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17/01/2019

Brexit : que veut la Chambre des communes ?

Entretien avec Georgina Wright

Brexit : que veut la Chambre des communes ?
 Georgina Wright
Directrice adjointe des Études Internationales et Expert Résident

Mardi 16 janvier, l’accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne présenté par Theresa May à la Chambre des communes a été rejeté massivement par les députés, à raison de 432 voix contre 202. Le lendemain, ce même Parlement a pourtant rejeté la motion de censure déposée contre le Premier ministre. Comment comprendre ce dernier vote qui peut paraître contradictoire ? Mais surtout, comment le Royaume-Uni peut-il sortir de l’impasse actuelle ? Georgina Wright, Senior Researcher à l’Institute for Government, nous livre son analyse de la situation. 

Comment expliquer le paradoxe d’une Chambre des communes qui refuse le deal mais confirme sa confiance dans le gouvernement ?

Il ne s’agit pas d’une période ordinaire pour la politique britannique. Le gouvernement a subi la défaite la plus importante depuis 1920 ; en temps normal, le Premier ministre aurait démissionné. C’est également la raison pour laquelle le chef de l’opposition, Jeremy Corbyn, a déposé une motion de censure à la suite du vote négatif s’agissant de l’accord négocié avec Bruxelles.

Il est clair qu'une majorité de députés s'oppose à l'accord proposé par le gouvernement et conclu avec l’Union européenne (UE).

Pour répondre à votre question, il est nécessaire de regarder précisément le vote de mardi. Il est clair qu'une majorité de députés s'oppose à l'accord proposé par le gouvernement et conclu avec l’Union européenne (UE), mais les motivations de ces députés sont très diverses. Certains souhaitent un second référendum, d’autres des élections anticipées, d’autres encore un rapprochement avec l’UE, etc. 

Immédiatement après cette défaite, Theresa May a annoncé que le gouvernement chercherait à établir un dialogue entre les partis afin de trouver une solution consensuelle. Cela a pu rassurer certains députés sur la capacité du Premier ministre à continuer à gouverner le pays. 

De plus, le Parti conservateur et le Democratic Unionist Party (parti d’Irlande du Nord qui fait partie de la majorité actuellement au pouvoir) semblent ne pas vouloir déclencher un processus de formation d'un nouveau gouvernement. 

De nouvelles élections ou un nouveau référendum sont-ils possibles avant le 29 mars ?

Pour que de nouvelles élections générales aient lieu, il faudrait que le gouvernement en décide ainsi ou qu’il perde deux votes de confiance. Cela semble très improbable, même si aucun scénario n’est à exclure lorsqu’il s’agit du Brexit.

Quant à la tenue d’un second référendum, cela ne pourrait avoir lieu qu’avec l’appui du gouvernement. Il faudrait, pour cela, que le parlement adopte une ordonnance.À l'heure actuelle, il n'y a pas suffisamment de députés qui soutiennent cette mesure. De plus, il serait difficile pour le gouvernement de choisir la question à poser au peuple britannique. Plusieurs options sont possibles : choisir entre l’accord actuel ou un "no deal", choisir entre ce même accord et quitter l’UE ou rester membre ? Dans quelles conditions et à quel moment s'organiserait la campagne électorale ? 

Un second référendum semble très improbable, même si aucun scénario n’est à exclure lorsqu’il s’agit du Brexit.

Encore une fois, aucun scénario ne peut être écarté lorsqu’il s’agit du Brexit.

Dans le cas d’une prorogation de la durée des négociations, peut-on imaginer que le Royaume-Uni participe aux prochaines élections européennes ?   

C’est en effet une possibilité, surtout si le Royaume-Uni restait membre de l’UE passé le mois de juillet, date à laquelle les nouveaux députés du parlement européen prendront leurs fonctions. Il serait très difficile pour le Royaume-Uni d'exercer ses droits en tant qu'État membre sans représentants élus au Parlement européen.

Cette première possibilité ne serait pas sans difficultés.

Il serait très difficile pour le Royaume-Uni d'exercer ses droits en tant qu'État membre sans représentants élus au Parlement européen.

Tout d’abord, tous les États membres de l'UE devraient consentir à une prorogation plus longue, ce qui apparaît peu probable à moins qu'il n'aient une très bonne raison de le faire (comme la tenue à venir d’élections générales au Royaume-Uni ou celle d’un second référendum).

Ensuite, il leur faudrait reporter la redistribution de la plupart des 73 sièges britanniques entre les 27 pays de l'UE, faute de quoi il y aurait trop de députés européens en séance. Pour rappel, l'allocation a été décidée en juin 2018 et les différentes campagnes électorales européennes se préparent sur la base de cette réaffectation.

Une prolongation jusqu'en mai - ou au plus tard juillet - semble plus probable, car cela permettrait d'éviter la nécessité d'élire des députés européens britanniques, de reporter la reconfiguration du nouveau Parlement européen tout en permettant aux nouveaux députés de voter sur l'accord.

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