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14/01/2016

Bertrand Martinot : "Il faut transférer aux régions la gestion des lycées professionnels"

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Bertrand Martinot :
 Institut Montaigne
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Interview de Bertrand Martinot, parue dans Les Echos, le 13 janvier 2016. Propos recueillis par Derek Perrotte


L'économiste, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle, décrit aux Echos ses préconisations pour relancer l'apprentissage.

L’économiste Bertrand Martinot, ancien délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle de 2008 à 2012, est l’auteur de Pour en finir avec le chômage (Fayard-Pluriel). Il a aussi réalisé en mai 2015, pour l’Institut Montaigne, un rapport sur l’apprentissage où il invite la France à revoir en profondeur son modèle pour s’inspirer du modèle allemand.

L’ouverture des titres professionnels aux apprentis peut-elle relancer l’apprentissage ?

C’est en tout cas une évolution indispensable. Il est grand temps d’ouvrir l’apprentissage à autre chose que les seuls diplômes de l’Éducation nationale, pas toujours adaptés aux besoins réels des entreprises. Les titres, qui sont des outils performants car construits directement avec les branches professionnelles, ne sont aujourd’hui accessibles aux jeunes que via les contrats de professionnalisation. C’est absurde, il faut décloisonner.

L’Éducation nationale a tendance à s’arc-bouter sur ces diplômes. Mais dans un titre professionnel de maçon, un jeune acquiert exactement les mêmes compétences techniques que dans un bac pro de maçonnerie ! La différence réside dans l’enseignement général complémentaire dispensé en bac pro.

Un autre intérêt des certifications de branches et des titres par rapport aux diplômes de l’Éducation est leur plus grande adaptabilité : il est beaucoup plus rapide d’en changer les référentiels pour coller aux évolutions des métiers que de revoir le contenu d’un bac pro.

L’existence de deux voies d’alternance rendent l’ensemble peu lisible. Faut-il fusionner les contrats de professionnalisation et d’apprentissage ?

Si l’on partait d’une feuille vierge, il est évident qu’il ne faudrait pas bâtir deux systèmes qui se concurrencent. Mais en l’état, il serait dommageable de supprimer les contrats de professionnalisation, très appréciés des entreprises. La clef de leur succès est connue : ils sont adaptés aux besoins des employeurs car ils sont pilotés avec les branches professionnelles, comme dans le modèle allemand. C’est la vraie différence fondamentale avec l’apprentissage. Si on fusionne, ce dispositif qui marche bien va être passé à la moulinette de l’apprentissage, qui marche moins !

Il faut plutôt que l’apprentissage s’inspire de la logique et de la gouvernance des contrats de professionnalisation. La possibilité de préparer des titres professionnels, et, pourquoi pas, certains certificats de qualification professionnelle (CQP) des branches, via l’apprentissage, serait un bon premier pas. Je remarque que les contrats de professionnalisation bénéficient d’aides publiques bien moins élevées que les contrats d’apprentissage et sont pourtant dans une meilleure dynamique. C’est bien la preuve que le problème de l’apprentissage ne vient pas de son coût, pour l’essentiel, mais de ses rigidités systémiques.

Que préconisez-vous en priorité pour le relancer ?


On a transféré aux régions le financement et le pilotage des centres de formations des apprentis (CFA). Il faut être cohérent et leur transférer la totalité du financement et du pilotage de la formation initiale des jeunes, y compris les lycées professionnels. Cela ferait un bloc de compétences cohérent, avec un seul pilote.

Il faudrait en parallèle harmoniser les financements et le statut des enseignants des lycées pros et des CFA. On pourrait alors se diriger ensuite vers un système unique, où les lycées pros seraient transformés en CFA, branche par branche et en plaçant l’entreprise au cœur du système, sur le modèle allemand.

Aller plus loin :
Consulter le rapport - Décentralisation : sortons de la confusion

Consulter l’intégralité des résultats du sondage ELABE pour Les Echos, l’Institut Montaigne et Radio Classique sur les propositions de François Hollande pour l’emploi

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