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18/10/2017

Xi Jinping et le retour du rêve chinois de “grande renaissance nationale”

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Xi Jinping et le retour du rêve chinois de “grande renaissance nationale”
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Ce mercredi s’est ouvert le 19ème congrès du Parti communiste chinois, la plus haute instance politique du pays, suivi de près tant au plan national qu'international. Une occasion pour le Président Xi de présenter aux principaux leaders du pays les grandes lignes de son second mandat. Philippe Le Corre, chercheur (senior fellow) à la Harvard Kennedy School (Mossavar-Rahmani Center on Business and Government et Belfer Center on Science and International Affairs), nous livre son analyse.

Quels sont les principaux enjeux du 19ème Congrès du Parti communiste chinois pour le Président Xi Jinping ? 

Plusieurs aspects doivent être soulignés. Tout d’abord, le 19ème congrès sera celui du sacre de Xi Jinping, son leader qui, depuis son accession au poste de secrétaire général du Parti communiste chinois en 2012, a progressivement concentré autour de lui plus de pouvoirs que tous ses prédécesseurs depuis Mao Zedong. Les hommes dont il s’entourera ont également leur importance : ils refléteront la prochaine génération de leaders , qui lui seront entièrement dévoués. Cet entourage incarnera une forme de signal sur sa volonté - ou non - d’engager de nouvelles réformes économiques. 

Il est par ailleurs peu probable que le congrès affaiblisse les pouvoirs de l’establishment. Les élites et leurs familles continueront ainsi à bénéficier des connections politiques et des relations croissantes qu’elles entretiennent avec le secteur privé chinois. C’est bien ainsi, que la Chine opère depuis au moins une décennie : en associant les intérêts publics et privés, un phénomène que les commentateurs internationaux ont beaucoup de mal à accepter. Dernier exemple en date : le gouvernement a récemment exigé qu’un de ses représentant soit présent au sein du conseil d’administration des entreprises pour lesquelles il détient au moins 1 % du capital. Ce phénomène est particulièrement révélateur ! La Chine s’impose désormais comme la plus grande économie du monde, une superpuissance émergente dont l'influence n’a pas connue d’égale depuis la fondation de la République populaire de Chine en 1949. Xi est ainsi déterminé à conserver les commandes du Parti communiste chinois pour longtemps encore. Son agenda, présenté le 18 octobre, reflète l’objectif de “travailler inlassablement pour réaliser le rêve chinois d’une grande renaissance nationale”.

 
Au moment où Donald Trump remet en cause l’accord nucléaire iranien et alors que la Corée du Nord menace de mettre en péril la sécurité mondiale, pensez-vous que la politique étrangère chinoise puisse évoluer significativement dans les prochains mois ?

Pour la première fois depuis plusieurs années, les documents du Parti montrent la volonté de Pékin de s’affirmer davantage sur la scène internationale, aussi bien à travers sa participation dans l’ordre international existant (Nations Unies, Organisation Mondiale du Commerce, Banque mondiale…) qu’au travers d’institutions ou initiatives nouvellement créées (Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, nouvelles routes de la soie…) au sein desquelles  la Chine joue un rôle majeur. La Chine veut, certes, jouer un rôle de premier plan en Asie, mais pas seulement ! Le leader du Parti, Xi Jinping, a en effet spécifiquement appelé à une participation plus active du pays dans les enjeux mondiaux, sinon, dans le leadership mondial. L’affirmation économique de la Chine aura, évidemment une incidence sur l’influence  politique du pays dans le monde. Il est intéressant à ce titre que, lors de son discours d'inauguration du congrès, Xi ait mentionné les îles chinoises artificielles et disputées de mer de Chine méridionale comme l’une de ses principales réalisations. De même, concernant la Corée du Nord, le sujet est complexe puisque la Chine ne veut pas être vue comme s’inclinant face aux pressions américaines. Une autre échéance intéressante sera la venue de Donald Trump en Chine en décembre.  

L’Union européenne réfléchit actuellement à se doter d’un mécanisme lui permettant de contrôler les investissements chinois au sein du marché intérieur, afin de réduire son influence économique. Comment est perçue une telle initiative en Chine  ?

A ce stade, la Commission européenne a seulement initié un processus d’évaluation, et préconise un mécanisme non contraignant de coopération entre les États membres, “pouvant être déclenché dès lors qu'un investissement étranger spécifique dans un ou plusieurs États membres peut affecter la sécurité ou l'ordre public dans un autre État membre”. Le cadre prévu offrirait aux États membres de l’UE la possibilité “d’activer un mécanisme de sécurité” et de partager avec la Commission les détails d’une proposition d’acquisition sur des motifs de sécurité et d’ordre public. Ceci inclut de grands programmes dans les secteurs de la technologie, de la recherche, de l’énergie ou de l’espace (Galileo). 

Dans le contexte européen actuel, l’aboutissement de ce processus demeure inconnu. Malgré ces incertitudes, l’initiative européenne, quoi qu’inaboutie à ce stade, a suscité l’inquiétude de Pékin tandis que les Etats-Unis révisaient à leur tour leur CFIUS* afin d’inclure, non seulement les préoccupations de sécurité nationale, mais également les questions de concurrence. Alors même que la Chine devient un important investisseur mondial, le pays restreint en parallèle l’accès à son marché pour les entreprises étrangères. Puisque le rôle de la Chine s’accroît, le moment est idéal pour les États membres de l’Union européenne de s’accorder sur une approche commune et potentiellement, pour quelques-unes de ces questions, sur un dialogue transatlantique.

Pour en découvrir davantage sur ce sujet, retrouvez une autre interview avec Philippe Le Corre.
 
* Comité pour l'investissement étranger aux États-Unis, opérant sous le contrôle de la Maison Blanche. 

Philippe Le Corre est chercheur (senior fellow) à la Harvard Kennedy School (Mossavar-Rahmani Center on Business and Government et Belfer Center on Science and International Affairs) ainsi qu’agrégé supérieur de recherche non résident auprès du Carnegie Endowment for International Peace. 
 

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