Institut Montaigne
Fiscalité

Supprimer les cotisations maladie et chômage des salariés et les compenser par une hausse de la CSG

Emmanuel Macron

En marche !

Commentaire synthétique

La proposition d’Emmanuel Macron devrait avoir un coût neutre pour les finances publiques dès lors que la hausse des taux de la contribution sociale généralisée (CSG) permet de compenser le manque à gagner lié à la suppression des cotisations salariales sur la maladie et le chômage.

Cette proposition revient à transférer une partie du financement de la sécurité sociale des cotisations, c’est-à-dire des salariés, à l’impôt, c’est-à-dire aux contribuables. Suivant cette logique, le coût de la sécurité sociale ne doit pas être supporté par les seuls travailleurs mais par l’ensemble de la collectivité, à travers l’État et l’impôt. Pour que la mesure ait un coût neutre pour les finances publiques, une hausse de l’ensemble des taux de la CSG de l’ordre de 1,35 point, ou une hausse différenciée de 1 point pour les revenus d’activité et des jeux et de 2 points pour les revenus de remplacement et du capital, est nécessaire. Le manque à gagner de l’ordre de 18 Md€ engendré par la suppression de la part salariale des cotisations maladie et chômage pourrait alors être intégralement compensé par le produit supplémentaire de la CSG. L’État doit alors rétrocéder aux organismes de sécurité sociale un montant de cet ordre afin de compenser la perte de recettes liée à la suppression des cotisations.

Une telle mesure reviendrait à opérer un certain rééquilibrage, alors que la France se distingue aujourd’hui par un financement de la sécurité sociale fortement bâti sur les cotisations, bien davantage que sur l’impôt. L’objectif final est de réduire le coût du travail, au même titre que les allègements de charges, et de soutenir les salaires nets des français.

 

Chiffrage

Coût neutre

Chiffrage détaillé de la proposition

Par le candidat (le cas échéant)  –
Par l’Institut Montaigne Coût neutre sur toute la durée de la mandature 2017-2022 (5 ans) pour les finances publiques dès lors que la suppression des cotisations est compensée par la hausse de la CSG – Transfert des cotisations à l’impôt de 17,7 à 18 Md€.

La proposition consiste à supprimer les cotisations salariales pour le risque maladie et pour le risque chômage. Ces cotisations sont aujourd’hui perçues sur les salaires à des taux respectifs de 0,75 % et 2,40 %. Le manque à gagner pour la sécurité sociale serait compensé par une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) à due proportion.

En millions d’euros

Maladie*

Chômage

Taux des cotisations salariales

0,75 %

2,40 %

Taux des cotisations patronales

12,94 %

4 %

Cotisations 2015

86 940

34 457

Cotisations 2016 (estimation)

89 008

35 058

Rendement du point de cotisation (2015)

6 351

5 384

Rendement du point de cotisation (2016)

6 502

5 478

Coût de la suppression des cotisations

4 763 (base 2015) à 4 876 (base 2016)

12 921 (base 2015) à 13 147 (base 2016)

Note : * : rendement retenu pour l’ensemble des régimes (régime général + agricole + indépendant + spéciaux).

Source : Comptes de la sécurité sociale, 2016 ; Unédic, perspectives financières de l’Assurance chômage

Sur la base du rendement du point de cotisations maladie et chômage, on estime que le coût de la suppression des cotisations afférentes s’élèverait à :

  • 4, 76 Md€ à 4, 88 Md€ par an pour les cotisations salariales maladie ;

  • 12, 9 Md€ à 13,1 Md€ par an pour les cotisations salariales chômage.

Au total, la suppression de ces cotisations représenterait un coût annuel compris entre 17,7 et 18 Md€.

Ce coût devrait être compensé par une hausse des taux de la CSG. Les différents taux de CSG et les rendements associés sont présentés dans le tableau suivant.

En millions d’euros

2015

2016

Taux

Valeur du point 2015

Valeur du point 2016

CSG activité

66 341

68 203

7,50%

8 845

9 094

CSG remplacement

18 515

19 010

6,60%

2 805

2 880

CSG patrimoine

4 579

4 897

8,20%

558

597

CSG placement

5 091

5 367

8,20%

621

655

CSG jeux

355

365

7,50%

47

49

CSG total

94 257

97 327

Source : calculs Institut Montaigne sur la base des données des comptes de la sécurité sociale pour 2015

Deux scénarios sont envisageables afin de compenser, via une hausse de la CSG, la suppression de la part salariale des cotisations maladie et chômage.

En premier lieu, il est possible d’envisager une hausse égale des taux pour chacun des types de revenus assujettis à la CSG. Cette hausse doit être suffisante pour générer de l’ordre de 17 à 18 Md€ de recettes supplémentaires. Ainsi, une hausse de l’ensemble de taux de 1,35 point permettrait de générer 17,9 Md€ de recettes supplémentaires de CSG (sur la base des chiffres 2016).

Toutefois, et en second lieu, Emmanuel Macron a suggéré que les retraites (assujetties au taux des revenus de remplacement) et les revenus du capital (revenus du patrimoine et de placement) devaient contribuer plus particulièrement à la hausse. Dès lors, un scénario de hausse des taux possible consisterait à augmenter les taux des revenus de remplacement, de patrimoine et de placement de 2 points et les revenus d’activité et des jeux d’1 point. Ce scénario permettrait un rendement de l’ordre de 17,5 Md€ (sur la base des chiffres 2016).

 

Taux actuels

Scénario 1 Institut Montaigne

Scénario 2 Institut Montaigne

CSG activité

7,50%

8,85%

8,50%

CSG remplacement

6,60%

7,95%

8,60%

CSG patrimoine

8,20%

9,55%

10,20%

CSG placement

8,20%

9,55%

10,20%

CSG jeux

7,50%

8,85%

8,50%

Rendement

 

17,9 Md€

17,5 Md€

Ainsi, afin de compenser le coût de 17 Md€ à 18 Md€ de la suppression de la part salariale des cotisations maladie et chômage, une hausse de la CSG de l’ordre de 2 points pour les revenus de remplacement et les revenus du capital, et d’1 point pour les revenus d’activité et des jeux, serait nécessaire.

Le produit supplémentaire de la CSG ainsi obtenu devrait ensuite être rétrocédé aux organismes de sécurité sociale afin de compenser le manque à gagner lié à la suppression des cotisations.

Historique

La proposition a-t-elle déjà été appliquée en France ?

L’équilibre entre cotisations sociales et CSG a régulièrement évolué depuis la création de cette dernière en 1990. L’apport de celle-ci au financement de la sécurité sociale était initialement marginal. Toutefois, suite au relèvement progressif de ses taux, son rendement a fortement progressé, passant de 1% du PIB environ en 1996 à 4% du PIB en 1998, soit davantage que le rendement de l’impôt sur le revenu, qui s’élevait alors à environ 3,5% du PIB.

La mise en place de régimes d’exonérations ciblées de cotisations sociales a accentué la part relative du financement par l’État de la sécurité sociale en diminuant le rendement des cotisations. Ces allègements, dont la genèse remonte aux travaux du Commissariat général du Plan et notamment aux rapports Charpin (1992) et Brunhes (1993), dans un contexte de hausse du chômage en France, avaient vocation à diminuer le coût du travail, et notamment du travail peu qualifié, pour favoriser les embauches.

Pour quels effets ?

La diminution ou la suppression des cotisations sociales a eu un effet immédiat sur le coût du travail mais à un coût élevé pour les finances publiques.

L’addition des différents dispositifs d’allègement de cotisations sociales dans les années 1990 et 2000 (allègements “Balladur” puis “Juppé” en 1993 et 1995 ; allègements “Aubry” de 1998 à 2002 ; allègements “Fillon” de 2003 à 2005) s’est traduite par un accroissement du coût pour les finances publiques. Le coût global des allègements atteignait ainsi 22,2 milliards d’euros en 2009, selon la Direction générale du Trésor.

Ces mesures ont eu un impact très net sur le coût du travail au niveau du salaire minimum. Les études réalisées sur la question montrent que l’impact sur l’emploi est également significatif. En particulier, sur la base de ces études, la direction générale du Trésor estimait que la suppression de l’ensemble des dispositifs alors en vigueur pourrait conduire à la destruction de 600 000 à 1,1 million d’emplois en seulement quelques années.

Le coût par emploi créé par les dispositifs d’allègement de cotisations sociales est estimé entre 20 000 euros et 40 000 euros. Si l’on tient compte des moindres dépenses de minima sociaux et du surplus de cotisations générées par ces emplois ainsi créés, le coût net s’en trouve réduit. Il serait ainsi compris entre 8 000 euros et 28 000 euros. Le rapport coût-efficacité de tels dispositifs est jugé satisfaisant au regard du coût des autres dispositifs de soutien à l’emploi.

La proposition a-t-elle déjà été avancée en France ?

Les allègements de cotisations sociales sont régulièrement proposés dans le débat public, sous forme d’allègements généraux ou d’allègements ciblés pour des territoires ou des publics spécifiques. Le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui offre un crédit d’impôt proportionnel à la masse salariale, a été créé dans le but d’abaisser le coût du travail, et donc de compenser partiellement les cotisations sociales.

À l'étranger

La proposition a-t-elle été appliquée / avancée à l’étranger ?

Il convient de comparer la situation française à celle des pays ayant un niveau de dépenses sociales rapportées au PIB comparable. À cet égard, les dépenses sociales atteignent en France 33,6% du PIB, un niveau équivalent à celui observé au Danemark ou aux Pays-Bas. L’Allemagne, l’Italie, la Belgique, se situent légèrement au-dessus de la moyenne de l’Union européenne (29% du PIB), tandis que le Royaume-Uni se situe légèrement en deçà (27%).

Le Royaume-Uni ou l’Italie accordent une place importante à l’impôt dans le financement de la sécurité sociale (56% et 47% du financement total, respectivement). À l’inverse, la France, les Pays-Bas ou l’Allemagne financent aux deux tiers la sécurité sociale par les cotisations sociales.

En France, le poids des dépenses sociales, associé à une préférence pour les cotisations sur l’impôt pour les financer, a conduit à des niveaux relativement plus élevés qu’ailleurs de prélèvements sociaux sur les salaires.

Ainsi, pour un salaire brut de 100 000 euros, les cotisations patronales et salariales atteignent (en moyenne) respectivement 27,5% et 10,3% de ce montant en France, contre 13% et 8% au Royaume-Uni, 16,2% et 17,2% en Allemagne, 23% et 4,9% en Espagne et 24,3% et 7,2% en Italie.

Dès lors, le levier de l’abaissement des cotisations ne fait pas partie des instruments “traditionnels” de soutien à l’emploi dans les autres pays européens. Dans ces derniers, les politiques de soutien à l’emploi prennent davantage la forme d’aides financières à l’embauche de catégories particulières de chômeurs (chômeurs de longue durée notamment) ou de niveaux de salaires différenciés pour certains publics (SMIC jeune pour favoriser leur insertion).

Pour quels effets ?

Lorsqu’ils ont été mis en place à l’étranger, les dispositifs de diminution des cotisations sociales ont eu des effets similaires à ceux observés en France pour des dispositifs comparables. Ainsi, en Belgique, dans le contexte d’un chômage élevé depuis plus de 25 ans et pour stimuler l’emploi de travailleurs peu qualifiés, des dispositifs d’allègements de cotisations sociales ont été mis en place. L’architecture globale des dispositifs est semblable à celle observée en France. Un allègement forfaitaire des cotisations sociales patronales avait ainsi été créé pour les travailleurs manuels en 1981. Des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires sont introduits à partir de 1993, auxquels s’ajoutent depuis 2000 des réductions de cotisations pour les travailleurs à bas salaires. Ces mesures sont complétées par des avantages fiscaux et par des subventions en cas d’embauche de travailleurs appartenant à des publics particuliers.

Les études réalisées ex post afin d’évaluer l’impact de ces dispositifs sur l’emploi font ressortir que l’effet est le plus important pour le travail peu qualifié. Les allègements devraient donc être concentrés prioritairement sur les bas salaires afin d’en optimiser le coût. Sur les salaires plus élevés, les effets sur l’emploi seraient négligeables en raison de pressions salariales (les salariés exigent que la baisse de cotisations soit répercutée sur les salaires).

Mise en œuvre

Quel processus pour que la proposition soit appliquée ?

Les taux des cotisations patronales et salariales sont fixés par décret. Toutefois, les suppressions de cotisations proposées, dès lors qu’elles s’apparentent à des exonérations générales, doivent être prévues par la loi.

Ces suppressions de cotisations ont une conséquence directe pour le financement de la sécurité sociale, qui se trouve ainsi privée d’une ressource pour assurer ses prestations. Afin d’éviter de trop pénaliser le financement de la sécurité sociale, la loi du 25 juillet 1994 impose un principe de compensation du coût des exonérations. L’État doit ainsi compenser l’allègement de cotisation par une recette d’un montant équivalent.

La loi organique du 2 août 2005 organise les éventuelles dérogations à ce principe et impose que les dérogations soient explicitement prévues dans une loi de financement de la sécurité sociale. Le cas échéant, la sécurité sociale serait contrainte ou bien de limiter ses dépenses, ou bien de voir son déficit s’accroître. Dans le cas d’espèce, les montants apparaissent trop élevés pour ne pas risquer, en l’absence de compensation, de fortement déséquilibrer les caisses de sécurité sociale.

La hausse de la CSG aurait dès lors vocation à compenser le manque à gagner pour le financement de la sécurité sociale.

Qui est concerné par une telle mesure ?

La mesure concerne l’ensemble des salariés, relevant du régime général, mais également les travailleurs indépendants et les fonctionnaires, pour qui les modalités de cotisation à l’assurance maladie diffèrent quelque peu. Dès lors que la CSG a une assiette plus large que les cotisations sociales (les fonctionnaires, les retraités ou les indépendants ne paient pas les cotisations chômage, par exemple), la mesure revient à transférer une partie du financement de la sécurité sociale des salariés du régime général vers d’autres publics dont les revenus sont assujettis à la CSG. Par ailleurs, la CSG pèse également sur les revenus du patrimoine, ce qui n’est pas le cas des cotisations sociales. Cette mesure correspond donc également à un transfert de charge vers les populations ayant un patrimoine.

Impact macro économique

À court terme, la diminution des cotisations peut avoir un effet sur le pouvoir d’achat des salariés (qui voient leur salaire net augmenter), sous réserve que les salaires soient effectivement augmentés par les entreprises. Dans le cas contraire, les salariés sont confrontés à une hausse de la CSG, sans compensation liée à la baisse des charges, et voient donc leur pouvoir d’achat diminuer. La mesure peut également avoir un effet positif sur la masse salariale versée par les entreprises, qui peuvent ajuster les salaires bruts à la baisse dès lors que le salaire net est revalorisé par la suppression des cotisations. Dans le premier cas, la mesure peut constituer un choc positif sur la consommation ou l’épargne des ménages. Dans le second, elle peut soutenir la reconstitution des marges des entreprises.

En parallèle, la mesure peut avoir un impact négatif sur la consommation des ménages qui voient leur CSG augmenter sans compensation liée à la hausse du salaire (essentiellement les retraités).

À long terme, la mesure peut se traduire par une hausse de l’investissement ou une amélioration du chiffre d’affaires des entreprises grâce aux gains de compétitivité ainsi enregistrés. La baisse du coût du travail se traduit par une hausse de l’emploi, selon la quasi-totalité des études publiées sur ce sujet. Du point de vue de l’État, il peut donc exister une incidence positive à long terme en matière fiscale : si la rentabilité des entreprises s’accroît, le rendement de l’impôt sur les sociétés peut également s’accroître.

À l’inverse, la hausse de la fiscalité du capital peut se traduire par une diminution de l’épargne et de l’investissement.

 

à court terme

à long terme

Effets positifs de la mesure

amélioration des marges des entreprises ; renforcement de leur compétitivité

Développement des entreprises ; soutien à l’emploi via l’investissement ; retombées fiscales pour l’État

Effets négatifs de la mesure

Baisse de la consommation des retraités ; baisse du rendement du capital

Désincitation à l’épargne et à l’investissement

Une question sous-jacente soulevée par la mesure est celle du financement de la sécurité sociale par l’État ou par les employeurs et salariés.

Le niveau important des charges sociales en France résulte du choix de faire reposer le financement de la sécurité sociale sur les entreprises et les salariés, en acceptant un niveau de profitabilité moindre et un coût du travail plus important.

La suppression de cotisations sociales ainsi proposée reviendrait à remettre en cause la logique du financement de la sécurité sociale par les entreprises et les salariés pour l’étendre à l’ensemble de la collectivité (à travers l’État).

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