Montant estimé ( par an) |
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Par le candidat | – | |
Par l’Institut Montaigne | Coût pour la sécurité sociale | Gain pour les ménages |
Estimation haute | 280 M€ | 1,7 Md€ + meilleur accès aux soins |
Estimation médiane | 280 M€ | 0 M€ + meilleur accès aux soins |
Estimation basse | 280 M€ | -650 M€ (coût financier pour les ménages) + meilleur accès aux soins |
Sur le panier de soins considéré par la proposition du candidat (soins hospitaliers, médecine de ville, dentisterie, optique adulte et audioprothèses), d’un montant global de 128,1 Md€ de dépenses en 2015, 79 %, soit 101,2 Md€ sont pris en charge par l’assurance maladie obligatoire (AMO). Le reste des dépenses, soit 26,9 Md€ se répartissent entre les organismes d’assurance maladie complémentaire (AMC) et les ménages (ces derniers finançant indirectement par leurs cotisations volontaires leur AMC).
Sur le panier de soins considéré (optique adulte, audioprothèse, prothèses dentaires, dépassements), le reste à charge patient après prise en charge par les organismes d’AMC peut être estimé à 6,3 Md€. Le candidat propose de transférer ce reste à charge vers l’AMC par la négociation avec cette dernière et les professionnels de santé concernés. Le rôle de l’assurance maladie serait limité à la prise en charge intégrale de l’optique enfant (traitée à part mais d’un coût de l’ordre de 500 M€).
L’assurance maladie sera néanmoins concernée quoiqu’il arrive, puisque le meilleur accès au soin se traduira par une augmentation du nombre d’actes médicaux, et donc, à iso-remboursements, par des dépenses supplémentaires. Les dépenses touchées par un meilleur remboursement sont les dépenses d’optique (6,1 Md€, avec un taux de remboursement par l’AMO de 5 %), d’audioprothèses (0,9 Md€ avec un taux de remboursement par l’AMO de 12 %), de prothèses dentaires (2,6 Md€, avec un taux de remboursement par l’AMO de 15 %) et de soins de médecins touchés par des dépassements (environ 9 Md€ avec un taux de remboursement par l’AMO de 50 %), soit un périmètre global de 18,6 Md€ (dont environ 30 % pris en charge au global par l’AMO).
En imaginant une hausse globale en valeur de 5 % des soins consommés sur ce périmètre (meilleur accès aux soins), le coût pour l’assurance maladie est de 0,28 Md€ (et 0,65 Md€ pour les ménages, via une hausse de leurs cotisations mutuelles).
Le candidat propose en outre plusieurs réformes pro-concurrentielles, à même de renforcer le rôle des mutuelles dans la négociation avec les professionnels de santé d’une part, et de renforcer la concurrence des mutuelles entre elles (avec une baisse de leurs frais de gestion – qui représentent aujourd’hui entre 7 et 40 % des cotisations qui leurs sont versées). Si les mutuelles gagnaient 5 points sur leurs frais de gestion, cela représenterait environ 1,7 Md€, qui seraient redistribués aux ménages. On considère pour cette évaluation que les frais de gestion moyens pondérés des organismes d’AMC sont de l’ordre de 20 % et que leur collecte de cotisations est de l’ordre de 34 Md€, ce qui correspond aux 26 Md€ de prestations reversées en 2015 d’après les comptes nationaux de santé.
Dans un scénario optimiste, la hausse de la demande de soins serait de plus partiellement compensée par une modération des tarifs consentis par les professionnels (compensant le coût de 0,65 Md€ pour les ménages évoqué supra).
On peut donc imaginer trois scénarios :
Les dépenses de santé concernées par des restes à charges importants et leur financement en Md€ (2015) Source : Les dépenses de santé 2015 – édition 2016, DREES |
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Soins hospitaliers | Soins de médecins | Soins de dentiste | Autres biens médicaux (dont optique et audioprothèses) | Optique (dont optique enfant) | Optique enfant (moins de 18 ans)* | Audioprothèses* | |
Consommation totale | 90,8 | 20,2 | 10,7 | 14,7 | 6,1 | 0,63 | 0,90 |
Dont dépassements | 1 | 2,1 | 4,7 | 7,2 | ND | ND | ND |
Remboursement AMO | 83,4 | 13,9 | 3,6 | 6,3 | 0,3 | 0,10 | 0,11 |
Remboursement AMC | 4,8 | 3,9 | 4,3 | 5,7 | 4,4 | 0,53 | 0,79 |
Reste à charge patients | 2,1 | 2 | 2,4 | 2,5 | 1,5 | ||
Restes à charge ciblés par François Fillon | 1,9
(3,1 Md€ de dépassements, dont on considère que les mutuelles en prennent 30 % en charge) |
2,2
(prothèses dentaires) |
– | 1,4
(optique enfant traitée à part) |
– | 0,79 |
* Chiffres estimés sur la base des chiffres 2013 (SNIIRAM) et de l’évolution globale des dépenses sur la période 2013-2015 (croissance de 2% de l’optique, et de 14 % des prothèses en volume)
Le candidat n’offre pas de précision sur la répartition des rôles entre AMO et AMC pour la prise en charge du reste à charge actuel des ménages. Il propose par ailleurs de ne plus plafonner le remboursement des dépassements dans les contrats d’AMC. Cela peut avoir un effet inflationniste difficile à évaluer sur les tarifs des professionnels de santé, qui représenteront in fine un coût supplémentaire pour les ménages, soit en direct soit à travers leurs cotisations obligatoires ou complémentaires.
Une amélioration des remboursements dentaires et optiques, ainsi que la limitation des dépassements d’honoraire, sont régulièrement proposés en France. Jusqu’ici cette proposition achoppe sur la difficulté à plafonner les honoraires des professionnels de santé concernés, dont une part très significative de l’activité repose sur des actes ou prestations aux tarifs non régulés. Or la conséquence d’une forte diminution du reste à charge pour le patient sans régulation des tarifs est généralement un effet inflationniste difficile à maîtriser.
Emmanuel Macron formule une proposition très similaire (hors dépassements d’honoraires). Jean-Luc Mélenchon propose d’abolir tous les dépassements.
Nous n’avons pas relevé de proposition comparable appliquée en Europe dans la période récente, même si certains systèmes de santé (Royaume-Uni par exemple) sont très largement étatisés, avec pour conséquence une régulation plus grande des tarifs des professionnels de santé éligibles à un financement par la collectivité.
Une négociation entre l’Assurance Maladie Obligatoire, les Assurances complémentaires et les professionnels de santé concernés sera nécessaire pour appliquer une telle mesure. Si l’Assurance Maladie Obligatoire est amenée à financer une partie de la mesure, il faudra inclure les dispositions ad hoc dans une loi de financement de la sécurité sociale.
Tous les ménages français sont concernés par cette mesure.
A court terme comme à long terme, la mesure a des effets positifs sur l’accès aux soins de catégories moins favorisées. Elle a en revanche vraisemblablement un effet inflationniste difficile à chiffrer pouvant avoir à long terme un effet délétère sur l’équilibre du financement de notre système de santé.
à court terme | à long terme | |
Effets positifs de la mesure | Amélioration de l’accès aux soins | Amélioration de la santé publique
Gain de pouvoir d’achat par les mesures pro-concurrentielles |
Effets négatifs de la mesure | – | Inflation de la dépense de santé si les tarifs sont peu régulés et que les prestations mieux remboursées sont surconsommées |
Commentaire synthétique
François Fillon propose de faire en sorte que les dépenses de santé les plus coûteuses (optique pour les adultes, prothèses dentaires, audioprothèses et dépassements d’honoraires – le candidat proposant par ailleurs que l’optique pour les enfants soit pris en charge intégralement par l’assurance maladie) soient pris en charge intégralement par les organismes d’assurances maladies complémentaires (AMC). Le plafonnement des remboursements des dépassements dans les contrats d’assurance maladie complémentaire dits “responsables” serait également aboli.
Cette réforme s’accompagnerait de mesures visant à inciter les organismes d’AMC à la concurrence, pour faire baisser leurs frais de gestion, et également à améliorer leur pouvoir de négociation avec les professionnels de santé (limitant l’augmentation des tarifs de ces derniers).
Le coût pour l’Assurance Maladie d’une telle mesure est limité, et lié à la hausse de la demande de soins (dans l’hypothèse où les niveaux de remboursement qu’elle consent n’évoluent pas) : coût évalué à 0,28 Md€ annuels à plein régime.
L’impact le plus sensible se situe au niveau de l’accès au soin des ménages et du coût de leur mutuelle. Si les réformes pro-concurrentielles jouent à plein, les ménages pourraient économiser jusqu’à 1,7 Md€ annuels, tout en bénéficiant d’un meilleur accès aux soins. Dans un scénario plus pessimiste, les divers effets inflationnistes ne seraient pas compensés par lesdites réformes, avec un coût annuel de 0,65 Md€ pour les ménages, avec là encore un meilleur accès aux soins.