Par le candidat |
10 Md€ sur le quinquennat |
Par l’Institut Montaigne |
8 Md€ par an à terme |
Répartition du coût |
|
Coût supporté par l’Etat |
100% (sous forme de remboursement du manque à gagner pour les collectivités territoriales). |
La taxe d’habitation a rapporté 22 milliards d’euros aux collectivités territoriales en 2015, acquittés par 30 millions de foyers destinataires d’un avis d’imposition (cf. Cahiers statistiques de la Direction générale des finances publiques, 2015).
Sur ces 30 millions de foyers, une partie bénéficie déjà de mécanismes de plafonnement et d’exonération. Certaines catégories de personnes (personnes veuves, titulaires de l’allocation adulte handicapé, invalides, bénéficiaires du RSA, personnes âgées d’au moins 60 ans, bénéficiaires de l’allocation spéciale du Fonds de Solidarité vieillesse) font en effet l’objet d’une exonération de taxe d’habitation si leur revenu fiscal de référence est inférieur à 10 697 euros pour une personne seule, augmenté de 2 856 euros par part fiscale supplémentaire. En outre, un plafonnement de taxe d’habitation existe pour les ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 25 156 euros pour la première part de quotient familial, augmenté de 5 871 euros pour la première demi-part supplémentaire et de 4 626 euros pour les autres demi-parts.
L’équipe du candidat dénonce l’insuffisance des mécanismes actuels d’exonération et de plafonnement. Les conditions d’âge ou d’invalidité ne seraient ni justes ni cohérentes : environ 2 millions de foyers en bénéficient, quand 3 millions disposant de ressources inférieures aux seuils en sont exclus en raison de la condition d’âge. L’effet du plafonnement est quant à lui inégal sur le territoire. En effet, le montant de la cotisation prise en compte dépend dans chaque commune des valeurs locatives, mais également de la politique d’abattement et de taux mise en œuvre par la collectivité territoriale, qui dépend souvent davantage de ses ressources et de sa situation financière que de la qualité de ses services ou infrastructures ; afin de responsabiliser ces dernières et d’éviter à l’État d’assumer le coût des hausses de taux dans le mécanisme de plafonnement, le législateur a en outre gelé les taux de référence au niveau en vigueur en 2000. En d’autres termes, toutes les hausses de taux postérieures à cette date ne sont pas prises en compte pour le calcul du plafonnement à 3,44% du revenu et restent donc à la charge du contribuable.
La proposition du candidat consiste à exonérer de taxe d’habitation les 80% des ménages aux revenus les plus modestes. En pratique, les ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 20 000 euros par part seraient exonérés en totalité de taxe d’habitation.
La taille moyenne d’un ménage français est de 2,4 personnes. Sur cette base, on peut estimer la taille moyenne des foyers, en termes de parts fiscales, à 2,5 parts. Dès lors, avec un seuil fixé à 20 000 euros par part, le revenu fiscal maximum des ménages fiscaux concernés par la mesure s’élèverait à 50 000 euros par an.
Or, selon l’INSEE, le 8ème décile de la distribution des revenus fiscaux par ménage commence à 50 399 euros. Autrement dit, 80% des ménages fiscaux ont un revenu fiscal de référence inférieur à 50 399 euros. Le seuil de 20 000 euros par part permet donc de cibler effectivement 80% des redevables de la taxe d’habitation.
Ainsi, 24 millions de foyers seraient potentiellement concernés par la mesure (sur la base des 30 millions d’avis de taxe d’habitation envoyés en 2015).
La taxe d’habitation est un impôt faiblement progressif en fonction des revenus (cf. rapport du CPO de 2010 sur la fiscalité locale). On prendra pour hypothèse que le montant de taxe d’habitation acquittée est globalement proportionnel aux revenus. Or, sur la base de la distribution des revenus par ménages fiscaux établie par l’INSEE, on montre que les 80% de la population appartenant aux 8 premiers déciles concentrent 54% des revenus tandis que les deux déciles supérieurs concentrent 46% des revenus.
Dès lors, les 8 premiers déciles de la population contribuent à 54% du rendement annuel de la taxe d’habitation, qui s’établit à 22 milliards d’euros en 2015, soit une contribution de l’ordre de 12 milliards d’euros par an.
Toutefois, il convient de déduire de ce total les montants versés par l’État aux collectivités territoriales au titre des dispositifs d’exonération et d’allègement déjà existants. Ces remboursements aux collectivités territoriales se sont élevés en 2016 à 4 milliards d’euros (cf. “Jaune” Transferts aux collectivités territoriales, PLF 2017).
Le coût net d’une exonération totale de taxe d’habitation pour 80% de la population ou, autrement dit, l’ensemble des ménages fiscaux dont le revenu fiscal est inférieur à 20 000 euros par part, s’élèverait ainsi à 8 milliards d’euros par an.
Le manque à gagner de 8 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, qui sont aujourd’hui les bénéficiaires de la taxe d’habitation, serait intégralement compensé par l’État.
Le candidat prévoit une mise en œuvre progressive. Celle-ci commencerait en 2018 pour une pleine application à partir de 2020.
La difficulté du chiffrage tient à l’absence de données publiques sur le montant de la taxe d’habitation acquitté en fonction des revenus et de la composition du foyer. La prise en compte des parts fiscales, dans le dispositif actuel et dans la proposition du candidat, rend par construction imprécise tout chiffrage fondé sur l’échelle de distribution des foyers fiscaux en fonction du revenu.
La proposition n’a jamais été appliquée en France en tant que telle. Néanmoins, les mécanismes d’exonération fiscale des faibles revenus, et plus spécifiquement d’exonération partielle ou totale de la taxe d’habitation, s’apparentent à la proposition du candidat.
Dans le cas de la taxe d’habitation, un mécanisme d’exonération ou de plafonnement de l’impôt est déjà en place pour certaines catégories de contribuables et certains niveaux de revenus.
Les modalités d’application de la taxe foncière prévoient un régime d’exonération et d’allègement analogue à celui aujourd’hui en vigueur pour la taxe d’habitation. Certaines catégories de personnes et certains niveaux de revenus font ainsi l’objet d’une exonération totale ou d’un plafonnement de la taxe d’habitation.
En outre, un nombre très important de contribuables ne paye pas l’impôt sur le revenu. Ainsi, sur les 37,4 millions de foyers fiscaux en France, seuls 17,1 millions d’entre eux ont effectivement payé l’impôt sur le revenu, soit 46% des foyers fiscaux. Sur le solde, 13,9 millions ne sont pas imposés sur le revenu (car leurs revenus sont compris dans la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu) et 6,4 millions ont fait l’objet d’une restitution (c’est-à-dire que l’impôt dû était plus faible que les sommes versées par l’administration fiscale au titre de remboursements ou de crédits d’impôt).
Ces mécanismes créent de fait un “bouclier fiscal” pour les foyers les plus modestes, qui sont ainsi exclus de l’assiette de plusieurs dispositifs fiscaux. En revanche, deux autres impôts importants, la CSG et la TVA, qui sont proportionnels aux revenus d’une part et à la consommation d’autre part, ne font pas l’objet de tels mécanismes d’exclusion de l’assiette fiscale.
L’impact de ces dispositifs est d’alléger la pression fiscale sur les foyers les plus modestes. Ceux-ci disposent alors d’un revenu disponible plus important. En revanche, ces mesures ont tendance à concentrer l’impôt sur une part de plus en plus limitée de la population. Ainsi, seuls 46% des foyers fiscaux paient l’impôt sur le revenu. Cette proportion est la plus faible observée depuis 2009 lorsque, au moment de la crise financière, les recettes fiscales avaient fortement diminué. Il en résulte une concentration de l’impôt sur les ménages les plus aisés de sorte que le dernier décile de la distribution des revenus (les 10% les plus riches) acquitte 70% de l’impôt sur le revenu total.
Cette situation rend le système fiscal français significativement redistributif et contribue à contenir les inégalités de revenus même si elle soulève en parallèle un débat sur le caractère universel ou non de l’impôt.
La proposition nécessite une disposition législative pour être mise en œuvre, de même que le dispositif actuel d’exonération et d’allègement a été fixé par la loi.
En outre, dès lors que la proposition induirait un manque à gagner pour les collectivités territoriales de l’ordre de 8 milliards d’euros, elle devrait prévoir une compensation du même montant.
La mesure concernerait 80% des foyers fiscaux, soit environ 24 millions de foyers.
La mesure pourrait avoir un impact positif sur le pouvoir d’achat et la consommation des ménages modestes et des classes moyennes. En revanche, sauf à être compensée par une baisse de la dépense publique, elle se traduirait par une augmentation du déficit public.
La mesure aurait également une incidence en termes d’égalité devant l’impôt. La taxe d’habitation est en effet un impôt faiblement égalitaire et faiblement progressif, en raison notamment du caractère obsolète des valeurs locatives cadastrales utilisées dans le calcul dans la taxe d’habitation (certaines grandes villes, comme Paris, bénéficient de bases locatives faibles alors qu’elles concentrent des foyers aux revenus élevés). Sa suppression permettrait de supprimer dans le même temps le biais lié à la forte hétérogénéité des valeurs locatives cadastrales. En revanche, la mesure contribuerait à concentrer l’impôt sur une très faible proportion des foyers (le dernier décile concentre déjà 70% de l’impôt sur le revenu et, avec la mesure proposée, concentrerait plus de 50% de la taxe d’habitation) et à déconnecter une partie de la population française de la dépense locale.
Enfin, l’exonération de taxe d’habitation pour un nombre important de ménages conduirait à supprimer le lien existant entre eux et le financement de la dépense locale. En effet, outre les ménages propriétaires, qui acquittent la taxe foncière, les ménages exonérés de taxe d’habitation n’acquitteraient plus d’impôt reversé aux collectivités territoriales pour le financement de leurs dépenses et des services publics locaux.
à court terme |
à long terme |
|
Effets positifs de la mesure |
Hausse du pouvoir d’achat des ménages modestes et des classes moyennes à hauteur de 8 milliards d’euros par an. |
Soutien à la consommation et à l’activité. |
Effets négatifs de la mesure |
Baisse des recettes fiscales, conduisant à une hausse du déficit budgétaire ou à une baisse des dépenses publiques à un niveau équivalent. |
Augmentation de l’endettement. |
Commentaire synthétique
La proposition d’Emmanuel Macron aurait un coût de l’ordre de 8 milliards d’euros par an une fois le dispositif monté en charge. La taxe d’habitation étant affectée aux collectivités territoriales, celles-ci verraient donc leurs recettes diminuer du même montant, obligeant l’État à compenser ce manque à gagner par une hausse de la dotation générale de fonctionnement qu’il leur accorde annuellement.
La mesure permettrait de mettre fin aux inégalités inhérentes au calcul de la taxe d’habitation, fondé sur des valeurs locatives cadastrales globalement obsolètes. En revanche, elle contribuerait à concentrer l’impôt sur une très faible proportion des foyers et à déconnecter une partie de la population française de la dépense locale.