Notre démarche
Cet exercice de synthèse a pour objectif de recenser les propositions des candidats dont l’impact strictement budgétaire peut être évalué de façon suffisamment précise, selon la méthode que nous retenons pour l’ensemble de nos opérations de chiffrage. Nous ne retenons ici que les mesures d’économies, de dépenses, de hausses et baisses de recettes dont l’impact budgétaire est supérieur à 500M€ et dont la nature et la mise en œuvre sont suffisamment détaillées pour en évaluer l’impact.
Les montants cumulés correspondent par conséquent à l’ensemble des mesures dont l’impact a pu être évalué, selon ces critères. Ils ne signifient pas que les autres mesures, dont l’impact budgétaire est moins significatif ou dont le niveau de précision n’est pas suffisant, ne produiront pas les effets attendus par les candidats. Une fois précisés, il conviendra alors de les ajouter à ces montants cumulés.
Cette méthode est appliquée de manière rigoureusement identique à l’ensemble des programmes.
Le programme d’Emmanuel Macron prévoit une croissance augmentant progressivement jusqu’à 1,8 % à la fin du quinquennat. Ce rythme de croissance, prudent en début de période, n’a pas été atteint en France pendant le dernier quinquennat et est supérieur à celui prévu par la Commission européenne à partir de 2019 – qui ne tient pas compte de l’impact de potentielles réformes structurelles. En reprenant les hypothèses de croissance potentielle de la Commission européenne, l’écart de production serait de l’ordre de 1,4 point à l’horizon 2022, ce qui correspond à un scénario optimiste pour la croissance sur une période assez longue L’écart de production correspond à l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel, ce dernier correspondant à la production pour laquelle il n’y a pas de tensions sur les prix dues à des déséquilibres macroéconomiques. Il est estimé par de nombreuses institutions françaises ou internationales. Ici, c’est l’écart de production de la Commission européenne qui est repris).
Source : Institut Montaigne à partir des documents de la Commission européenne, du programme du candidat et de l’avis du Haut Conseil des finances publiques d’avril 2016 sur le programme de stabilité du même mois.
Note de lecture : la prévision de croissance du candidat est tracée en rouge et peut être comparée à la prévision de croissance de la Commission européenne.
La prévision de croissance de la Commission tracée en bleu correspond au comblement de l’écart de production à l’horizon 2021. Ce scénario est en principe un scénario moyen au regard des données dont on peut disposer aujourd’hui. Un scénario de croissance allant au-delà de ce scénario peut donc être considéré comme optimiste.
La prévision du Gouvernement d’avril 2016 est en gris pointillé. Le dernier point de cette prévision (croissance de 1,9 % pour 2019) a été jugé optimiste par le Haut Conseil des finances publiques en avril 2016. Un scénario de croissance qui dépasse ce point peut dès lors être considéré comme optimiste.
La croissance potentielle (en noir trait plein) représente la croissance moyenne que l’on peut attendre à long terme en France et correspond donc à un scénario de croissance prudent.
Parmi les mesures du programme d’Emmanuel Macron impactant à la hausse le niveau des dépenses publiques, nous avons fait le choix de retenir les éléments les plus significatifs, dont le chiffrage dépasse 500 M€ par an ou qui sont aisément chiffrables. Au total, l’accroissement des dépenses pérennes (celles qui n’ont pas vocation à s’éteindre à l’issue du quinquennat) devrait atteindre 16 Md€ par an après montée en charge.
(Détails en annexe)
Il faut y ajouter les dépenses “exceptionnelles” qu’Emmanuel Macron propose dans son plan d’investissement de 50 milliards d’euros au total sur le quinquennat. Ces dépenses relèvent pour l’essentiel de subventions et non d’investissements : elles seront dès lors intégrées dans la comptabilisation des dépenses publiques, au sens de nos engagements européens, et dégraderont le solde budgétaire.
Précisons que le candidat prévoit de répartir cet effort d’investissement de la façon suivante : 5 Md€ en 2018, 10 Md€ en 2019, 15 Md€ en 2020, 15 Md€ en 2021, 5 Md€ en 2022. Il prévoit également d’ajuster ce plan en fonction de la conjoncture, et notamment de l’évolution des taux d’intérêt.
Ainsi, les dépenses publiques nouvelles prévues dans le programme d’Emmanuel Macron représentent, au-delà de la trajectoire actuelle (dite tendancielle) d’augmentation de la dépense,
Comme dans l’ensemble des programmes, les propositions annoncées par le candidat impliquent un certain nombre de dépenses supplémentaires. Leur impact n’est pas pris en compte ici, soit faute de précisions suffisantes, soit parce que leur coût, pris individuellement, est inférieur à 500 M€. Au total, elles pourraient cependant peser de façon significative sur les comptes publics.
Le programme d’Emmanuel Macron prévoit un plan d’économies d’environ 60 Md€ par rapport à la dépense tendancielle à horizon 2022, qui puisse permettre de compenser les dépenses nouvelles.
Les économies attendues sur la sphère Etat, hors dépenses de personnel, sont estimées sur la base d’un gel en valeur de la progression des dépenses, soit environ 15 Md€ en 2022.
Nous estimons à 35,5 Md€ par an à terme le montant des économies suffisamment documentées à ce stade.
Il est également prévu une baisse des recettes publiques qui diminueraient de 23 Md€ par rapport aux recettes tendancielles à l’horizon 2022, notamment en raison de la baisse de la taxe d’habitation (8Md€ par an).
Le programme d’Emmanuel Macron prévoit une hausse de la fiscalité écologique, pour 12,5 Md€ par an en fin de mandat, via l’alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence et la montée en charge de la composante carbone.
En l’état actuel du programme, nous estimons à 4,8 Md€ par an à terme le montant des recettes nouvelles que pourrait générer ces mesures.
Il faut y ajouter les dépenses “exceptionnelles” qu’Emmanuel Macron propose dans son plan d’investissement de 50 milliards d’euros durant le quinquennat :
Ce plan d’investissement comprendrait notamment la création d’une prime à la casse de 1000 € pour les véhicules polluants (500 M€ / an). Les 15 millions de véhicules ont plus de 10 ans, et pourraient sans doute rentrer dans le dispositif, dont le coût dépendra du taux de recours au dispositif. S’il atteint 500 000 véhicules par an, le dispositif coûtera donc 500 M€ chaque année.
Ces dépenses ne sont pas des « investissements » au sens budgétaire du terme, car ce ne sont pas des opérations financières destinées à apporter un retour financier comme le ferait un « investisseur avisé », mais plutôt des subventions. Dans les précédents “plans d’investissements d’avenir” les “investissements” au sens propre ont représenté entre 10 et 30 % de l’enveloppe. Ici on peut retenir 20 % d’investissements et 80 % de dépenses. Cela consisterait à comptabiliser environ 40 Md€ dans la dépense publique, soit 8 Md€ par an en moyenne.
Précisons que le candidat prévoit de répartir cet effort d’investissement de la façon suivante : 5 Md€ en 2018, 10 Md€ en 2019, 15 Md€ en 2020, 15 Md€ en 2021, 5 Md€ en 2022. Il prévoit également d’ajuster ce plan en fonction de la conjoncture, et notamment de l’évolution des taux d’intérêt.
Par ailleurs le caractère “exceptionnel” de cette dépense est discutable dans la mesure où les 3 premiers plans d’investissements d’avenir, lancés depuis 2010, ont représenté environ 50 Md€ d’investissements sur la période : il s’agirait donc uniquement de la perpétuation de cette politique publique.
Au total, les dépenses publiques du programme d’Emmanuel Macron augmenteront donc, au-delà de la trajectoire actuelle d’augmentation de la dépense,
Le programme d’Emmanuel Macron ambitionne de rapprocher le niveau de la dépense publique française (57% du PIB) de la moyenne de la zone euro (49%). En visant 60 milliards d’économies par rapport au tendanciel à l’horizon du quinquennat, la baisse de la part des dépenses dans la richesse nationale sera seulement de 3 points (54%).
Notre estimation est la suivante :
Or les collectivités locales disposent de l’autonomie de gestion selon la Constitution et ne sont tenues que par la règle d’or de leurs budgets. Elles sont déjà à l’équilibre en 2015, y compris sur la section d’investissement.
Par ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport annuel sur les collectivités territoriales, estime que la modération des dépenses de fonctionnement sur les dernières années provient de la diminution des dotations (et non pas exclusivement par la mise en place de l’ODEDEL). Ces économies relèvent donc largement de la volonté des élus locaux.
Le candidat prévoit la suppression de de 70 000 postes dans la fonction publique territoriale. Le gouvernement ne disposera pas de moyen de contrainte pour s’assurer que la diminution prévue soit effectivement réalisée.
Par ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport annuel sur les collectivités territoriales, estime que la modération des dépenses de fonctionnement sur les dernières années provient de la diminution des dotations (et non pas exclusivement par la mise en place de l’ODEDEL).
En l’état actuel de définition du programme d’économies, et compte tenu de ces réserves, le montant visé n’est pas retenu dans notre estimation. Les économies annoncées sont envisageables mais leur estimation ne peut être produite faute de précisions suffisantes sur leur mise en œuvre.
Notons également que l’exonération de taxe d’habitation de 80 % des ménages français que propose Emmanuel Macron entraînerait une baisse de recettes de l’ordre de 8 Md€ par an pour les collectivités. Le candidat a précisé que l’Etat rembourserait entièrement ce manque à gagner.
Le candidat annonce la suppression de 50 000 postes dans la fonction publique d’Etat sur le quinquennat. Une telle réduction du nombre de fonctionnaires permettrait de générer 1,5 Md€ d’économies par an environ, une fois l’ensemble des suppressions de poste effectuées.
En estimant que le nombre de départs à la retraite dans les cinq années à venir serait de 55 000 départs par an dans la fonction publique d’Etat (rapport de la Cour des comptes de 2015 sur la masse salariale de l’État), soit de l’ordre de 275 000 départs au total, quatre fonctionnaires de l’État partant à la retraite sur cinq serait remplacé.
Le candidat propose d’atteindre cet objectif par la numérisation des administrations (5 à 10 Md€ selon le candidat). Ces économies ne sont pas suffisamment détaillées à ce stade pour être prises en compte ici.
Ces économies seraient réalisées par rapport à la progression tendancielle des dépenses de l’Etat. Le gel des crédits des ministères en valeur n’a en pratique pas été le cas sur les dernières années compte tenu des mesures de contournement de la norme de dépenses (cf. rapport sur le budget de l’État pour 2015 de la Cour des comptes, mai 2016, page 109). Malgré un objectif de gel des dépenses en valeur des crédits des ministères, ces contournements ont représenté 3 Md€ sur la seule année 2015.
En prenant l’hypothèse d’un gel effectif des dépenses en valeur (« 0 valeur ») sur le quinquennat, l’économie par rapport à leur progression tendancielle est estimée à 15 Md€ en base annuelle en 2022.
C’est une hypothèse incontestablement optimiste, d’autant plus que la reprise de l’inflation rendra plus difficilement atteignable la maîtrise de la progression des dépenses en valeur.
Au total, nous identifions 35,5 Mds d’économies documentées dans le programme d’Emmanuel Macron.
Le programme d’Emmanuel Macron prévoit une hausse progressive de la fiscalité écologique, pour 12,5 Md€ par an en fin de mandat, via l’alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence et la montée en charge de la composante carbone.
Le différentiel de taxation entre le gazole et l’essence était de 6,11 Md€ en 2015, selon la Cour des comptes (Rapport sur l’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, 2016). La convergence des taux de la fiscalité du diesel et de l’essence a été poursuivie en 2016 et 2017, de 1€/hL chaque année (+1 pour le diesel et -1 pour l’essence chaque année). Entre 2015 et 2017, l’écart de taux s’est donc réduit de 4€/hL. Au regard des écarts de fiscalité de ces deux carburants (65,07 pour le SP et 53,07 pour le gazole pour 2017, soit 12€/hL, selon le voies et moyens tome 1 annexé au PLF 2017) les ajustements entre 2015 et 2017 ont représenté 21% de l’écart entre les taux diesel et essence, et donc 21% des 6,11Md€ estimés par la Cour des comptes. Au total, l’écart restant total est donc de 4,8Md€ (= (100% – 21%) x 6,11).
La montée en charge de la composante carbone a déjà été actée par la loi de finances rectificative pour 2015, qui l’a inscrite dans la loi de transition énergétique. « Le Gouvernement se fixe pour objectif, pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques inscrites au tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes, d’atteindre une valeur de la tonne carbone de 56 € en 2020 et de 100 € en 2030. ». Elle rapporte 1,4Md€ de recettes supplémentaires à l’Etat chaque année.
En l’absence de précisions sur une potentielle accélération de la montée en charge déjà prévu par le Gouvernement précédent, il est estimé ici que la mesure proposée ici engrainerait pas de recettes supplémentaires. Le montant total des recettes nouvelles est donc évalué à 4,8Md€ par an.
Le programme d’Emmanuel Macron comporte des baisses d’impôts et de recettes pour l’État ou la Sécurité sociale de l’ordre de 23 Md€ :
La suppression des cotisations sociales salariales chômage et maladie est compensée par une augmentation de la CSG, ce qui la rend neutre du point de vue des finances publiques.
L’intégration du CICE dans le barème des charges peut se révéler neutre si le taux est bien choisi, il peut aussi se révéler coûteux, par exemple s’il conduit à augmenter l’assiette des bénéficiaires au-delà des entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés tout en maintenant l’intensité de l’avantage fiscal pour les entreprises redevables de l’IS. En l’absence d’information nous ne retenons pas de coût pour cette mesure.
En revanche le CICE pose une question majeure de trajectoire budgétaire car ce crédit d’impôts est payé un an après l’exercice sur lequel il porte, alors que les charges sociales sont payées au cours de l’année. Si Emmanuel Macron transforme, comme il l’a annoncé, le CICE en baisse de charges dès 2018, l’État devra, au cours de cette année, payer à la fois le CICE 2017 et ne pas encaisser les charges sociales de 2018. Comme le CICE coûte environ 24 Md€ en année pleine, soit 1 pt de PIB, la trajectoire budgétaire en année 2018 serait dégradée de 1 pt de PIB.
[1] Source : rapport d’information fait au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires prévus par l’article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi “Tepa”, par MM. Jean-Pierre GORGES et Jean MALLOT, juin 2011.