La gratuité des transports sera étendue à l’ensemble des jeunes Parisiens jusqu’à 18 ans afin de renforcer le pouvoir d’achat des familles.
Source : site de campagne
L’extension sera mise en œuvre dans les mois qui viennent […]. Il s’agira d’une carte Navigo gratuite, sans avance à débourser.
Source : entretien du premier adjoint Emmanuel Grégoire au Journal du dimanche du 5 janvier 2020
La mesure consiste à étendre aux Parisiens de 12 à 18 ans la gratuité des transports publics, en vigueur depuis septembre 2019 pour les Parisiens de 4 à 11 ans. Selon Anne Hidalgo, cette mesure a un objectif environnemental, en favorisant l’utilisation des transports en commun, et social, en favorisant le pouvoir d’achat des familles.
Selon nos chiffrages, cette mesure coûterait chaque année entre 21,0 et 26,7 M€, en fonction du nombre de jeunes qui feront la demande de remboursement (de 160 000 à 180 000 jeunes), une estimation ainsi inférieure au montant de 40 M€ avancé par Emmanuel Grégoire le 9 janvier 2020.
Si l’effet sur le pouvoir d’achat est certain (un abonnement coûtant aujourd’hui 175 € aux familles), son financement par la ville conduit à le faire reposer essentiellement sur l’impôt local.
Les effets sur l’environnement sont incertains, le report des automobilistes vers les transports en commun étant faible, et l’effet sur les comportements futurs des jeunes Parisiens inconnu.
En Île‑de‑France, l’autorité organisatrice des transports en commun est Île-de-France Mobilités (ex‑STIF), établissement public présidé par la région. Le budget d’Île‑de‑France Mobilité s’élève à 10 Mds€, dont 36 % est assuré par des recettes tarifaires, pour 27 % par les usagers et pour 9 % par les entreprises (les employeurs franciliens participent aux recettes tarifaires via leur participation à hauteur de 50 % au financement des abonnements Navigo de leurs salariés). Les principaux contributeurs sont les entreprises avec le versement transport (42 % du coût total de fonctionnement) et les collectivités (18 %). La ville de Paris peut décider de prendre en charge le financement de titres de transports en versant la compensation financière correspondante à l’établissement Île‑de‑France Mobilités.
La gratuité totale des transports publics à Paris a déjà été proposée par Anne Hidalgo en 2018, mais abandonnée en raison du coût trop élevé de la mesure, estimé entre 3 et 6 Mds€ par la ville, soit une dépense annuelle comprise entre 800 et 1 600 € par ménage.
En 2018 également, la présidente du Conseil régional Valérie Pécresse a demandé un rapport sur la faisabilité de la gratuité des transports publics, qui en avait estimé le coût à 2,5 Mds€. Le rapport a également conclu au risque d’aggravation de la saturation du réseau en cas de mise en place de la gratuité des transports, le dézonage du Pass Navigo ayant déjà créé ce phénomène.
En France, il existe actuellement 31 réseaux de transports collectifs entièrement gratuits, généralement dans des villes de petite ou moyenne taille (dont Dunkerque depuis septembre 2018).
Le rapport remis à la maire de Paris en 2019, intitulé “Pour un big bang de la tarification des transports dans le Grand Paris”, considère que la gratuité totale des transports en commun n’est pas une réponse adaptée aux enjeux de la mobilité en Île‑de‑France et recommande de privilégier des mesures ciblées. Parmi ces mesures, il recommandait de prendre en charge la gratuité du Pass Navigo pour les enfants de moins de 11 ans et le remboursement partiel de la carte Imagine R pour tout ou partie des élèves du secondaire.
En septembre 2019, la mairie de Paris a mis en place deux mesures de tarification des transports à destination des jeunes Parisiens :
la gratuité des transports en commun pour les jeunes de 4 à 11 ans (les enfants de moins de 3 ans étant déjà dispensés de disposer d’un ticket), à condition qu’ils soient domiciliés à Paris, scolarisés en maternelle ou en primaire dans la capitale et que la demande d’abonnement Imagine R soit faite auprès d’Île‑de‑France Mobilités ;
la prise en charge à 50 % de la carte Imagine R pour les collégiens et lycéens parisiens, soit une économie annuelle de 175 € par enfant, à condition d’être domicilié à Paris.
La mairie de Paris a également rendu gratuit l’abonnement Vélib “V‑Plus jeune” pour les jeunes de 14 à 18 ans domiciliés à Paris, d’un coût de 27,60 € par an.
L’extension proposée par Anne Hidalgo reviendrait donc à proposer la prise en charge de l’abonnement des jeunes Parisiens âgés de 12 à 18 ans, soit environ 150 000 jeunes (l’INSEE estime en 2016 à Paris le nombre de jeunes âgés de 10 à 14 ans à 98 377, soit 19 675 individus par classe d’âge en moyenne, et le nombre de jeunes âgés de 15 à 19 ans à 112 805, soit 22 561 individus par classe d’âge en moyenne, soit un total de 149 270 en excluant les classes d’âge de 10, 11 et 19 ans).
Le chiffrage fin de cette mesure nécessiterait de prendre en compte plusieurs facteurs qui n’ont pas été retenus dans la méthodologie proposée ci‑dessous, en raison de leur caractère trop incertain (notamment : le coût de gestion des demandes de remboursement pour la mairie de Paris, qui représentera un temps‑agent certain ; le nombre d’élèves boursiers bénéficiant déjà d’un tarif et d’une prise en charge financière spécifique ; les conséquences de la mesure en matière de déductibilité de la TVA, si la prise en charge par la mairie de Paris aboutit à revoir le statut de prestation de services rendue à titre onéreux et donc le droit à la déduction de TVA).
En faisant l’hypothèse que 80 % des jeunes demanderont le remboursement (120 000 jeunes), le coût de la mesure pour la ville de Paris, étant donné qu’elle prend déjà en charge 50 % de la carte Imagine R, serait de 21,0 M€ en se fondant sur le coût annuel d’un abonnement Imagine R de 350 € (soit la moitié : 175,00 € x 120 000 jeunes = 21 000 000 € de prise en charge totale). En faisant l’hypothèse que 90 % des jeunes demanderont le remboursement (180 000 jeunes), le coût serait de 23,6 M€ (175,00 € x 135 000 jeunes = 23 625 000 € de prise en charge totale).
Une autre hypothèse consisterait à retenir le coût d’un abonnement Navigo. Cette hypothèse ne semble pas adaptée au public concerné, qui est éligible aux abonnements Imagine R. Néanmoins, certains jeunes Parisiens peuvent être détenteurs d’un forfait Navigo plutôt que Imagine R, notamment dans le cas où ils sont déjà actifs. Pour une hypothèse de 5 % de la classe d’âge, cela correspondrait à un surcoût de 3,1 M€ (soit 827,20 € x 7 500 jeunes = 6 204 000 € de prise en charge totale ; dont 50 % sont déjà financés par l’employeur). En ajoutant ce surcoût, la mesure aurait un coût total de 26,7 M€ dans l’hypothèse où la ville de Paris ne demanderait pas comme condition d’être scolarisé à Paris mais s’en tiendrait à un critère d’âge (tous les jeunes de moins de 18 ans).
Nos chiffrages sont inférieurs au coût de la mesure estimé à 40 M€ par Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, le 9 janvier 2020 (émission Capitale 2020). Selon lui, la prise en charge de la mesure “dépendra du prix auquel [la ville de Paris achètera] cette prestation à Île‑de‑France Mobilités et du taux de recours des jeunes au dispositif.”
Les effets sur l’environnement sont incertains pour plusieurs raisons :
s’agissant de la gratuité des transports en général, elle ne permet pas nécessairement un report modal depuis la voiture vers les transports en commun car les automobilistes sont plus sensibles au temps de parcours qu’au prix des transports ;
la gratuité des transports peut inciter les piétons et cyclistes à emprunter le réseau de transports, par ailleurs déjà saturé ;
s’agissant d’une mesure de gratuité ciblant les jeunes de 11 à 18 ans, qui fréquentent le plus souvent des collèges et lycées situés dans leurs quartiers, il n’est pas certain que le transport en commun soit le mode de déplacement privilégié pour leurs trajets.
En revanche, l’effet direct sur le pouvoir d’achat des familles parisiennes est certain, la prise en charge des 50 % restants à leur charge de l’abonnement Imagine R représentant une dépense annuelle par enfant de 175 €.
Cependant, ce gain est nécessairement financé par les ressources de la ville de Paris, dont le principal levier reste l’impôt, compte tenu du contexte de maîtrise des dépenses de l’Etat et des dotations aux collectivités.
En outre, concernant la gratuité totale des transports publics, aucun effet redistributif n’a pu être mesuré dans les villes où elle a été mise en place, faute d’études empiriques sur le sujet.
Site de campagne d’Anne Hildago https://annehidalgo2020.com/nos-premieres-propositions-pour-un-paris-en-commun/
Site d’Île‑de‑France Mobilités / Financement https://www.iledefrance-mobilites.fr/le-financement-des-transports-publics/
INSEE, Population selon le sexe et l’âge quinquennal en 2016 https://www.insee.fr/fr/statistiques/1893204
Rapport 2019 “Pour un big bang de la tarification des transports dans le grand Paris” remis à la maire de Paris https://www.api-site.paris.fr/paris/public/2019%2F0%2FPour-un-big-bang-de-la-tarification-des-transports-dans-le-grand-Paris.pdf
Rapport 2018 du Comité sur la faisabilité de la gratuité des transports en commun en Île‑de‑France, leur financement et la politique de tarification https://www.iledefrance-mobilites.fr/wp-content/uploads/2018/10/Rapport-Comit%C3%A9-sur-la-faisabilit%C3%A9-de-la-gratuit%C3%A9-des-transports-en-commun-en-%C3%8Ele-de-France-leur-financement-et-la-politique-de-tarification.pdf
Propos du premier adjoint Emmanuel Grégoire lors de l’émission Capitale 2020 diffusée sur BFM TV le 9 janvier 2020 http://www.leparisien.fr/paris-75/municipales-a-paris-les-transports-gratuits-pour-les-moins-de-18-ans-couteraient-40-millions-d-euros-09-01-2020-8232711.php