Institut Montaigne
Santé et Protection sociale

Réformer en profondeur le régime de retraite

Emmanuel Macron

En marche !

Commentaire synthétique

Mettre fin aux injustices du système de retraite avec une réforme en profondeur comme les pays scandinaves l’ont fait qui garantit à chacun qu’un euro cotisé donne les mêmes droits.

Emmanuel Macron propose une réforme d’ampleur du système de retraite français, par l’unification de tous les régimes. Le candidat a précisé, au cours de l’émission politique du 6 avril 2017, que la priorité de son quinquennat ne serait pas le décalage de l’âge de départ mais une réforme profonde” consistant à “refonder notre système de retraite” afin de “mettre tout le monde à la même règle”.

Les effets de cette réforme dépendront des conditions de l’harmonisation des régimes, qui n’ont pas été précisées par le candidat à ce jour. Par ailleurs, ce type de réforme aura probablement peu d’impact à court et moyen termes, compte tenu des délais de mise en œuvre et de montée en charge du régime unifié.

La référence au système suédois, souvent mentionné par le candidat, semble plaider pour l’instauration d’un système de “comptes notionnels”. Le principe général d’un tel système est le suivant : au cours de la vie active les cotisations abondent un capital virtuel. Ce capital virtuel est revalorisé chaque année selon un rendement garanti par les pouvoirs publics. Lors de la liquidation de la retraite, ce capital est converti en pension. Un tel système a également été instauré en Italie.

L’absence de précisions sur les conditions d’unification ne permet pas d’établir un chiffrage solide de la proposition. Notre analyse décrit ainsi les grands principes de cette réforme systémique, avec l’instauration d’un système de retraite sur le modèle suédois. Elle en discute les avantages et inconvénients ainsi que la question de la transition du système actuel vers un tel système.

Chiffrage

Qu’est-ce qu’un système de “comptes notionnels” ?

Un tel système repose sur trois paramètres principaux :

  • le taux de cotisation ;

  • le taux de rendement appliqué aux cotisations passées ;

  • les conditions de liquidation du capital retraite.

Le nombre de paramètres est limité, puisque dans la logique de ce système, le taux de cotisation intervient directement dans la détermination des pensions futures. Il relève donc d’un choix sociétal : le poids que la collectivité est prête à accorder au système de retraite dans l’économie. Une conversion du système actuel tel que prévalant dans le privé aboutirait à un taux de cotisation de l’ordre de 25 %.

Pour la liquidation, la conversion du capital virtuel constitué en rente est effectuée en fonction de l’âge de départ en retraite et de l’espérance de vie de la génération. Le système prend ainsi en compte très progressivement l’augmentation de l’espérance de vie au fur et à mesure que celle-ci peut être mesurée, ce qui limite le risque d’insoutenabilité financière à long terme. En revanche, il ne garantit pas l’équilibre du système à une date donnée ni un déséquilibre en cas de choc économique ou démographique non correctement anticipé ou ajusté dans le système.

Le taux de rendement assure la revalorisation du capital constitué. Il doit donc évoluer en phase avec les cotisations courantes versées. En Suède, le capital virtuel est revalorisé chaque année selon la croissance du revenu d’activité moyen des assurés des trois dernières années. Dans le système italien, le capital virtuel est revalorisé chaque année selon la croissance du PIB des cinq dernières années. Dans leur ouvrage, Bozio et Piketty préconisent de l’indexer sur la masse salariale.

Pour donner une lecture plus intuitive du système, est reproduit un exemple décrit par Bozio et Piketty dans leur ouvrage :

Exemple d’un salarié né en 1985, commençant à travailler à 25 ans (en 2010), partant à la retraite à
65 ans (en 2050) et travaillant pendant 40 ans pour un salaire brut mensuel de 2000 €.

“Le taux global de cotisations de retraite est fixé à 25 % (part salariale + part patronale). Les cotisations versées sur le compte du salarié sont donc de 500 € par mois, soit 6 000 € par an, soit au total 240 000 € au cours de ses quarante années de travail.

L’État garantit à ces cotisations un rendement réel de 2 % par an (en plus de l’inflation), sur la base du taux de croissance observé de la masse salariale de l’économie. 1€ de cotisation versée en 2010 vaut 2,21 € en 2050, 1 € de cotisation versée en 2020 vaut 1,81€ en 2050… Au total, la valeur du capital retraite ainsi accumulé par le salarié est de 377 000 € en 2050.

Supposons que l’espérance de vie de ce salarié en 2050 soit de vingt années, et qu’il cesse toute activité professionnelle à cette date. Il peut alors choisir de liquider son capital retraite en une pension fixe de 1 540 € par mois, soit un taux de remplacement de 77 % par rapport à son salaire brut de 2000 €.

 

Pour plus de lisibilité et d’équité du système

Le principal argument mis en avant par le candidat est la lisibilité et l’équité apportées par ce nouveau système.

En effet, le système de retraite français se caractérise par sa grande complexité. Y coexistent plus d’une trentaine de régimes, de base et complémentaires, avec pour chacun sa logique et ses règles spécifiques (régime de base par annuités, régimes complémentaires par points, etc).

Au-delà de la complexité intrinsèque de chaque régime, la situation devient particulièrement ardue pour les individus ayant cotisé dans plusieurs régimes. Or, il a été estimé que chaque retraité touche en moyenne des pensions provenant de 2,3 régimes différents (30 millions de pensions servies pour 13 millions de retraités) (source rapport du COR 2010).

Enfin, les problèmes d’équité sont multiples : catégorielles, continuité des carrières, trajectoires salariales, etc.

Cette opacité peut être un frein à la mobilité professionnelle (exemple de conditions minimales de durée de cotisation). L’incertitude générale du système actuel entraîne par ailleurs une épargne de précaution.

Les comptes notionnels permettent de revenir à un principe minimal d’équité horizontale “à cotisations égales, retraite égale”. Ils offrent la lisibilité et la flexibilité apportée par les comptes individuels, tout en conservant la garantie et le rendement d’un système par répartition : les cotisations présentes continuent à financer les retraites présentes. Ils garantissent également une “flexisécurité” et une totale portabilité des droits en cas de changement de statut. Ainsi, en Suède, un site internet a été mis en place sur lequel les salariés peuvent consulter leur compte de cotisations et calculer exactement leur niveau de pension à tout moment selon leur âge de départ en retraite. Enfin, ce système contribue à stabiliser les anticipations et encourage des stratégies plus adaptées d’épargne complémentaire à long terme.

Le système garantit une plus grande liberté. En théorie, un âge légal de départ en retraite n’est plus requis. Toutefois pour prévenir le risque d’une certaine myopie des agents, les systèmes existants ont conservé des planchers. En Suède, il est interdit de liquider son capital retraite avant 61 ans afin d’éviter des départs avec des retraites trop faibles. En Italie, la règle est la liquidation d’au moins 120 % du minimum vieillesse. En revanche, il offre une incitation plus forte à l’emploi avec là aussi des incitations plus transparentes à la poursuite de l’activité. Les seniors pourront désormais poursuivre une activité réduite, constituer de nouveaux droits, sans remettre en cause les droits constitués.

La logique du nouveau système

Un tel système relève d’une logique contributive pure avec proportionnalité entre les cotisations versées durant la vie active et les pensions reçues durant la retraite. Cette logique contributive ne remet pas nécessairement en cause tous les mécanismes de solidarité du système actuel. Des cotisations supplémentaires pourront être abondées pour constituer un minimum vieillesse, valider des périodes de chômage, de maladie, de maternité… Une telle réforme suppose de dissocier tous ces éléments non contributifs du système de retraite, contributif. Ces éléments et leur financement devraient être rattachés à leurs politiques respectives : politique familiale, de solidarité. Le nouveau système pourra avoir ainsi comme vertu de clarifier le financement de ces dispositions en dehors du système de retraite.

Une des principales différences avec la réforme proposée est que toutes les années de cotisations comptent, ce qui est un facteur d’équité par rapport aux effets de seuil du régime actuel. Le rendement appliqué aux cotisations étant cumulatif, il donne plus de valeur aux contributions effectuées en début de carrière, avantageant les salariés ayant commencé à travailler tôt.

Paradoxalement, un tel système serait plus favorable aux carrières modestes. En effet, dans le système actuel, le calcul du salaire de référence sur les dernières années de carrière aboutit à une subvention implicite des travailleurs aux carrières salariales modestes au profit des salariés connaissant une forte progression salariale en fin de carrière.

Comment s’opérera la transition du système actuel vers le système proposé ?

La transition du système actuel au nouveau système est sans doute une des questions les plus délicates. Elle peut être longue, complexe et lourde à gérer.  Selon l’équipe du candidat, elle s’effectuera sur une dizaine d’années.

Elle est encadrée par deux scénarios polaires :

  • elle est appliquée aux nouveaux entrants sur le marché du travail. La période de transition est extrêmement longue et voit coexister la complexe gestion de ces différents systèmes.

  • la transition immédiate consiste à fermer l’ancien régime et à recalculer l’ensemble des droits sous forme dans le nouveau système.

  • entre les deux, une transition progressive fait coexister pendant quelques années seulement l’ancien et le nouveau régime. Elle peut s’effectuer sous forme cumulative : les salariés sont affiliés aux deux régimes et la retraite est une somme pondérée des pensions des deux régimes suivant une pondération qui évolue au fil du temps (Suède). Les affiliations aux régimes peuvent être successives avec conversion (Italie).

En Suède, la transition a couru sur dix-sept générations. Les Suédois nés en 1954 – âgés de 44 ans au moment de la réforme (en 1998) – relèvent uniquement du nouveau système. En Italie (réforme de 1992), une période de transition de plus de quarante ans a été prévue.

À titre indicatif, le Conseil d’orientation des retraites (COR) avait simulé, pour une réforme implémentée en 2012,  une transition sur huit ans, à horizon 2020. Le nouveau système était mis en place de manière progressive et proportionnelle par palier annuel de 10 %. Ce choix permettait de rapprocher les niveaux moyens des flux de pensions des deux systèmes, en annuités et en points, à cet horizon.

En cas de conversion des droits de l’ancien vers le nouveau système, une des conditions techniques requises tient à la disponibilité des données pour effectuer les calculs requis par le changement.

Dans le nouveau système, les paramètres sont plus limités. Une hausse des cotisations peut réduire le déficit courant mais fixe les pensions à venir. De ce fait, il est important de bien séparer le passif du système précédent du financement du nouveau système. La transition oblige à honorer en effet des pensions calculées selon les anciennes règles et qui ne sont pas couvertes par le nouveau système. Ces déficits devront être isolés et faire l’objet d’un financement séparé. Un facteur favorable à l’instauration d’un tel système est de pouvoir disposer de réserves pour financer le passif de l’ancien système et se  prémunir contre les effets de chocs démographiques ou économiques.  Tel a été le cas de la Suède. À défaut, on est conduit à s’écarter de la technique pure des comptes notionnels pour ajuster les recettes et les dépenses, par exemple en instaurant une cotisation additionnelle non génératrice de droits, en réduisant les coefficients de conversion du capital virtuel en pension ou en faisant appel à un financement externe.

Dans le cas français, chaque régime pose la question des modalités de sa transition. En particulier, se pose la question des cotisations pour les agents de la fonction publique. En prenant en compte le financement complémentaire versé par l’Etat, Bozio et Piketty estiment que le taux implicite de cotisations de retraite dépasse 60 % du salaire brut dans le public, contre environ 25 % dans le privé.

Il est à noter que, dans le cas suédois, l’une des conditions du succès de la réforme tient également à sa longue maturation et préparation : les réformateurs suédois ont mis deux ans (1992-1994) entre le premier rapport et la législation, et cinq années supplémentaires avant la mise en place complète (1999).

Historique

La proposition a-t-elle déjà été appliquée en France ?

Les systèmes de retraite complémentaires des salariés du privé Arrco et Agirc (1947) reposent sur un régime individuel mais par points. Dans ces régimes complémentaires, l’assuré acquiert chaque année un nombre de points égal au rapport entre les cotisations versées et la valeur d’achat du point qui est un paramètre du régime.

On peut relever une tendance générale à la convergence des régimes de retraite. Ainsi, les deux régimes complémentaires fusionneront en 2019.

Pour quels effets ?

Les régimes par points sont plus faciles à moduler. La valeur d’acquisition et de service du point est fixée chaque année. Les simulations du Conseil d’orientation des retraites ont montré qu’un régime par points pouvait reproduire globalement les niveaux de cotisation et de prestations du régime en annuités.

Toutefois, cette neutralité globale masque de fortes disparités individuelles. La transition vers un régime en points emporte des effets individuels importants plutôt redistributifs. À titre d’exemple, dans la simulation réalisée par le COR, à terme, 37% des assurés auraient eu une pension plus faible par rapport au régime actuel à l’issue de la transition, ce pourcentage pouvant être supérieur en début de période, et à l’inverse, 53% des assurés auraient eu une pension plus élevée. En particulier, les assurés avec des progressions salariales plus dynamiques que la moyenne en fin de carrière seraient pénalisés.

L’effet d’une telle mesure dépend enfin du taux de revalorisation du capital constitué. Selon le choix de ce dernier par l’Etat, un système en comptes notionnels peut représenter des économies (si ce taux est bas) – ou des dépenses supplémentaires (s’il est élevé) – considérables.

La proposition a-t-elle déjà été proposée en France ?

La proposition – plus précisément l’instauration d’un régime de comptes notionnels par répartition – sur le modèle de la réforme suédoise a notamment été analysée par A. Bozio et T. Piketty en 2008. Le Conseil d’orientation des retraites a étudié cette possibilité dans un rapport en 2010. La réforme des retraites de 2010 a prévu une réflexion nationale sur une “réforme systématique”, qui inclurait une étude des “conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition”.

À l'étranger

La proposition a-t-elle été appliquée / avancée à l’étranger ?

Dans la plupart des pays de l’OCDE, le régime de base des assurés est un régime assuranciel public par répartition qui fonctionne, très majoritairement, en annuités. L’Allemagne (depuis 1992), la France (pour les régimes complémentaires), la Norvège et la Slovaquie – ont des régimes en points. L’Italie depuis 1995, la Suède depuis 1998 et la Pologne depuis 1999 ont notamment mis en place des régimes en comptes notionnels.

Pour quels effets ?

Plus que les effets, sont décrites les modalités de transition de régimes en annuités vers des régimes par points ou comptes notionnels. En particulier, les conditions de ces réformes systémiques dépendent des spécificités des systèmes initiaux.

Par exemple, L’Allemagne a transformé son régime de retraite en annuités en un régime en points en 1992. Cette transition a été instantanée et n’a pas nécessité de dispositif particulier de reconnaissance des droits acquis dans l’ancien système. En effet, dans l’ancien régime en annuités, le salaire de référence correspondait au salaire moyen de l’ensemble de la carrière.

En Suède, le nouveau système a été introduit progressivement au fil des générations (avec affiliation simultanée à l’ancien et au nouveau régime pour les générations de la transition) et il a coexisté pendant plusieurs années (au total sur dix-sept générations). La Suède bénéficiait de conditions favorables pour une transition “réduite” : elle disposait d’informations sur l’historique des rémunérations (permettant de valoriser les droits dans l’ancien système sur la base des cotisations passées) et de réserves financières relativement importantes, correspondant à cinq ans de prestations au moment de la réforme.

Il  convient également de noter que, dans le cas suédois, l’une des conditions du succès de la réforme tient à sa longue maturation : les réformateurs suédois ont mis deux ans (1992-1994) entre le premier rapport et la législation, et cinq années supplémentaires avant la mise en place complète (1999).

Dans le cas italien, l’ancien système de retraite partageait des points communs avec le système français, notamment son éclatement et sa complexité. La période de transition prévue a été particulièrement longue (plus de 40 ans). Les nouveaux assurés, entrés sur le marché du travail à partir de 1996, relèvent entièrement du nouveau système. Les assurés ayant validé plus de 18 annuités en 1995 relevaient en totalité de l’ancien système de calcul des droits à la retraite. Pour les autres, un système mixte est prévu. Les droits acquis jusqu’au 31 décembre 1995 ont été liquidés selon les règles de l’ancien système et les droits acquis après cette date sont liquidés selon la nouvelle législation. Les nouvelles pensions servies ne relèveront que du nouveau système, au plus tôt qu’en 2036.

 

Mise en œuvre

Quel processus pour que la proposition soit appliquée ?

Une telle réforme requiert la voie législative.

Qui est concerné par une telle mesure ?

Cette mesure systémique gagne en pertinence avec son degré d’universalité. Potentiellement, seraient concernés tous les actifs : salariés du privé, du public, non-salariés, etc.

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