Par le candidat | 0,7 Md€ par an |
Par l’Institut Montaigne | 0,7 Md€ par an |
Estimation haute | 0,8 Md€ par an |
Estimation médiane | 0,7 Md€ par an |
Estimation basse | 0,4 Md€ par an |
Répartition du coût | |
Coût supporté par l’Etat | 100 % |
La volonté affichée par François Fillon est d’encourager la transmission du patrimoine par le biais d’une réforme des droits portant sur les donations. La réforme proposée comporte deux volets :
Les donations sont soumises à des impôts appelés “droits de mutation à titre gratuits (DMTG)”. Ceux-ci s’appliquent aux sommes transmises. Cependant, afin d’encourager la circulation du capital, la législation prévoit des exonérations et abattements sur certains types de donations. Ainsi :
les dons de sommes d’argent en ligne directe (c’est-à-dire réalisés au bénéfice des enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants ou, à défaut de descendance, aux neveux et nièces) sont exonérés de droits dans la limite de 31 865€.
Au-delà de ce dispositif, les dons portant sur des biens meubles ou immeubles, sur des titres ou des valeurs mobilières, ainsi que sur des sommes d’argent d’un montant supérieur à 31 865€, réalisés au profit des enfants bénéficient d’un abattement de 100 000€ ; les dons réalisés au profit des petits-enfants bénéficient d’un abattement de 31 865€.
Ces exonérations et abattements ne peuvent toutefois s’appliquer que tous les 15 ans : si une première donation a été effectuée, la donation suivante ne pourra bénéficier des mêmes réductions d’impôts qu’après un délai de 15 ans. La réforme proposée par François Fillon consiste à réduire ce délai de 15 à 10 ans.
Le deuxième volet de la réforme proposée par François Fillon consiste à moduler les droits de succession en fonction de l’âge du donateur : plus la donation sera effectuée tôt, plus les droits à payer seront bas. Le programme de François Fillon ne fournit pas davantage de précisions quant aux modalités exactes de la réforme proposée. En particulier, le programme ne précise ni les taux ni les seuils prévus en fonction de l’âge.
Le chiffrage de cette réforme, dans ses deux volets, est particulièrement délicat : son coût dépend, en effet, des comportements qui seront induits par la diminution des délais et la modulation des droits en fonction de l’âge. Il est ainsi difficile d’anticiper l’ampleur des donations qui seraient concernées par les nouvelles règles.
À l’été 2012, la réforme des droits de succession qui, en sens inverse de l’évolution proposée par François Fillon, a fait passer le délai entre deux donations exonérées de 10 à 15 ans n’a ainsi pas retenu d’estimation du gain attendu pour les finances publiques faute de données disponibles. En revanche, en 2011 (lors de la première loi de finances rectificative pour 2011 en date du 30 juillet 2011), la progressivité des taux en fonction de l’âge du donateur avait été supprimée, pour un coût de 0,3 Md€.
Considérant qu’un total de droits de mutation à titre gratuit sur les donations représente des recettes de 1,8 milliard d’euros par an, on peut estimer le coût annuel de cette réforme à 0,5 milliard d’euros pour les finances publiques – ce qui correspond approximativement à l’accroissement des droits de mutation à titre gratuit entre vifs entre 2012 et 2016. Ce calcul apparaît réaliste et peut constituer une estimation médiane (le coût total pouvant être compris entre 0,4 Md€ par an – correspondant au coût du seul profilage des droits selon l’âge du donateur évalué en 2011 – et 0,8 Md€ par an – correspondant au doublement de cette hypothèse).
Cette réforme aurait un impact direct sur les recettes de l’État et entraînerait un manque à gagner.
Le coût total de la réforme est difficile à estimer car il dépend pour beaucoup des comportements qui seront induits par cette mesure et les données sur ce point manquent. Il n’est pas impossible que la première année, cette mesure ne présente pas de coût – ou un coût très limité – pour la puissance publique en raison de l’effet volume important des donations qui auront été permises par cette réforme. Par ailleurs, les détails de la réforme sur les taux et les seuils prévus en fonction de l’âge ne sont pas indiqués.
Les droits de succession dans leur ensemble – portant sur les donations comme sur les successions – ont connu des évolutions très importantes. Dans la période récente, plusieurs évolutions notables sont intervenues :
baisse de la fiscalité sur les successions en 2007 dans le cadre de la loi TEPA (travail, emploi, pouvoir d’achat) : suppression des droits de succession pour les conjoints, exonération des droits de succession à hauteur de 150 000 euros pour les successions en ligne directe, abattement de 15 000 euros pour les frères et sœurs en cas de décès ;
hausse des droits de succession en 2011 suite à la réforme adoptée par le gouvernement Fillon : hausse des taux des deux dernières tranches du barème, diminution des abattements personnels ;
hausse à la suite de la réforme établie à l’été 2012 : baisse des abattements et exonérations, délai passé de 10 à 15 ans entre deux donations pouvant bénéficier de ces avantages fiscaux.
Les donations sont relativement influencées par la fiscalité qui leur est appliquée. On observe ainsi une variabilité importante des transmissions de patrimoine en fonction de la fiscalité en vigueur. Les recettes publiques ont ainsi fortement évolué au gré des différentes réformes des droits de succession.
Comme indiqué précédemment, la proposition faite par François Fillon a déjà été mise en œuvre en partie avant 2012 (délai de 10 ans entre deux donations bénéficiant d’exonérations et d’abattements). La modulation des droits selon l’âge du donateur n’a pas fait l’objet d’autres propositions.
En Europe, plusieurs pays ont renoncé à toute taxation des successions et donations : c’est notamment le cas de nombreux d’Europe de l’Est (Bulgarie, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Estonie, etc.) mais aussi de la Suède, l’Irlande ou le Luxembourg.
Dans les pays où ces droits de succession subsistent, les règles sont très diverses.
En 2010, la France était 9e au sein de l’Union européenne au classement du taux effectif d’imposition des successions et donations.
L’absence de droits de succession constitue, dans de nombreux pays, un élément d’attractivité fiscale (volonté d’attirer les ménages aisés par des règles fiscales favorables).
À l’inverse, les pays qui mettent en place des droits de succession importants privilégient l’aspect redistributif de cette fiscalité.
Afin d’être mise en œuvre, cette réforme devrait être adoptée par la loi ; loi de finances a priori, même si les dispositions fiscales peuvent également être introduites par la voie législative.
Elle pourrait être appliquée dès 2017, via le vote d’une loi de finances rectificative à la suite de l’élection présidentielle, ou en 2018 par son inscription dans le projet de loi de finances.
Cette réforme concerne prioritairement les contribuables dont le patrimoine est le plus important. Ainsi, en France, si le patrimoine moyen est de 170 000€ par adulte, le décile supérieur de la population (les 10% de la population dont le patrimoine le plus important) détiennent un patrimoine d’au moins 697 900 euros et possèdent 50 % de la richesse totale.
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à court terme |
à long terme |
Effets positifs de la mesure |
Plus grande circulation du capital. |
Plus grande circulation du capital |
Effets négatifs de la mesure |
Moindre redistributivité du système fiscal français. Bénéfice avant tout des ménages les plus aisés qui possèdent le patrimoine le plus important |
Moindre redistributivité du système fiscal français. Bénéfice avant tout des ménages les plus aisés qui possèdent le patrimoine le plus important |
Commentaire synthétique
La réforme des droits de succession proposée par François Fillon consiste à revenir sur une disposition introduite à l’été 2012 par la majorité de gauche (passage du délai de 10 à 15 ans entre deux donations bénéficiant d’avantages fiscaux) et à moduler les droits de succession portant sur les donations selon l’âge du donateur. Elle pourrait réduire les recettes publiques de 0,4 à 0,8 Md€ par an et favoriserait la transmission du patrimoine, au bénéfice avant tout des ménages les plus aisés qui possèdent le patrimoine le plus important (10 % des ménages en France possèdent 50 % de la richesse totale). François Fillon chiffre la mesure à 0,7 Md€ par an. Compte tenu de l’absence de détail de la mesure, c’est ce chiffre qui est repris ici en estimation médiane.
Selon le candidat l’esprit de cette réforme est de faire circuler le capital pour que les plus jeunes puissent en profiter. Avec l’allongement de la durée de la vie, les successions ont lieu en moyenne entre 50 et 60 ans, à une période où le patrimoine des ménages est déjà établi. L’idée est donc d’inciter à des successions plus précoces.