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15/11/2017

Nucléaire : fin du suspense ?

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Nucléaire : fin du suspense ?
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

Nicolas Hulot a récemment annoncé que l’objectif de la loi de transition énergétique (LTE) portant sur la réduction du nucléaire dans le mix électrique à horizon 2025 ne serait pas tenu. Il s’appuie pour cela sur les conclusions de RTE, l’entreprise chargée du transport d’électricité sur le territoire, qui vient de publier ses scénarios d’évolution possible pour le mix électrique. Nouvelle annonce choc en ce début de quinquennat ou simple entérinement de la situation ?

Un objectif inatteignable 

La LTE, adoptée en août 2015, a fixé pour objectif une réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Celui-ci consiste à diminuer notre dépendance à une seule source d’énergie et à diversifier notre mix électrique. Alors que plus des trois quarts de l’électricité que nous produisons actuellement provient encore de l’atome, la LTE proposait d’atteindre l’objectif de 50 % à horizon 2025, soit une diminution d’un tiers de la production. Plus concrètement : notre parc se compose actuellement de 58 réacteurs. Il a donc été légalement prévu de fermer près de 20 réacteurs en une dizaine d’années. 

En juin 2016, l’Institut Montaigne a rendu publics les fruits d’une réflexion de fond sur l’industrie nucléaire aux niveaux mondial, européen et national, dans un rapport intitulé Nucléaire : l’heure des choix. Les recommandations que nous y avons formulées portaient déjà sur la révision de cet objectif que nous jugions inatteignable

En annonçant que la réduction du nucléaire dans le mix électrique à horizon 2025 ne serait pas tenue, Nicolas Hulot a mis fin à un faux suspense. Cette clarification de la situation devrait permettre d’aborder plus sereinement les débats concernant la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui s’ouvriront début 2018, et qui devront aborder la question de la prolongation de la durée de fonctionnement de nos centrales.

Avancer de façon pragmatique et non idéologique

Selon les conclusions de RTE, il n’est pas possible d’atteindre l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans notre mix électrique sans réinjecter de nouvelles capacités de production d’énergie carbonée dans le réseau. En effet, RTE a fait savoir qu’à l’horizon 2025 “la fermeture d’un nombre important de réacteurs nucléaires (de l’ordre de vingt-quatre) doit être accompagnée par une forte accélération du développement des énergies renouvelables et de la construction de nouvelles centrales au gaz (plus de 11 000 MW) pour atteindre l’objectif de 50 % de production nucléaire”. Autrement dit, il n’est pas possible d’atteindre l’objectif de la LTE sans dégrader le bilan carbone de la France. 

À plus court terme - horizon 2022 -, RTE a également précisé que la tendance baissière de la consommation d’électricité permet “d’envisager la fermeture des centrales à charbon ou de quatre réacteurs nucléaires atteignant 40 ans de fonctionnement.” Cependant, l’entreprise publique rappelle que “ces deux mesures ne peuvent être engagées conjointement.” Le choix porte donc notamment sur des unités de production d’électricité carbonée, d’une part, et sur des unités de production d’électricité décarbonée, d’autre part.

Il s’agit donc d’identifier clairement la priorité à laquelle nous répondons dans nos choix de politique énergétique. 

Quelle priorité pour quelle ambition ?

Il semble nécessaire de réaffirmer que l’objectif prioritaire de nos politiques énergétiques doit demeurer la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Cet impératif a de nouveau ressurgi dans l’actualité après que le groupe Global Carbon Project a annoncé que les émissions repartiraient très certainement à la hausse en 2017, après trois années de baisse. Alors que les négociations climatiques se déroulent actuellement dans le cadre de la COP23, organisée du 6 au 17 novembre par les Îles Fidji à Bonn, en Allemagne et que les préparatifs s’accélèrent en vue du One Planet Summit du 12 décembre prochain à Paris, la priorité s’impose plus que jamais. La France ne tiendra pas son rôle de leader en matière de lutte contre le changement climatique si elle augmente chez elle les émissions de gaz à effet de serre...

Comme nous l’indiquons dans la note Énergie : priorité au climat !, rendue publique en juin 2017, il est urgent de préciser le calendrier de fermeture et de prolongation des centrales qui composent notre parc afin de donner aux parties prenantes, et notamment aux acteurs industriels, la visibilité nécessaire à la bonne préparation de ces chantiers. Certes, nos politiques énergétiques ne sauraient se réduire au débat portant sur l’un des objectifs de la LTE. Mais nous pouvons tout de même nous réjouir que la lutte contre le changement climatique soit abordée de façon plus rationnelle et pragmatique. 
 

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