Par le candidat (le cas échéant) | – |
Par l’Institut Montaigne | 9,6 Md€ par an |
Estimation haute | 24 Md€ par an |
Estimation médiane | 9,6 Md€ par an |
Estimation basse | 3,1 Md€ par an |
Répartition du coût | |
Coût supporté par l’État | 100 % |
Le chiffrage est rendu complexe par le manque de précision de la proposition – niveau des conditions de ressources, définition de la “formation qualifiante”, lien entre durée de la formation et durée de versement de l’allocation, allocation forfaitaire ou différentielle, d’une part ; par l’absence de données précises sur les ressources des 18-24 ans, d’autre part. Nous proposons donc plusieurs scénarios, découlant de différentes interprétations de l’objectif prioritaire de la mesure.
Dans ce premier scénario, la proposition est interprétée dans l’esprit de la Garantie Jeunes, qui attribue actuellement une allocation de 462€ par mois à des jeunes en situation de grande précarité, associée à un parcours intensif de formation. Cela correspond donc à un ciblage de la mesure des jeunes non diplômés qui sortent précocement du système éducatif, afin de subventionner leur reprise d’études.
En 2015, 107 000 jeunes de 18 à 24 ans sont sortis du système éducatif sans diplôme. Faute de données publiques adéquates concernant le niveau de vie des jeunes décrocheurs, on ignore leurs conditions de ressources.
Si l’allocation est versée à l’ensemble des jeunes décrocheurs sans condition de ressources, et appliquée pour la première fois au flux des jeunes sortants du système éducatif sans diplôme la première année de mise en œuvre :
Si l’allocation est versée pendant trois ans :
Ce second scénario retient un objectif plus large de lutte contre la précarité des jeunes, sans tenir compte de la restriction au suivi d’une formation qualifiante. Le taux de pauvreté des 18-29 ans était de 18,6 % en 2013. En considérant que le taux de pauvreté est également de 18,6 % pour les 18-24 ans en 2015, et sachant qu’il y avait 5,4 millions de Français âgés de 18 à 24 ans en 2015, on estime à 1 million le nombre de jeunes pauvres entre 18 et 24 ans.
L’allocation peut être perçue pendant trois années seulement. Cette restriction est difficile à prendre en compte dans le chiffrage, faute de données sur la durée moyenne passée en situation de pauvreté pour les jeunes entre 18 et 24 ans. Si le stock des jeunes qui se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté chaque année se renouvelle en moins de trois ans (c’est-à-dire qu’aucun jeune ne dépasse la durée maximale de trois ans), le coût brut de la mesure sera de 9,6 Md€ chaque année (1 000 000*800*12).
Si, au contraire, il y a une forte permanence du stock – en supposant, par exemple, que les jeunes sous le seuil de pauvreté le sont continûment entre 18 et 24 ans – alors le coût brut serait moindre en régime permanent . Nous privilégions la première hypothèse, en raison de la prédominance de la pauvreté “transitoire” à ces âges de la vie.
Dans ce scénario, l’ensemble des jeunes de 18 à 24 ans en formation (études ou formation professionnelle) sont éligibles à l’allocation, soit 2 470 000 jeunes en 2014-2015. La condition de ressources ne joue pas, étant considéré qu’ils acquièrent tous leur autonomie fiscale à 18 ans. Le coût de cette mesure est estimé à 24 Md€ par an (2 470 000*12*800).
Il s’agit d’un majorant : parmi ces 2,5 millions d’étudiants, certains ont suivi plus de 3 ans d’études et cesseraient donc d’être éligibles à l’aide (20 % des sortants en 2011-2013 ont un diplôme de niveau master), d’une part ; dans les faits, il est probable qu’une part importante d’étudiants restent rattachés au foyer fiscal de leurs parents et dépassent de ce fait la “condition de ressources”, d’autre part.
Le niveau de ressources en deçà duquel l’allocation peut être perçue n’est pas défini, ni la manière dont les ressources des parents sont prises en compte. Or, 51 % des jeunes de 18 à 24 ans vivent chez leurs parents (d’après le recensement Insee 2012). La condition de ressources ne peut donc être convenablement prise en compte dans notre chiffrage.
La formulation “sous réserve d’une formation qualifiante” est relativement imprécise, or elle affecte sensiblement le nombre d’allocataires potentiels. Les formations “qualifiantes”, distinctes des formations “diplômantes”, se définissent par leur visée professionnelle et le fait qu’elles s’effectuent généralement dans l’entreprise ou au sein d’organismes de formations. Cette condition peut être interprétée comme un ciblage de la mesure sur les jeunes sortis précocement du système éducatif.
L’articulation entre la perception de l’allocation et l’obtention de la formation qualifiante est, en outre, floue. Les formations qualifiantes ont des durées plutôt courtes, inférieures à trois ans. Il n’est pas précisé si l’allocation est versée à partir de l’inscription en formation et pour une durée de trois ans, quelle que soit l’issue et la durée de la formation, ou si celle-ci est versée uniquement pendant la durée de la formation, à la manière d’une bourse étudiante.
Enfin, la façon dont cette allocation serait articulée avec les aides financières dont les jeunes bénéficient déjà (aides au logement, bourses, prestations familiales et avantages fiscaux en direction des familles pour les jeunes majeurs) n’est pas évoquée. La suppression éventuelle de certaines d’entre elles diminuerait le coût net de la mesure. Par exemple, il est estimé que la suppression des prestations familiales au-delà de 18 ans rapporterait 2,5 Md€ par an.
La possibilité de maintenir ou non le jeune majeur dans le foyer fiscal de ses parents pourrait donner lieu à des calculs d’optimisation : le rapport Sirugue soulignait la difficulté à chiffrer le coût de l’ouverture du RSA aux 18-25 ans dès lors que l’on tient compte des effets de rétroaction sur les prestations familiales.
La proposition d’une allocation d’autonomie pour les étudiants (type scénario C) est soutenue depuis longtemps par l’Union nationale des étudiants de France (UNEF).
Dans un rapport publié en 2011, Terra Nova proposait un “capital formation”, pour tous les étudiants ou adultes en formation continue, prenant la forme d’une allocation de 460€ par mois pendant 3 ans.
La proposition d’ouvrir le RSA aux moins de 25 ans a été défendue dans le rapport Sirugue sur les minima sociaux, remis au Premier Ministre en avril 2016.
La proposition de Jean-Luc Mélenchon est cependant différente sur trois points :
l’allocation de 800€ est supérieure au montant du RSA ;
l’allocation est conditionnée à l’obtention d’une formation qualifiante (contrairement au RSA) ;
la durée maximale de l’allocation est de trois ans (aucune durée maximale de versement pour le RSA).
Le Danemark a mis en place à partir des années 1970 un système d’aide aux étudiants pour favoriser leur autonomie, universel et défamilialisé. L’aide est octroyée à tout étudiant de plus de 18 ans sans limite d’âge. Le barème dépend des ressources financières de l’étudiant mais est indépendante de celles des parents.
Les étudiants suivant un cursus dans l’enseignement supérieur reçoivent des “bons” représentant chacun un mois de bourse, avec une limite maximale de 70 bons. À condition d’avancer dans leur cursus et de ne recevoir aucune autre aide publique, les étudiants sont libres d’utiliser ces bons comme ils le souhaitent tout au long de leur vie, ce qui permet de financer une éventuelle reconversion professionnelle, même à un âge avancé. Les étudiants suivant un cursus d’enseignement technique reçoivent des bourses sans date limite ni contrainte d’utilisation, mais le montant de cette bourse est conditionné lors des deux premières années aux ressources familiales.
Le fait que le revenu de solidarité active ne soit ouvert qu’à partir de 25 ans est une spécificité française. Le revenu minimum est généralement ouvert aux jeunes dès leur majorité, dès lors qu’ils vivent en dehors du foyer parental et qu’ils ne sont pas étudiants (Allemagne, Autriche, Irlande, Portugal, Royaume-Uni), ou dès lors que leurs propres ressources sont en-dessous d’un plafond, même s’ils habitent avec leurs parents (Danemark, Finlande, Pays-Bas).
Pour être appliquée, la mesure devra être inscrite dans le cadre d’une loi de finances.
L’ampleur du nombre de jeunes concernés dépend des conditions de ressources retenues et de celle portant sur la formation qualifiante. Il pourrait s’agir soit principalement de jeunes en situation de grande précarité (scénario A), soit de l’ensemble des jeunes en études ou formation (scénario C).
Les jeunes de 18 à 24 ans sont répartis comme suit : 46 % d’entre eux sont scolarisés dans un établissement d’enseignement secondaire ou supérieur, 49 % sont actifs (en emploi ou au chômage) et 5 % ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation.
Une allocation d’autonomie de 800€ pour les jeunes aurait deux conséquences principales :
réduction de la pauvreté monétaire : l’allocation d’autonomie aurait probablement un effet positif sur le taux de pauvreté des jeunes. Il a été estimé que l’ouverture du RSA aux jeunes de 21 à 24 ans non étudiants – avec un montant inférieur à celui de l’allocation proposée par le candidat – diminuerait le taux de pauvreté de la tranche d’âge considérée de 3,8 points ;
modification des taux d’activité et de la durée d’études : l’allocation d’autonomie étant conditionnée à la poursuite d’une formation qualifiante, elle pourrait entraîner un allongement de la durée d’études ou de formation des jeunes. Le fait de retarder l’entrée sur le marché du travail aurait un effet négatif à court terme sur le taux d’activité mais positif à long terme sur les fondamentaux de l’économie (élévation des qualifications de la main-d’œuvre).
à court terme |
à long terme |
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Effets positifs de la mesure |
Diminution du taux de pauvreté |
Accroissement du niveau de qualification |
Effets négatifs de la mesure |
Diminution du taux d’activité |
Commentaire synthétique
Jean-Luc Mélenchon propose une allocation d’autonomie de 800€ pour les jeunes de 18 à 25 ans, d’une durée de trois ans, sous réserve d’une formation qualifiante et sous condition de ressources.
Le manque de précision sur les paramètres de la mesure nous conduit à envisager plusieurs scénarios :
Le coût net de la mesure dépend des sources de financement mobilisées et de l’articulation de l’allocation d’autonomie avec les aides financières et fiscales dont bénéficient les familles, au titre du rattachement du jeune majeur au foyer fiscal de ses parents.