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Rencontres
Mars 2019

Un nouveau partenariat Afrique-Europe

Le lundi 11 mars, dans le cadre de ses travaux sur les relations entre les continents africain et européen, l’Institut Montaigne organisait à Rabat un séminaire de travail, en partenariat avec le Policy Center for the New South. L’occasion de confronter des visions africaines et européennes sur le contenu d’un nouveau partenariat entre l’Afrique et l’Europe. 

L’Union européenne et l’Afrique sont des partenaires de destinée. 14 kilomètres seulement séparent les deux continents voisins via le Détroit de Gibraltar. Leur relation est passée d’une logique d’aide qui prévalait il y a une vingtaine d’années, à une logique de co-production et de partenariat en vue d’un meilleur équilibre des relations. En effet, les deux continents ont subi des changements profonds, tant politiques, qu’économiques et sociaux, qui nécessitent de revoir l’ensemble du paradigme des relations entre l’UE et l’Afrique. La renégociation en cours de l’Accord de Cotonou offre une opportunité à saisir pour actualiser les priorités de chacun et poser des axes de convergence. 

L’Union européenne est un acteur majeur des échanges mondiaux et le premier exportateur mondial de services. Ses accords de libre-échange, y compris avec l’Afrique, reposent sur l’ouverture des marchés, sécurisée par des règles communes. Dans le contexte des élections européennes, plusieurs défis sont aux portes de l’Europe et notamment la question migratoire pour laquelle le Sommet de la Valette n’a pas apporté toutes les réponses. 

Pour les pays africains, il est indéniable qu’il existe une opportunité d’influer sur l’agenda et ainsi apporter des réponses africaines aux enjeux des deux continents. Il convient donc pour l’Afrique de formuler des propositions pour ce nouveau partenariat, sous la forme d’un livre blanc par exemple. 

Vers un avenir partagé : réinventer le partenariat économique entre l’Afrique et l’Europe

Session I - L’industrialisation en Afrique : l’émergence des géants de demain 

L’industrialisation du continent africain apparaît comme une priorité pour créer des emplois pérennes et de qualité, au-delà des services vers lesquels les pays africains ont tendance à se tourner, sans doute trop facilement. Les facteurs positifs d'industrialisation sont nombreux sur le continent : un capital humain et une démographie porteuse, une demande domestique et régionale importante, etc. 

La coopération entre les deux continents dans le domaine du développement industriel s’est révélée faible jusqu’ici. L’Union européenne pourrait être beaucoup plus active dans le soutien à l’émergence d’initiatives privées en Afrique. Il s’agit pour l’Europe et l’Afrique de poser clairement les bases d’une réflexion sur les chaînes de valeurs partagées.
 
La question du rôle de la Chine dans l’industrialisation du continent africain se pose également. Il convient de réfléchir à la manière de rendre l’offre chinoise conforme aux intérêts des pays africains et aux grands principes des objectifs du Développement Durable auxquels l’Afrique a souscrit, à l’heure où la stratégie chinoise en Afrique évolue pour passer d’une forme de domination économique à une influence de plus en plus politique, voire militaire. Européens et Africains auraient tout intérêt à allier leurs forces pour dialoguer ensemble avec la Chine sur la création de chaînes de valeurs génératrices d’emplois de qualité sur le continent africain. 

Session II - Vers un partenariat commercial “gagnant-gagnant” entre l’Afrique et l’Europe 

L’adéquation entre le cadre proposé par l’UE de trois pactes régionaux distincts pour les pays ACP et la volonté de certains pays africains de préserver les acquis des accords bilatéraux pose la question du partenariat économique et commercial "gagnant-gagnant". Au-delà de l’accès au marché européen, il y a une véritable possibilité de réciprocité et de complémentarité, facilitées par la levée des barrières tarifaires et non tarifaires. Par ailleurs, l’Union européenne et l’Afrique pourraient accélérer les partenariats entre grands groupes, PME et ETI. 

Le partenariat commercial pose également la question importante de l’intégration régionale, et de l’ambition de l’Afrique de se transformer, dans une perspective de zone de libre-échange continentale, en rationalisant les communautés économiques régionales existantes. Quel rôle pourrait jouer l’Europe pour accompagner l’Afrique dans son intégration régionale ? Le sujet des barrières tarifaires et non-tarifaires est central à cette intégration. Il n’y a pas aujourd’hui de saut qualitatif sur la question de la coordination des politiques économiques entre pays d’un même sous-ensemble régional. 

Les migrations, pierre angulaire du nouveau partenariat Afrique-Europe ? 

Session III - Créer des emplois pour répondre au défi de la migration 

Si 80 % des Africains migrent avant tout à l’intérieur du continent africain et les 20 % qui le quittent ne se dirigent pas tous vers l’Europe, la question migratoire occupe aujourd’hui une place centrale dans la relation Europe-Afrique et dans les discussions politiques au sein même de l’Union européenne. A l’heure où les Européens s’apprêtent à élire leurs députés au Parlement, la migration apparaît comme l’un des thèmes majeurs de la campagne. Au-delà de ce momentum politique, la question migratoire a notamment été à l’origine du regain d’intérêt de certains pays européens pour le continent africain, dont l’Allemagne et certains pays de l’Est.  

L’Europe et l’Afrique ne semblent visiblement pas prêtes encore pour un consensus sur la question migratoire. Pour l’Afrique, l’enjeu est double : stopper les pertes en vies humaines et limiter la fuite des cerveaux. Pour cela, les pays africains devront rapidement adapter leur offre pour les jeunes diplômés, en termes de salaire et d’environnement de travail notamment. Le défi majeur du continent africain est celui de l’emploi et du déficit de compétences pour répondre aux besoins du marché du travail. Si les politiques de développement de l’Afrique sont aujourd’hui majoritairement tournées vers la création d’emploi, il n’y a pas de véritables discussions sur quels types d’emplois nous souhaitons créer. Cela est lié notamment à la question de l’informel et de l’attractivité du secteur formel. Des expériences Sud-Sud pourraient être une bonne piste de réflexion pour sortir une partie des économies de l’informel. Encore faut-il que l’Etat joue son rôle avec des contreparties décentes pour inciter les chefs d’entreprises à faire le saut du secteur formel. 

Session IV - L’éducation au centre du partenariat Europe-Afrique

Les pays africains ont consacré énormément d’efforts, ces dernières années, à la scolarisation des enfants. Ils demeurent néanmoins aujourd'hui confrontés à des défis majeurs : assurer la qualité de l’éducation et créer des emplois pour les 12 millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail en Afrique. L’enjeu pour cela est la mise en place de formations adaptées aux besoins en compétences du marché du travail africain. Afin de préparer au mieux les étudiants africains aux exigences de la vie professionnelle, une solution pourrait être d’incorporer le système de stage et d’apprentissage, qui existe notamment en France ou en Allemagne. Par ailleurs, il convient de ne pas omettre la question de l’insécurité notamment dans les pays du Sahel, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui contraint à la fermeture d’écoles. 

La question se pose de savoir quel peut être le rôle de l’Europe pour répondre à ces défis, alors que la Chine et les Etats-Unis s’emparent déjà de ces questions. Il apparaît plus qu’évident que l’éducation doit être un pilier du nouveau partenariat entre l’Afrique et l’Europe.  

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