Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
17/06/2008

Bâtir l'Europe de la Défense s'impose

Imprimer
PARTAGER
 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Nicolas Sarkozy a présenté ce mardi le très attendu Livre blanc sur la Défense. L'objectif : définir les grandes priorités de la France en matière militaire pour les 15 années à venir. Mais aussi faire au passage quelques économies….

L’armée au régime La disette budgétaire concernant effectivement tout le monde, l’armée doit elle aussi se serrer la ceinture. D’ailleurs, la fameuse RGPP a inspiré une partie de ce Livre blanc. L'un de ses objectifs est donc de faire des économies. Parmi les deux pistes d’économies à retenir, la première concerne la réduction des effectifs avec une diminution globale de 54 000 postes. En 7 ans, l'armée sera ramenée de 271 000 à 224 000 hommes , soit - 17 % pour l'armée de terre, - 24 % pour l'armée de l'air, et - 11 % pour la marine. Deuxième levier actionné : le regroupement géographique. Un certain nombre d'implantations seront fermées, d'autres seront « allégées » et d'autres encore densifiées, ce qui promet - notamment chez les élus locaux – quelques grincements de dents…

Armement technologique Mais ce Livre blanc n’a pas pour seul objectif de faire des économies, puisqu’il s'agit effectivement d'abord et avant tout de réactualiser la doctrine militaire et stratégique de la France de l’après-11 septembre. Pour ce faire, l’accent va d’abord être mis sur la technologie, ce qui constitue une excellente nouvelle car en matière militaire, l’innovation permet de s'assurer un avantage décisif sur l’ennemi. Mais, au-delà, bien souvent la recherche militaire encourage la recherche en général. Nous sommes donc aussi gagnants sur le plan civil.

Grossissement du renseignement La deuxième priorité porte sur le renseignement avec à la clé un doublement des crédits. Jusqu'à présent, le renseignement n’était pas une fonction majeure pour l'armée puisqu’il représentait seulement 9 500 postes et 744 millions d'euros, un budget bien maigre. Cet accroissement est plutôt bienvenu quand on regarde les autres pays de l’Union : en Allemagne les effectifs de renseignements sont de 16 500 personnes, en Grande-Bretagne, de 13 400.

Pour une coopération de l’Union Les parlementaires socialistes déplorent que la réflexion sur le Livre blanc ne s'est pas inscrite dans un cadre européen. La Défense demeure incontestablement une prérogative nationale, et le fait que l’exercice stratégique soit national ne me choque pas. Mais il est vrai que l'Europe est désormais un élément déterminant de notre politique de défense. D'abord parce qu'au niveau européen, nous sommes engagés dans un processus de coopération, ensuite, parce qu'avec 2,3 % du PIB consacrés aujourd'hui à la défense (contre 4,2 % pour les Etats-Unis), la France est clairement une puissance militaire moyenne même si elle est aussi une puissance nucléaire et qu’elle bénéficie d’une forte présence sur certains théâtres d’opération (en Afrique notamment).

Bâtir l’Europe de la Défense Comme nos grands voisins européens, nous avons donc tout intérêt à voir se construire l’Europe de la Défense dont on nous parle depuis si longtemps. Il ne faut toutefois pas se faire trop d’illusions, puisque les 27 Etats membres de l’Union européenne ont un budget annuel de défense cumulé moitié moindre que celui des seuls Américains. Sur ce sujet hypercomplexe, très sensible politiquement, à l'Institut Montaigne, nous avons toujours eu une approche très pragmatique, certains diront prosaïque. C'est justement au nom du réalisme que nous proposons de progresser sur ce chemin difficile par des voies simples, voire carrément triviales. Par exemple, nous pensons que si les pays de l’Union commençaient par ouvrir mutuellement leurs marchés de la défense, qui sont aujourd’hui protégés, s’ils s’entendaient sur un élargissement des programmes communs d’approvisionnement en matériel militaire et s’ils coordonnaient leurs dépenses de R&D, un grand pas serait fait.

Voilà qui peut paraître modeste mais cette approche se justifie d'autant plus qu'avec le "non" irlandais au traité de Lisbonne, l'heure n'est plus aux projets grandiloquents, surtout dans le domaine très sensible de la défense, mais aux petites mesures concrètes et pragmatiques qui sont les seules à permettre d'avancer quand le terrain, passez-moi l'expression, est franchement miné.

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne