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11/09/2008

Affaire Tapie, bis, ou ter !

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Alors qu’hier nous assistions à l’audition de Bernard Tapie au parlement, demain, Bercy lui fera un chèque… Nous sommes donc dans une situation pour le moins bizarre où, même si la commission des Finances de l’Assemblée nationale condamne l’arrangement que l’Etat a passé avec Bernard Tapie, l’Etat paye quand même !

Les révoltés de l’affaire Tapie
Cet arrangement est largement contesté, non seulement par les socialistes ou par François Bayrou, mais aussi par des membres de la majorité qui sont interloqués, et parmi eux, de nombreux juristes. Mais pour être honnête, nul besoin d’être juriste pour penser que l’on ne demande pas un arbitrage dès lors que l’on se trouve en position de force devant les tribunaux…

Impossible rébellion
Plus étonnant, encore, le débat reste dans les hautes sphères seules. Or, l’argent que l’on va donner à Tapie est quand même le nôtre ! Il me semble donc légitime que vous, moi, ou n’importe quelle association de contribuables, puisse attaquer la décision de l’Etat de faire appel à des arbitres. Pourtant, une telle démarche est apparemment impossible. « Contribuables et associés », par exemple, est en train de regarder l’affaire avec des avocats, mais vraisemblablement, en droit, les contribuables ne sont pas censés avoir « intérêt à agir » et ne peuvent, par conséquent, pas attaquer. Un comble ! Le contribuable n’aurait pas « intérêt à agir » quand on distribue son argent.

Permettre les contentieux
Changeons cette ineptie : il faut que le citoyen puisse aller devant les tribunaux pour attaquer des décisions suspectes qui nous coûtent cher ! Craignez-vous que si l’on ouvre la porte, les recours se multiplient dans tous les coins ? Sur le papier, c’est mathématique : plus de possibilités de contentieux créeront forcément plus de contentieux. Mais d’abord, il est tout à fait possible de les freiner en imposant des pénalités à ceux qui se plaignent de tout et n’importe quoi (c’est ce que l’on appelle les recours frivoles). Ensuite, les tribunaux peuvent également freiner de leur côté. C’est le cas de la Cour Suprême américaine, saisie quotidiennement par des centaines de plaignants, qui fait un tri, pour ne garder que les plaintes qui paraissent importantes.

Liberté et utilité publiques
A ce niveau, pourtant, je pense que peu de tribunaux français oseraient dire « circulez, y’a rien à voir… ». Ce recours direct du citoyen n’est pas dans notre culture, très jacobine. D’ailleurs, la réforme constitutionnelle en cours va permettre à chaque citoyen de demander son avis au Conseil constitutionnel quand il est partie à un procès. Mais pas directement. On ne va donc pas tout à fait jusqu’au bout de la libéralisation… Je pense pourtant que l’Etat a tort de rester crispé sur ce sujet. D’abord parce que la possibilité de saisir les tribunaux est, somme toute, une forme de liberté publique. Mais aussi parce que dans bien des cas, cela rendrait service au pouvoir qu’un simple citoyen fasse le boulot…Ainsi, si dans l’affaire Tapie, il n’est guère confortable pour Bercy d’agir, un Marcel Dugenou, serait nettement moins gêné aux entournures…Pour tout dire, je crois que l’affaire Tapie est aussi révélatrice de ce côté très fermé, très endogame et pas complètement démocratique du système de décision publique à la française.

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