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08/06/2016

Comment favoriser l'accès au marché français pour les produits innovants en santé ?

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Comment favoriser l'accès au marché français pour les produits innovants en santé ?
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Après la séance du 8 février 2016 consacrée au financement de l'innovation en santé, industriels de santé, acheteurs publics et acheteurs privés se sont réunis une seconde fois le 11 mai dernier dans le cadre du cycle de conférences organisé par ArchiMed, Bpifrance et l'Institut Montaigne afin d'identifier les leviers facilitant l'accès au marché des produits innovants en santé.

Ont apporté leur expertise sur la question le Professeur Jean-Yves Fagon, Délégué ministériel à l’innovation en santé, Erin Gainer, Présidente de HRA Pharma, laboratoire pharmaceutique spécialisé dans la santé de la femme, Philippe Pin, Directeur des achats des Hospices Civils de Lyon et Pascal Roché, Directeur général de Ramsay - Générale de Santé. Les débats étaient animés par Denis Ribon, fondateur d’ArchiMed.

Complexité et lenteur : des obstacles bien connus pour l’accès au marché de l’innovation en santé

Les différents intervenants se sont tout d’abord entendus sur un certain nombre de points positifs : avec une recherche biomédicale mondialement reconnue et un marché solvable de grande taille, nous disposons sur le papier d’un écosystème favorable à l’innovation médicale. Comment justifier dès lors que la France ne soit pas considérée comme un "champion de l’innovation", au même titre que ses voisins germanique et scandinaves ?

Selon Erin Gainer, représentante des industriels de santé, disposer d’un marché vaste et solvable ne suffit plus à attirer les industriels : ceux-ci privilégieront avant tout les marchés qui garantissent une commercialisation rapide de leurs produits. Sur ce premier point, la France pâtit de délais de mise sur le marché plus longs que chez nos principaux concurrents. Alors que  l’Allemagne garantit un accès au remboursement extrêmement rapide, il faut a minima trois à quatre années à la France pour assurer la mise sur le marché d’un nouveau produit. A titre d’exemple, il aura fallu sept ans au TAVI (implantation d’une valve aortique par voie percutanée), qui révolutionne pourtant la cardiologie, pour que son financement soit assuré par la Sécurité sociale.

Une pluralité de facteurs justifie les difficultés de remboursement rencontrées par les entreprises. D’abord, la multiplicité des instances complexifie énormément le processus de validation : l’action combinée de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de la Haute autorité de santé (HAS), de la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) et du Comité économique des produits de santé (CEPS) souffre d’un manque de coordination et de cohérence globale qui ralentissent considérablement les procédures d’autorisation.

Une innovation en santé qui prend des formes multiples

Cette gouvernance extrêmement cloisonnée ne correspond plus aux évolutions actuelles de l’innovation qui, de plus en plus pluridimensionnelle, tend à faire éclater les silos traditionnels. Plus on s’éloigne du médicament vers des méthodes et dispositifs médicaux innovants, plus les procédures d’évaluations actuellement en vigueur se révèlent inadaptées. A ce titre, l’exemple le plus saillant est celui de l’e-santé, dont les bénéfices attendus, notamment dans la prise en charge des maladies chroniques, sont gigantesques : pourtant,  aucun outil ne permet actuellement  d’évaluer la réalité des opportunités offertes par la santé numérique.

Évaluer l’innovation

C’est pourquoi il est tout aussi indispensable de parvenir à clarifier et enrichir les méthodes d’évaluation de l’innovation médicale de manière à ce qu’elles soient plus rapides, plus performantes, et surtout qu’elles parviennent à sortir d’une logique de silos pour appréhender toutes les dimensions de l’innovation : médicamenteuse mais également managériale, organisationnelle, etc. Il serait également pertinent de prévoir des mesures dérogatoires pour les produits les plus innovants de manière à favoriser leur accès précoce au marché, tout en sécurisant au maximum la mise à disposition des utilisateurs.

Renforcer le dialogue et les contacts entre industriels et pouvoirs publics

Autre enseignement essentiel de cette matinée de débats, la nécessité de renforcer le dialogue entre les autorités publiques et les industriels. Il existe en effet une coupure entre ces deux mondes qui appelle une politique volontariste d’étroite collaboration.

Les intervenants sont d’accord sur la nécessité de rapprocher le processus d’innovation – mené de manière indépendante par les entreprises – et la fonction achat des établissements publics et privés, de manière à aligner l’activité des PME/ETI innovantes sur les besoins et objectifs des établissements hospitaliers. Pour cela, il est indispensable de multiplier les occasions de contact et d’échange entre ces deux mondes aujourd’hui disjoints : les forums d’échange ou de "speed-dating" entre PME/ETI innovantes et acheteurs hospitaliers (sur le modèle des Meet the buyer event organisés au Royaume-Uni) pourraient être plus fréquemment organisés, en veillant à ce que ces événements ne contreviennent pas au code des marchés publics.

Construire une vision stratégique de long terme

Finalement, et c’est peut-être le plus important, la politique d’innovation française est aujourd’hui bloquée par le système d’allocation des ressources publiques qui circonscrit la politique d’achats  publics à un horizon court-termiste. La nécessité de construire une vision stratégique à long terme de la politique d’innovation française imposerait d’extraire les ressources allouées à l’innovation du cadre de financement annuel auquel obéit le reste des politiques publiques (PLF et PLFSS).

Enfin, la tarification à l’activité peut également constituer un frein à l’introduction des innovations sur le marché national : l’introduction d’un paiement à la qualité permettrait de réconcilier logiques de court et de long termes.


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