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09/12/2016

111 ans de laïcité : pour une nouvelle jeunesse

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111 ans de laïcité : pour une nouvelle jeunesse
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La loi de séparation des Églises et de l'État a été promulguée en France le 9 décembre 1905. Aujourd'hui encore, on considère qu'elle constitue l'acte fondateur du principe de laïcité, qui fête donc cette année son 111e anniversaire. Comment s'applique-t-il aujourd'hui dans notre société, et dans l'entreprise en particulier ? Doit-il évoluer ? Éléments de réponse extraits des de l'édition 2016 des Entretiens de Royaumont organisée les 2 et 3 décembre derniers et intitulée ?Croyant & citoyen'.

La laïcité : une spécificité française ?

Pourquoi célébrer le 9 décembre la journée nationale de la laïcité ? L’interrogation porte d’abord sur la date retenue. En effet, le mot “laïcité” ne figure pas dans la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. C’est donc plus l’esprit de cette loi que sa lettre que l’on retient comme l’élément fondateur de ce principe. Ce dernier avait cependant déjà pris corps avec l’apparition du néologisme “laïc” - au sens où nous l’entendons aujourd’hui - dans les années 1880 et sa popularité a rapidement grandi chez ceux qui reprochaient à l’Église son ingérence dans la chose publique.

L’interrogation porte ensuite sur le caractère strictement national de cette célébration. La France est le seul pays qui ait explicitement inscrit le principe de laïcité dans sa constitution : comme le rappelle l’article premier de la Constitution de la Vème République, elle est “une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.” D’ailleurs, le vocable en lui-même demeure intraduisible dans les autres langues. La laïcité constitue bien une spécificité culturelle française. Pourtant, de nombreux autres pays, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, s’attachent également à garantir le principe de neutralité de la chose publique afin de respecter et de garantir la liberté des individus dans leurs croyances personnelles. Comment expliquer alors les sempiternelles tensions autour du respect de la laïcité dans le débat public français ?

Une question en pratique

“La République est laïque, la France est catholique.” Ce mot attribué au général de Gaulle révèle bien toute la difficulté que rencontrent nos dirigeants politiques lorsqu’il s’agit d’articuler la neutralité théorique de la chose publique et la réalité pratique des croyances et des traditions. Et pour cause, la laïcité n’a pas vocation à chasser la religion du débat public, ou même à l’ignorer. Au contraire, elle doit garantir son libre exercice dans la sphère privée. La question de l’application de son principe porte donc plutôt sur le périmètre retenu pour la définition de la sphère privée. 

L’application du principe de laïcité constitue une source majeure de désaccords. On en trouve un exemple probant avec l’école. Dès le début des années 1880, les lois scolaires de Jules Ferry instituent une école publique laïque pour tous les Français. Par la suite, la Constitution du 27 octobre 1946 établit dans son préambule que “l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État”. Cependant, elle n’interdit pas que l’école publique enseigne l’histoire des religions. Comment alors assurer la neutralité de l’école dans sa tâche de formation des consciences ? Abandonner cette mission consiste, en pratique, à la laisser à d’autres lieux d’enseignements dont l’État n’assure pas la neutralité. Il apparaît utile que l’enseignement public offre la possibilité d’un accès à la connaissance des différentes religions présentes sur notre territoire ainsi qu’à leur histoire.

C’est notamment la raison pour laquelle, dans son rapport Un islam français est possible, l’Institut Montaigne recommande, sur la question spécifique de la connaissance de l’islam, d’enseigner l’arabe classique à l’école publique. Cela permettrait de réduire l’attractivité des cours d’arabe dispensés dans les écoles coraniques et dans les mosquées. En outre, cet enseignement prendrait tout son sens dans un contexte marqué par l’attrait croissant que certains jeunes Français éprouvent pour des idéologies radicales, voire totalitaires, se réclamant de l’islam. Celles-ci sont revêtues de la légitimité que confère à leurs diffuseurs leur prétendue connaissance de l’arabe, présentée comme étant indissociable de l’islam. L’ignorance de l’histoire de la culture islamique, des différentes cultures arabes ainsi que la méconnaissance de la langue qui les a véhiculées pendant des siècles favorisent ces processus. Y mettre fin contribuerait à l’émergence d’un islam en accord avec les principes de la République.

Et dans l’entreprise, comment avancer ?

Le cas de l’entreprise s’inscrit dans une logique différente dans la mesure où elle demeure un espace privé : elle n’est donc pas soumise aux mêmes règles de neutralité religieuse, qui s’appliquent à l’État et aux services publics. Ici, il s’agit à nouveau d’articuler la liberté individuelle que garantit la laïcité avec l’intérêt collectif de l’entreprise : tel est l’enjeu de la gestion du fait religieux. La résurgence de cette question au sein des entreprises met en évidence la divergence d’intérêts perçue par certains employés vis-à-vis de leur employeur. Afin d’apaiser les tensions qui menacent notre cohésion sociale, il est nécessaire d’entretenir un dialogue constructif entre les parties prenantes ; un dialogue qui permette de comprendre, au cas par cas, comment le principe de laïcité peut s’appliquer dans le cadre juridique propre à l’entreprise. C’est ce flou qu’ont cherché à dissiper les échanges organisés dans le cadre de l’édition 2016 des Entretiens de la cohésion sociale, consacrée au fait religieux en entreprise. Ces discussions ont mis en lumière les différentes solutions que les acteurs privés peuvent mettre en œuvre pour garantir un cadre de travail aussi respectueux des libertés individuelles que du principe de laïcité.

Fanny Anor et Marc-Antoine Authier pour l'Institut Montaigne

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