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20/01/2017

Salaire minimum au Portugal : mi-figue, mi-raisin ?

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Salaire minimum au Portugal : mi-figue, mi-raisin ?
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Plusieurs économies développées ont pris la décision d'augmenter le montant du salaire minimum obligatoire. C'est le cas du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'État de New York ou de la Californie. Si cette mesure vise à stimuler la consommation par l'augmentation du pouvoir d'achat et à lutter contre le dumping social, son impact sur la croissance et la compétitivité varie selon les pays.
Suite de notre saga sur le salaire minimum dans le monde et décryptage des conséquences induites par sa revalorisation au Portugal.

Au 1er janvier, le salaire minimum portugais (SMN) a augmenté de 5 %, passant de 618 euros à 650 euros bruts mensuels, sur la base de 35 heures de travail hebdomadaires.
Celui-ci avait déjà connu une hausse de 5 % au 1er janvier 2016,  symbole de la fin des mesures d’austérité imposées par la crise financière de 2008. Malgré cette nouvelle revalorisation, le salaire minimum portugais demeure plus de deux fois inférieur à celui de la France qui n’a pourtant augmenté que de 0,93 % au 1er janvier 2017. En effet le SMIC brut s’élève à 1 481 euros mensuels en 2017, et reste l’un des plus élevés en Europe. La différence de prix ne suffit pas à expliquer cet écart : même exprimé en parité de pouvoir d’achat, le salaire minimum lusitanien demeure significativement moins élevé. En outre, près de 20 % des Portugais se situent sous le seuil de pauvreté, correspondant à 60 % du salaire médian, soit 478 euros, l’un des seuils les plus bas d’Europe.

Assurer la paix sociale

L’augmentation du SMN résulte d’un accord conclu le 22 décembre dernier entre le gouvernement socialiste et les partenaires sociaux. En garantissant les conditions salariales minimales, cet accord doit permettre d’assurer la paix sociale. Plusieurs centaines de milliers de Portugais avaient en effet manifesté contre les coupes pratiquées dans le budget de l’État en 2015. Il doit également garantir une stabilité en matière de fiscalité et de droit du travail.

Selon le gouvernement, cette hausse devrait bénéficier à environ 21 % des salariés portugais, soit près de 648 000 personnes. Le gouvernement prévoit en outre de porter progressivement le SMN à 700 euros à l’horizon 2019, bien qu’aucune garantie n’ait été inscrite dans l'accord. En contrepartie, les employeurs verront leurs charges patronales portant sur les plus faibles salaires baisser de 23,75 % à 22,5 %.

Mais un impact mitigé sur la compétitivité 

Le Portugal occupe une position intermédiaire dans le classement des pays membres de l’Union européenne pour ce qui concerne le rapport entre le salaire minimum en et le salaire moyen. Il figure cependant parmi les pays qui ont le salaire minimum le plus élevé en pourcentage du salaire médian. La réforme concernerait ainsi près de 25 % de l’ensemble des salariés en 2016.

Malgré les bénéfices directs pour les plus bas salaires, cette revalorisation entraînera également une compression de la structure globale des salaires tout en exerçant une pression haussière sur l’ensemble des rémunérations. Si elle n’est pas accompagnée par une hausse de la productivité, une telle pression pourrait avoir des effets négatifs sur l’emploi et la compétitivité, en particulier pour les secteurs avec une  main-d’œuvre peu qualifiée, et risquerait en outre de décourager les investissements dans la formation continue. En effet, la revalorisation du salaire minimum augmente globalement le coût du travail pour les entreprises et peut avoir une conséquence désincitative sur l’embauche de bas salaires.

La revalorisation du SMN est emblématique de la politique menée par le Premier ministre socialiste, Antonio Costa, visant à mettre un terme aux mesures de rigueur. L’ambition est de doper la croissance économique en soutenant les revenus des ménages. Il reste à déterminer l’impact de ce coup de pouce sur la dette publique, qui s’élevait en 2016 à 129% du PIB.

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Par Ambre Limousi pour l'Institut Montaigne

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