autoriser les débats et réflexions à ce sujet. Cette démarche pédagogique doit permettre de distinguer profit et valeur créée, pour montrer que le profit est une composante de cette valeur mais qu’elle n’est pas la seule.

Toutefois, cette volonté d’engagement des équipes autour des projets de RSE se heurte à deux principaux obstacles, selon Norbert Alter, sociologue, professeur à l’Université Paris Dauphine : la multiplication de procédures complexes et, conséquence directe, la chasse au temps improductif qui empêche les salariés de "perdre du temps ensemble". Or, la responsabilité sociale de l’entreprise ne doit pas se limiter aux actions à l’extérieur de l’entreprise ; il faut d’abord valoriser le développement du social à l’intérieur de l’entreprise.

Penser la responsabilité sociale de l’entreprise doit donc prendre en compte l’écosystème dans lequel chacune de ses parties-prenantes évolue. Aujourd’hui, nous dit Marc de Leyritz, associé chez Egon Zehnder, la capacité d’un dirigeant à développer la responsabilité de l’entreprise est une qualité de leadership de plus en plus fondamentale. Cette qualité des "leaders de demain" se traduit, selon Paul Hermelin, dans leur capacité à entraîner les salariés de l’entreprise tout en les poussant à s’engager en dehors.

Ainsi, les projets de RSE peuvent-ils permettre d’engager les équipes, en faisant vivre le collectif autour de valeurs et de projets partagés. Toutefois, conclut Françoise Gri, "il ne faut pas chercher un seul modèle d’engagement".


Aller plus loin :
- Consulter le programme
- Voir la présentation de l'ouvrage "Intérêt général : que peut l’entreprise ?" par Julien Damon
- Voir la vidéo de la première table ronde

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