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23/11/2017

Mieux estimer la pollution émise par les véhicules

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Mieux estimer la pollution émise par les véhicules
 Victor Poirier
Auteur
Ancien directeur des publications

La Commission européenne a rendu public début novembre son "paquet mobilité propre". Hélas, son mode de calcul ne prend en compte que les émissions de gaz à effet de serre des voitures en circulation.

Nombreux sont les débats sur l'impact environnemental du secteur des transports. A juste titre : celui-ci représente plus d'un quart des émissions totales de gaz à effet de serre de l'Union européenne. Pour y remédier, la Commission européenne a rendu public, mercredi 8 novembre, son "paquet mobilité propre", document dont l’objectif est d'accélérer la transition vers des véhicules à émissions faibles ou nulles. Qu'en retenir ?

Avec des objectifs à horizon 2030,l’Union européenne se dote de la régulation la plus prospective au monde. Un signal positif important, que soulignent nombre d’ONG. Cependant, les débats se concentrent exclusivement sur l’objectif de réduction de 30 % de la moyenne de CO2 émis par les véhicules par rapport à la moyenne de 2021, avec un objectif intermédiaire de 15 % en 2025. Jugé insuffisant par certains, "mieux que rien" pour d’autres, cet objectif focalise l’attention, tandis que d’autres enjeux, pourtant cruciaux, ne font pas l’objet de propositions.

La publication de la Commission, tout en prônant la neutralité technologique, impose de fait une plus grande part d’électrique dans la production des constructeurs. Que l’on ne se méprenne pas : les véhicules hybrides et électriques représentent une avancée considérable pour limiter les émissions de CO2 et de NOx (oxydes d’azote).

Leur présence sur nos routes va s’accroître, du fait de l’amélioration des technologies et des décisions récemment prises par les pouvoirs publics. Leur autonomie va augmenter, répondant aux attentes des citoyens et faisant de cette motorisation une alternative sérieuse et – de plus en plus – raisonnable.

Du puits à la roue

Mais l’on ne peut pas tout miser sur l’électrique : la Commission elle-même en convient, 80 % des véhicules seront encore équipés de moteurs thermiques à horizon 2030. Comment, dès lors, répondre aux impératifs environnementaux sans faire de l’électrique le seul remède ? Dans la lignée de notre récent rapport Quelle place pour la voiture demain ?, nous appelons les responsables européens à se saisir de deux enjeux majeurs, mais trop souvent occultés : la révision du périmètre de calcul des émissions et l’allègement des véhicules

ll eût été pertinent d’étudier la question du périmètre de calcul des émissions : quels critères prendre en compte pour estimer la pollution d’un véhicule ? Aujourd’hui, c’est la méthode de calcul "du réservoir à la roue" qui prédomine, et que semble vouloir conserver la Commission jusqu’en 2030. Dommage, car ce mode de calcul ne prend en compte que les émissions de gaz à effet de serre directement émis par la voiture en circulation. Suivant cette méthodologie, les véhicules électriques n’émettent ni CO2 ni particules ; mais qu’en est-il de la production des batteries et de l’électricité servant à les alimenter ? 

L’approche globale "du puits à la roue", que nous préconisons dans notre dernier rapport, permet de refléter les émissions globale d’un véhicule, y compris l’énergie qui sert à l’alimenter. Du fait de mix énergétiques très différents, les émissions d’un véhicule électrique "standard" varient ainsi d’un facteur de un à six entre la France et l’Allemagne – dont 40 % de la production électrique totale provient toujours du charbon. Sans parler des besoins croissants de cobalt et de lithium pour produire des batteries électriques avec toujours plus d’autonomie et dont les impacts environnementaux lors de l’extraction sont loin d’être négligeables. L’idée étant, à terme, de prendre en compte les émissions sur tout le cycle de vie du véhicule.

Poids des véhicules

Le poids des véhicules ne doit pas être pris… à la légère, tant il influe directement sur son impact environnemental. En pratique, lorsqu’un véhicule est allégé de 100 kg, il émet en moyenne 6 g de CO2 en moins par km. Mais aujourd’hui, du fait des règles de calculs imposées par la Commission européenne, seuls 2,4 g de CO2/km de réduction sont comptabilisés dans la moyenne pondérée. En "neutralisant" plus de la moitié (60 %) des gains de l’allègement dans ses calculs d’émissions de CO2, la Commission européenne ne prend en compte que 40 % des efforts consentis par les constructeurs pour rendre leurs véhicules plus légers.

Une telle méthode de calcul pénalise ainsi cette stratégie de réduction de l’impact environnemental des véhicules, alors même que l’apparition de nouveaux matériaux, plus légers et plus résistants renforce le potentiel de cette dernière. La question se pose tout autant pour l’électrique : en ayant pour objectif d’augmenter l’autonomie des véhicules électriques – et ainsi répondre aux inquiétudes des usagers sur les distances qu’ils peuvent effectuer (ou "range anxiety") – les constructeurs produisent des véhicules aux batteries de plus en plus lourdes, et au bilan environnemental dégradé. Alors que ses effets positifs sont prouvés – et conséquents –, pourquoi ne pas faire de l’allègement un élément clé de la réduction de GES dans le secteur auto ? 

Par cette publication, la Commission européenne a souhaité se placer dans une logique de long terme, privilégiant une approche incitative auprès des constructeurs. Mais cette ambition "temporelle" semble s’être constituée aux dépens de plusieurs statu quo, qui auraient pu faire de la Commission un puissant moteur pour une mobilité propre et durable.

 

Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 22 novembre). 

 

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