Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
24/11/2008

Aubry-Royal : guerre fratricide sur fond de lutte des classes dominantes

Imprimer
PARTAGER
 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Au PS, la guerre totale oppose deux femmes, deux personnalités, mais également deux visions du parti. A priori, tout semble opposer Ségolène Royal et Martine Aubry. Mais les deux pasionarias socialistes se rejoignent sur un point : elles partagent une même ambition présidentielle.

Le tempo du pouvoir Les Français ont pu voir l’ambition de S. Royal s’exprimer en 2007. Une ambition aujourd’hui encore intacte… Celle de Martine Aubry a été longtemps différée. C’est ce qui précisément la rend encore plus ardente. Souvenez-vous que M. Aubry a vécu la défaite de Lionel Jospin, puis sa propre défaite aux législatives, sans compter une période de disgrâce personnelle liée au mésamour des 35h… Cependant, elle a su se construire un bastion à Lille et revenir dans la course nationale en prenant son temps. Aujourd’hui, elle est pressée d’y arriver…

Deux incarnations contraires Martine Aubry arbore les couleurs d’un parti socialiste, version canal historique, celui des caciques, celui de l’organisation implacable. Ségolène Royal incarne tout le contraire : elle joue sur l’intuition et le charisme. Elle s’appuie sur les militants, à l’américaine, elle court-circuite la hiérarchie officielle. Par conséquent, il y a fort peu de chances que ces deux femmes cohabitent harmonieusement…

Une satisfaction mal placée Devant cette course au pouvoir sur fond de déchirure et de contestation, la droite se frotte les mains… L’UMP ne s’est pas privée de railler largement ses adversaires ce week-end. Mais sans doute trop. Si les bisbilles entre socialistes sont a priori de bonne augure pour Nicolas Sarkozy, n’oublions pas que les Français, ont tous besoin d’une majorité et d’une opposition qui fonctionnent. Or, le psychodrame auquel nous assistons, affaiblit et décrédibilise l’ensemble de la classe politique.

Lutte des classes au cœur des élites Mais avant tout, cette lutte entre les deux sœurs ennemies semble renvoyer plus globalement à une question que ni le pays ni les politiques n’ont tranché, celui de la légitimité des élites et de leur sélection. Il y a deux ans, la détestation que Ségolène Royal cristallisait dans son propre camp, en particulier chez les gens chics et propres sur eux, était frappante. Cette attitude rappelait cette espèce de mépris de classe dont Pierre Bérégovoy avait fait les frais –souvenez-vous qu’on avait même parlé de ses chaussettes. Elle renvoie aussi à l’aversion qu’affichaient les apparatchiks masculins du PS à l’encontre d’Edith Cresson. Ces mêmes personnes bien éduqués et parfaitement technocrates font, aujourd’hui encore, un vrai procès en légitimité à Ségolène Royal.

Drôle de démocratie d’aristocratie Ce qui commence à être assez drôle, c’est qu’à l’image du sparadrap du capitaine Haddock, les petits marquis n’arrivent plus à se débarrasser de Ségolène Royal… L’explication en est toute simple : les adhérents du PS, comme les Français, n’aiment pas ce côté endogame, autoproclamé des élites. Par conséquent, leur imposer Ségolène Royal est une forme de vengeance. Nul ne sait jusqu’où ira l’ancienne candidate à la présidentielle, mais en revanche il est certain que les Français n’iront pas loin si nous continuons de prétendre être une vraie démocratie alors que nous fonctionnons encore sur un mode très aristocratique. Le bras de fer pour le contrôle du PS est le révélateur de ce problème, mais celui-ci se pose à Droite comme à Gauche !

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne