Par le candidat (le cas échéant) | – | |
Par l’Institut Montaigne | Coût pour la sphère publique | Coût pour les entreprises |
Estimation haute | 4,4 Md€ par an à horizon 2022 | 9,8 Md€ par an à horizon 2022 |
Estimation médiane | 2,9 Md€ par an à horizon 2022 | 8 Md€ par an à horizon 2022 |
Estimation basse | 1,4 Md€ par an à horizon 2022 | 6,2 Md€ par an à horizon 2022 |
Répartition du coût (répartition approximative sur la base de la répartition de la masse salariale, dépendant en pratique des diverses hypothèses) | ||
Coût supporté par l’État | 45 % | |
Coût supporté par les Collectivités | 30 % | |
Coût supporté par la Sécurité sociale | 25 % |
La proposition de Jean-Luc Mélenchon consiste en une réduction de 2,2 % du temps de travail par salarié. Les rémunérations mensuelles des salariés concernés seraient maintenues, grâce à une hausse à due proportion du salaire horaire.
Jours travaillés par un employé à temps plein (semaine de 5 jours) | Heures par jour (semaine de 5 jours) | Heures travaillées par an | Évolution de la durée du travail par rapport à la situation précédente | |
39 heures, 5 semaines de congés payés | 226 | 7,8 | 1763 | – |
35 heures, 5 semaines de congés payés | 226 | 7 | 1582 | – 10 % |
Proposition du candidat : 35 heures, 6 semaines de congés payés | 221 | 7 | 1547 | – 2,2 % |
À quantité de services publics produits constante, le nombre d’embauches nécessaires dans le secteur public dépend essentiellement des gains de productivité obtenus grâce aux éventuelles réorganisations des administrations concomitantes à la mise en place de la mesure. Pour mémoire, le passage de 39 à 35 heures hebdomadaires s’est accompagné de gains de productivité de l’ordre du tiers de la réduction du temps de travail.
Selon les hypothèses retenues (augmentation de la productivité comprise entre 20 % et 50 % de la réduction du temps de travail – RTT), l’augmentation de la masse salariale publique est comprise entre 3,2 et 5 Md€.
La masse salariale représentait 278,2 Md€ en 2014.
Hausse de la productivité de l’heure travaillée (%) | Augmentation de la masse salariale (%) | Augmentation de la masse salariale publique (Md€) |
0,4 % | 1,8 % | 5 |
0,8 % | 1,5 % | 4,1 |
1,1 % | 1,1 % | 3,2 |
Coûts supplémentaires (en %) d’une réduction de la durée du travail de 2,2 % dans le secteur public.
Le coût direct moyen des dépenses sociales ou d’indemnisation d’un chômeur peut être évalué à 15 000 € par an. En 2004, l’INSEE considérait que le passage à 35 heures avait créé 210 000 emplois (pour une réduction du temps de travail d’environ 10 %). Ici, la RTT envisagée est environ cinq fois moins importante, la mesure pourrait donc créer environ 40 000 emplois à court terme. Les recettes supplémentaires pour les administrations publiques représentent un montant de l’ordre de 0,6 Md€.
Par ailleurs, la création d’emplois permet à l’État de percevoir des impôts et des cotisations sociales supplémentaires. En effet, chaque chômeur engendre pour les finances publiques un coût indirect correspondant au manque à gagner en termes d’impôts et de cotisations sociales (qui seraient perçues par l’État si ces chômeurs avaient un travail) ; ce coût n’est pas aisément calculable et pourrait représenter jusqu’au double du coût direct. Sur cette base, les économies et gains de recettes pourraient atteindre 1,8 Md€ au total. On peut donc retenir trois hypothèses d’économies et recettes supplémentaires liées à la création d’emplois : 0,6 Md€, 1,2 Md€ et 1,8 Md€.
Au global l’impact négatif pour les finances publiques est compris entre 1,4 Md€ et 4,4 Md€ avec une hypothèse médiane à 2,9 Md€.
Le calcul du coût pour les entreprises est similaire au calcul du coût des embauches pour les administrations publiques.
La masse salariale privée représentait 543,6 Md€ en 2016.
Hausse de la productivité de l’heure travaillée | Augmentation de la masse salariale (%) | Augmentation de la masse salariale privée (Md€) |
0,4 % | 1,8 % | 9,8 |
0,8 % | 1,5 % | 8 |
1,1 % | 1,1 % | 6,2 |
Coûts supplémentaires (en %) d’une réduction de la durée du travail de 2,2 % dans le secteur privé.
L’écart entre les estimations hautes et basses s’explique essentiellement par l’incertitude existant quant à la répartition de la baisse du temps de travail entre hausse de la productivité horaire et création d’emplois. Le chiffrage intègre également les dépenses de cotisations sociales, qui pour l’État ne constituent pas stricto sensu une dépense budgétaire pour les fonctionnaires (à l’inverse des autres employeurs publics). Enfin, ce chiffrage ne prend en compte que l’effet à court terme de la mesure. À moyen et long terme, il est probable que la réduction du temps de travail conduise à une diminution de la croissance potentielle au travers d’une diminution du facteur travail et entraîne, par ailleurs, une dégradation de la compétitivité relative de la France. Après quelques années, la mesure entraînera probablement non seulement une perte de recettes publiques mais aussi une diminution de la croissance potentielle, c’est-à-dire de la croissance naturelle de l’économie, hors effets du cycle économique.
La durée légale hebdomadaire du travail a été modifiée à plusieurs reprises en France depuis un siècle : fixée à 40 heures en 1936, elle passe à 39 heures en 1982, puis à 35 heures en 1998. Cette durée n’a, en revanche, jamais été augmentée.
S’agissant des congés payés, la situation est similaire : de deux semaines en 1936, ils passent à trois en 1956, puis à quatre en 1969 et enfin à cinq semaines en 1982
La réduction de la durée hebdomadaire du travail, du nombre de jours de travail dans la semaine, ou encore l’augmentation du nombre de semaines de congés payés s’analysent de manière similaire, l’effet final de ces mesures étant une réduction du nombre d’heures annuelles travaillées par salarié.
Les impacts de la réduction du temps de travail (RTT), et notamment du passage à 35 heures font l’objet de débats sans qu’un consensus ne se dégage. Le rapport de l’Institut Montaigne Temps de travail : mettre fin aux blocages (octobre 2014) dresse un panorama complet de cette question. Quelques chiffres tirés de ce rapport illustrent bien la controverse entourant la question de la RTT :
Enfin la RTT a eu un effet défavorable sur la productivité horaire des salariés en place, les 35 heures étant “payées 39”. Cet effet est défavorable à l’emploi à moyen et long terme. À l’inverse une hausse du temps de travail pourrait avoir un effet positif sur l’utilisation des ressources en main-d’œuvre (et donc sur le PIB par habitant), d’une part, et également un effet positif sur la productivité et donc sur la croissance – si le coût pour les entreprises des heures additionnelles est inférieur au coût horaire actuel des salariés concernés –, d’autre part.
Les débats entourant la durée légale du travail sont récurrents depuis 1998. La droite, revenue au pouvoir après 2002 n’a cependant jamais tenté de la modifier entre 2002 et 2012, préférant agir sur d’autres leviers, tels que l’assouplissement du recours aux heures supplémentaires.
À l’inverse, la poursuite d’une réduction du temps de travail est une proposition récurrente à gauche.
En Europe, seuls quelques pays ont fait varier à la baisse leur temps de travail depuis 1999 (France, Belgique, Slovaquie, Suède, République Tchèque). Parmi ces pays, la France est celui où la durée hebdomadaire légale du travail est la plus faible, celle de tous les autres pays européens étant compris entre 37 et 40 heures. Ces dernières années, seuls le Portugal et le Luxembourg ont fait varier à la hausse la durée légale du travail, pour revenir à des niveaux proches de ceux qu’ils connaissaient en 1999, entre 39 et 40 heures.
S’agissant des congés payés, tous les pays européens ont fixé leur durée entre quatre et cinq semaines. Aucun pays n’a adopté de durée de six semaines. En intégrant l’effet des jours fériés, la durée des congés payés varie entre 28 (Pays-Bas) et 38 jours (Autriche) par an, la France se situant à la cinquième place avec 36 jours, au même niveau que l’Espagne, le Royaume-Uni et la Suède.
Nous ne disposons pas d’études fiables quant à l’évaluation de l’impact de ces modifications du temps de travail. Au demeurant, on note que les mouvements récents concernant le temps de travail se sont effectués à la hausse, notamment dans les pays du sud de l’Europe, dont la situation économique était dégradée et dont les dirigeants souhaitaient rétablir la situation financière et la compétitivité économique.
La durée hebdomadaire légale du travail est fixée par la loi (article L. 3121-27 du code du travail), de même que la durée des congés payés (article L. 3141-3). Toute modification de ces durées légales requiert donc un processus législatif. Cette réforme peut éventuellement être effectuée par ordonnance. Sauf à également modifier l’article 1er du code du travail, une négociation préalable avec les partenaires sociaux sera néanmoins nécessaire.
L’adoption de la loi devra être suivie d’une période d’adaptation au sein des entreprises, leur permettant si nécessaire de réorganiser le travail afin de prendre en compte ces congés payés supplémentaires. À titre de comparaison, la loi du 13 juin 1998 permettant le passage à 35 heures laissait jusqu’en 2000 aux entreprises pour négocier le passage à 35 heures, et jusqu’en 2002 pour les entreprises de moins de 20 salariés.
Il est donc vraisemblable que cette proposition ne produise d’effets sensibles qu’un à deux ans après son adoption, soit entre 2018 et 2019, si elle est adoptée en début de quinquennat.
Entre 23,8 millions de personnes (nombre de personnes occupant un emploi salarié à fin 2014, selon l’INSEE) et 28,6 millions de personnes (population active en 2014, selon l’INSEE).
On fait ici l’hypothèse d’une baisse du temps de travail avec maintien des salaires. L’analyse présentée concerne uniquement le secteur privé. L’analyse concernant le secteur public est conceptuellement plus simple : la réduction du temps de travail entraîne une création d’emploi et une hausse de la dépense publique proportionnelle.
à court terme | à long terme | |
Effets positifs de la mesure | Création d’emplois. | Probable amélioration du bien-être des salariés en poste. |
Effets négatifs de la mesure | Dégradation de la compétitivité des entreprises (augmentation des coûts de main-d’œuvre pour le même niveau de production) ou des comptes publics. | Dégradation de la compétitivité des entreprises (augmentation des coûts de main-d’œuvre pour le même niveau de production) ou des comptes publics.
Augmentation du chômage. Réduction du PIB/habitant. Diminution de la croissance potentielle de l’économie. |
Les effets économiques de premier ordre d’une variation de la durée légale du travail sont de deux types :
Empiriquement, la modification de la durée légale du travail a les effets concrets suivants :
Des mesures d’accompagnement à la modification du temps de travail peuvent enfin être envisagées :
Commentaire synthétique
La proposition de Jean-Luc Mélenchon consiste en une réduction de 2,2 % du temps de travail avec maintien des salaires. Le candidat ne se prononce pas quant à une éventuelle baisse de charges accompagnant la mesure.
La durée légale du travail (durée hebdomadaire et congés payés) concerne tous les Français en âge de travailler, soit 28,6 millions de personnes.
Les effets macroéconomiques d’une réduction du temps de travail sont incertains, même si de nombreux économistes considèrent que la baisse du temps de travail aurait un effet négatif à long terme sur le PIB du fait : d’une moindre utilisation de la main-d’œuvre disponible ; d’une dégradation de la compétitivité des entreprises liée à la désorganisation induite et à la baisse de la productivité par tête, à salaire constant.
Afin de chiffrer le coût pour les finances publiques et pour le secteur privé de cette proposition, des hypothèses doivent être faites quant aux gains de productivité accompagnant la réduction du temps de travail. L’estimation des recettes supplémentaires – issues des cotisations sociales prélevées sur les emplois créés à court terme – suppose également de faire une hypothèse sur le nombre d’emplois créés à court terme.
À court terme, la mesure proposée pourrait créer jusqu’à 40 000 emplois. L’impact négatif sur les finances publiques serait significatif, compris entre 1,4 et 4,4 Md€. L’impact négatif sur les résultats des entreprises privées serait également important, compris entre 6,2 et 9,8 Md€. Ces coûts supplémentaires entraîneraient vraisemblablement un effet négatif à plus long terme sur la croissance potentielle de l’économie française, neutralisant les créations d’emplois initiales, voire entraînant des pertes d’emplois. À plus long terme, la réduction du temps de travail avec maintien des salaires pourrait engendrer une diminution de la croissance potentielle en diminuant la quantité de facteur travail disponible (voir impacts macroéconomiques), avec un impact négatif supplémentaire sur les finances publiques, non pris en compte ici.