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26/09/2012

Banque Publique d’Investissement : quels défis pour la France et la Grande-Bretagne ?

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Banque Publique d’Investissement : quels défis pour la France et la Grande-Bretagne ?
 Alexia de Monterno
Auteur
Directrice adjointe de l'Institut Montaigne



L’annonce faite par le gouvernement britannique de créer une banque publique d’investissement destinée à soutenir l’emprunt des petites entreprises nous donne l’occasion de réfléchir aux contours et objectifs que devra avoir la future Banque Publique d’Investissement (BPI) sur laquelle travaille aujourd’hui le gouvernement français. Si dans un contexte économique marqué par un très net ralentissement, l’intervention publique est bienvenue, la future BPI devra impérativement agir avec les établissements de la place si elle veut être efficace. En outre, d’autres leviers de financement devront être actionnés, tant les besoins en financement de notre économie sont aujourd’hui importants.

Une "BPI" britannique au service de l’économie

La Grande-Bretagne a décidé de consacrer un milliard de livres (1,25 milliard d'euros) à la création d'une nouvelle banque publique destinée à soutenir l'emprunt des petites entreprises, a annoncé le gouvernement lundi. L'institution, dont la dénomination reste encore inconnue, opérera sur le marché de gros et soutiendra l'offre de prêt et de capital de long-terme à destination de petites entreprises à travers des établissements bancaires et financiers existants.

Le gouvernement espère que ce soutien sera suivi par les capitaux privés et que l'institution pourra accorder jusqu'à 10 milliards de livres (12,5 milliards d'euros) de prêts nouveaux et complémentaires. Placé au cœur de la stratégie de relance de l’économie du gouvernement Cameron, ce projet a été conçu pour parer une "défaillance du marché" où les banques, sous pression pour revenir à l'équilibre, ne prêtent plus aux petites entreprises. Cette annonce s'ajoute à une série de mesures du gouvernement britannique et de la Banque d'Angleterre destinées à revitaliser une économie stagnante et morose depuis la crise financière de 2007-2009.


La BPI annoncée en France : une institution à articuler avec les institutions bancaires en place

En France, le gouvernement a également annoncé en juin dernier la création d’une Banque Publique d’Investissement, regroupant et renforçant tout ou partie des activités de la Caisse des Dépôts, d’Oséo et du Fonds stratégique d’investissement (FSI). Dans un double contexte de ralentissement économique marqué, en particulier dans la zone euro, et de deleveraging (1)des institutions financières, certaines réformes prudentielles auront mécaniquement des effets récessifs qui pourraient être considérables. Dans cette perspective, cette création peut s'avérer bénéfique au financement de l'économie si les modalités d’intervention de ces trois organismes avec les institutions bancaires sont maintenues.

En effet, ces deux outils ont fait la preuve de leur efficacité en complément des activités bancaires privées et des financements de marché. Dans ce cadre, la BPI peut constituer un apport important au financement de l’économie, sous réserve des points suivants :

  • ses moyens doivent être renforcés par rapport aux instruments publics actuels. A cet égard le montant annoncé de sa dotation en capital est insuffisant ;
  • elle doit être dotée d’une gouvernance efficace, permettant d’éviter les écueils connus avant les années 1980 avec les précédentes banques publiques (l’exemple de la BDPME est à cet égard éclairant). Le "poids" des régions dans la gouvernance n’est pas un très bon signe tant il augure de choix politiques dans la sélection des dossiers ;
  • elle doit surtout agir avec les acteurs de la place et non en concurrence avec eux. Le risque serait non négligeable de se voir attribuer les dossiers de financement dont les banques traditionnelles ne voudraient pas.



La BPI ne pourra à elle seule répondre aux besoins de financements de l’économie française

Toutefois, la future BPI ne suffira pas, à elle seule, à se substituer à l’intermédiation des banques et à assurer un financement de l’économie suffisant. Si l’on souhaite retrouver un équilibre entre rigueur financière et croissance économique, deux leviers doivent être actionnés de manière complémentaire et pragmatique :

  • en premier lieu, les contraintes qui pèseront sur le financement bancaire doivent être calibrées au plus juste, de manière à limiter leurs effets négatifs sur l’économie réelle ; à cet effet, la fonction de financement des PME et des ETI exercée par les banques doit être préservée ;
  • en deuxième lieu, le financement de marché doit être développé de manière à se substituer partiellement à l'intermédiation bancaire, sans toutefois qu’il se traduise par un accroissement du risque systémique :

- ce recours accru au marché pourra se faire par l'intermédiaire de nouveaux dispositifs (voir nos propositions dans le rapport Financement des entreprise : propositions pour la présidentielle', publié en janvier dernier) ;
- il pourra également mobiliser de manière pertinente l’épargne individuelle, via un développement de l'épargne à long terme. La politique fiscale doit être réorientée en ce sens comme l’indique le rapport Une fiscalité au service de la "social compétitivité" publié en mars dernier.

(1) Désendettement : d’après les règles prudentielles issues de Bâle III, les institutions financières doivent détenir davantage de capital (trois à cinq fois plus) pour une quantité donnée d’actifs. En d’autres termes, elles doivent réduire leur "effet de levier". Ce deleveraging peut résulter :
- d’une recapitalisation (augmentation du passif) ;
- d’une diminution de l’actif (moindre distribution de prêts)

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