Le coût de 2,9 Md€ est obtenu en additionnant les deux mesures en dépense (ouverture du droit au chômage en cas de démission et pour les indépendants), auxquelles sont soustraites les trois mesures d’économie (relèvement de l’âge de la filière senior, limitation de l’activité réduite et renforcement du contrôle de la recherche d’emploi).
Par le candidat |
1,44 Md€ |
Par l’Institut Montaigne |
2,7 Md€ |
Estimation médiane |
2,7 Md€ |
Estimation basse |
1 Md€ |
Répartition du coût |
|
Coût supporté par la Sécurité sociale |
100 % (Unedic) |
Les principales caractéristiques des démissions par rapport aux autres motifs de rupture du CDI :
Actuellement, seules les personnes involontairement privées d’emploi – ou suite à une rupture conventionnelle – peuvent bénéficier de l’indemnisation chômage. Certains cas de démission sont toutefois considérés comme légitimes et permettent d’être pris en charge par l’assurance chômage (rupture pour suivi du conjoint, éducation d’un enfant handicapé…).
Les démissions sont un motif important de sortie de CDI. De 2010 à 2013, le taux de démission par trimestre des CDI se situe à une moyenne de 1,4 %[1]. En 2012, elles ont représenté 57 % des fins de CDI, hors rupture de la période d’essai et départ à la retraite, contre 16 % pour les ruptures conventionnelles et 27 % pour les licenciements, dont 6 % pour les licenciements économiques[2]. Le flux annuel de démissions peut être estimé entre 900 000 et 1 100 000[3].
Discussion du coût et des effets à attendre de la mesure :
Les individus démissionnaires, inscrits à Pôle emploi mais, jusqu’à présent, non indemnisés sont le premier public bénéficiaire de la mesure. Ce premier coût correspond à l’effet d’aubaine pur de la mesure.
Il pourrait être accru par un effet d’inscription des individus au chômage suite à une démission, mais non-inscrits à Pôle emploi.
Au-delà de ces effets d’aubaine, du fait de leurs caractéristiques (proportion importante de jeunes salariés, importance durant la première année du contrat, fluctuations en fonction de la conjoncture), les démissions peuvent présenter un comportement très volatile. L’ouverture à l’indemnisation chômage des ruptures volontaires de contrat de travail est potentiellement exposée à d’importants effets de comportement.
On peut attendre de la mesure qu’elle fluidifie le marché du travail. Elle contribuerait à un meilleur appariement, bénéfique en termes de productivité. La qualité des emplois retrouvés serait accrue en contrepartie d’une hausse du chômage indemnisé. Des salariés insatisfaits de leur emploi, réticents à démissionner et ne pouvant s’accorder avec leur employeur pour établir une rupture conventionnelle pourraient, plus spontanément, franchir le pas. Concrètement, la mesure pourrait accroître les inscriptions à Pôle emploi, les durées des périodes de chômage suite à une démission ainsi que les flux de démission. Les salariés susceptibles de démissionner pourraient ne pas attendre d’avoir sécurisé leur transition professionnelle et d’avoir trouvé un autre emploi avant de démissionner. Toutefois, les mesures envisagées par Emmanuel Macron afin de renforcer le contrôle de la recherche pourraient dissuader, en partie, ces comportements.
En plus des effets d’aubaine, les effets de comportement suivants seront chiffrés :
une hausse des inscriptions à Pôle emploi d’individus démissionnaires sans la mesure jusqu’à présent non répertoriés dans les statistiques de Pôle emploi ou du chômage BIT ;
une hausse des flux de démission avec la mesure ;
une hausse des durées d’indemnisation : les hausses d’inscriptions et de flux de démission seront valorisées avec des durées d’indemnisation plus ou moins longues, afin de traduire un effet d’allongement des périodes de recherche d’emploi permises par l’indemnisation chômage.
[1] Cf annexe sur les flux de démissions. On raisonne sur une période postérieure à l’introduction de la rupture conventionnelle (entrée en vigueur en août 2008) du fait des effets de substitution entre ce motif de rupture et les démissions. Source DARES, mouvements de main d’œuvre, DMMO. DARES indicateurs n°88, novembre 2014 “Hausse soutenue du taux d’entrée en CDD dans les mouvements de main d’œuvre au 2ème trimestre 2014”
[2] DARES analyses n°31, mai 2013 : “Les ruptures conventionnelles de 2008 à 2012”.
[3] Cf annexe sur les flux de démissions : 320 000 (ruptures conventionnelles homologuées en 2012) / 16 % (part des ruptures conventionnelles)* 57 % (part des démissions) = 1 140 000 ; 1,36 % (taux de démission trimestriel moyen entre 2010 et 2014) * 4 * 17,6 M de salariés (secteurs concurrentiels hors intérim) * = 959 000.
Pour les démissionnaires, on retient une indemnisation moyenne de 1 000€ par mois[1]. On suppose que les durées indemnisées varient selon l’âge du bénéficiaire, en lien avec les durées d’affiliation prévues par l’assurance chômage, également en fonction de l’ancienneté. Ceci tend à les aligner sur les durées indemnisées pour les autres motifs de rupture du CDI.
âge |
Durée d’affiliation (en mois) |
Taux de consommation des droits[2] |
Durée indemnisée (en mois) |
Durée indemnisée avec effet des contrôles (en mois) |
Part de démissionnaires |
Moins de 25 ans |
4 |
100% |
4 |
4 |
22,1 |
25 à moins de 35 ans |
12 |
65% |
7,8 |
7,2 |
38,9 |
35 ans à moins de 50 ans |
24 |
56% |
13,4 |
12,4 |
29,2 |
50 ans et plus |
36 |
70% |
25,2 |
23,3 |
9,8 |
Selon ces hypothèses, la durée indemnisée suite à une démission serait en moyenne de 10,3 mois.
Dans la réforme envisagée pour l’assurance chômage, ces mesures de protection seront assorties de contrôles accrus de l’intensité de la recherche d’emploi avec la multiplication par 5 du nombre de contrôleurs. Si l’on fait interagir ces dispositions avec le chiffrage de la mesure, en supposant que les durées d’indemnisation supérieures à 6 mois seraient en moyenne réduites de 7,5 %[3], la durée moyenne d’indemnisation d’un salarié démissionnaire serait réduite de 10,3 à 9,6 mois.
Pour être indemnisé, il faudra justifier d’une durée d’indemnisation d’au moins 4 mois. Une modélisation des probabilités de rupture par démission aboutit au résultat que la probabilité de rupture d’un CDI dans les 4 mois est de près de 8 %. Rapportée à la probabilité de rupture par démission sur la durée de vie d’un contrat, on obtient que la part des démissions de moins de 4 mois est de 15,4 %, soit 84,6 % de démissions à plus de 4 mois éligibles à l’indemnisation.
Si on raisonne par analogie avec les ruptures conventionnelles, en moyenne, de 2010 à 2015, les inscriptions à Pôle emploi suite à une rupture conventionnelle représentent 82 % des ruptures conventionnelles homologuées par l’administration (hors salarié protégé)[4]. L’ordre de grandeur est proche.
Selon la proposition d’Emmanuel Macron, l’éligibilité des démissions à l’indemnisation chômage est assortie d’une condition de recours au maximum une fois tous les cinq ans. Par modélisation des probabilités de démission (cf annexe), on peut estimer que 24 % des démissions seraient inéligibles.
On combine ces deux dispositions en excluant les démissions à moins de 4 mois, on obtient que 16 % des démissions avec plus de quatre mois succèderaient à une précédente démission éligible dans les 5 ans et ne seraient pas éligibles à la mesure.
Globalement, 71,2 % (84,6 % * 84 %) des démissions seraient éligibles (cf annexe condition d’éligibilité à la mesure).
Scénario 1 (bas) – chiffrage du seul effet d’aubaine : demandeurs d’emploi inscrits à Pole emploi suite à une démission et non indemnisés
En moyenne sur 2010 – 2014, 180 500 individus par an se sont inscrits à Pôle emploi suite à une démission (contre par exemple 164 000 suite à des licenciements économiques)[5]. Les inscrits suite à un départ volontaire représentent 2 % des allocataires (contre 14 % pour les ruptures conventionnelles). On peut estimer leur effectif en moyenne à 49 000 individus indemnisés et le flux d’entrants indemnisés à 57 000. 123 000 individus s’inscriraient chaque année suite à une démission, mais ne bénéficieraient pas de l’indemnisation chômage[6].
Si l’on suppose que ces démissionnaires inscrits à Pôle emploi ont, en moyenne, les mêmes caractéristiques d’ancienneté que l’ensemble des démissionnaires, 71,2% soit 88 000 seront éligibles à la mesure, le coût de cet effet d’aubaine pour l’assurance chômage peut être estimé à 0,8 Md €. Si ces individus ont une ancienneté supérieure qui les qualifie pour la mesure, le coût serait de 1,2 Md €[7].
Scénario 2 : Effet d’aubaine limité avec l’inscription de démissionnaires et des courtes durées indemnisées
Selon l’enquête emploi, on compte 35 000 chômeurs BIT suite à une démission et non-inscrits à Pole emploi[8]. Ces individus pourraient s’inscrire pour bénéficier de la mesure. Le coût de leur indemnisation relève encore d’un effet d’aubaine avec pour seul changement de comportement l’inscription à Pole emploi. Le coût de ce stock de demandeurs d’emploi peut être estimé à 200 M €[9].
Ce chiffre est un minorant du fait de la méconnaissance de la situation antérieure en emploi des individus interrogés dans l’enquête emploi.
Pour une estimation alternative, en moyenne sur 2003 – 2009, 3 % des individus encore en emploi à 6 mois ont connu une mobilité inter-entreprises, parmi eux 53 % suite à une démission[10]. Ces mobilités inter-entreprises suite à démission peuvent être estimées à 283 000[11]. Comme l’expliquent les auteurs, cette mesure n’exclut pas une courte période intercalaire de chômage durant les six mois de la transition. Son coût éventuel avec la mesure n’est pas pris en compte.
Sur une base d’un million de démissions, il subsiste un peu plus de 495 000 démissions sans mobilité inter-entreprises dans les six mois. Ces individus seraient susceptibles de s’inscrire à Pole emploi. 352 000 individus démissionnaires seraient éligibles à la mesure[12].
Pour un premier chiffrage, on suppose que les individus concernés intercalent une période limitée de chômage indemnisé entre la démission et une reprise d’activité. Cette période pourrait correspondre à la durée minimale d’affiliation à l’assurance chômage, soit quatre mois. Cet effet d’inscription pour une durée courte d’indemnisation coûterait 1,4 Md €[13]. Au total, avec la mesure, 52 % des démissionnaires deviendraient éligibles à l’indemnisation. Le nombre annuel de demandeurs d’emploi indemnisés augmenterait en moyenne de 117 000.
Scénario 3 : inscription de démissionnaires et allongement des périodes d’inactivité avec des durées d’indemnisation accrues avec l’âge
Dans un scénario plus maximaliste, les démissionnaires sans mobilité dans les 6 mois s’inscrivent à Pôle emploi pour des durées supérieures. Les individus éligibles sont indemnisés pour une durée moyenne de 9,6 mois. Le coût est estimé à 3,4 Md€[14] (soit un surcoût de 2 Md€ avec cet allongement des durées d’indemnisation).
Scénario 4 – accroissement des flux de démissions et durées courtes d’indemnisation
Le bénéfice de l’assurance chômage pourrait contribuer à intensifier les démissions parmi les jeunes salariés, notamment autour de 25 – 35 ans, et à diffuser cette pratique aux classes d’âge supérieures par analogie avec la rupture conventionnelle, notamment pour les salariés seniors (cf annexe compléments sur les démissions induites par la mesure).
Dans un scénario médian, on exploite le potentiel de hausse conjoncturelle des démissions estimée à 20% (cf annexe) comme un ordre de grandeur de l’effet d’une incitation financière sur ce comportement. On suppose que l’incitation ne jouerait que sur les démissions éligibles. Il s’en suivrait 127 000 démissions supplémentaires dont 57 000 mobilités inter-entreprises et 70 000 inscriptions à Pôle emploi.
Il est supposé que ces démissionnaires supplémentaires ne font valoir en moyenne qu’une durée d’indemnisation de 4 mois. Cette durée correspond au plancher de l’affiliation à l’assurance chômage. Elle peut correspondre à différents scénarios d’appariement. En moyenne, entre le départ du démissionnaire et son remplacement, il s’écoulerait 4 mois pendant lesquels le démissionnaire serait indemnisé. Il peut aussi s’agir d’une suppression du poste après la démission dans un cas sur quatre et d’un remplacement rapide, après un mois, du démissionnaire par recrutement d’un demandeur d’emploi indemnisé dans trois cas sur quatre. Le surcoût serait de 0,3 Md€.
Dans un scénario plus maximaliste, une hypothèse supérieure est retenue du fait de l’incitation financière obtenue avec l’indemnisation chômage. Selon une enquête de la DARES menée auprès de salariés ayant signé une rupture conventionnelle en 2012[15], lorsque les salariés déclarent être plutôt à l’initiative de la rupture, 51 % pensent qu’ils auraient démissionné, 17 % qu’ils auraient été licenciés et 21 % pensent qu’à l’inverse, ils seraient restés en poste. Ces proportions sont utilisées afin d’estimer l’accroissement des flux de démissions induits par l’éligibilité. Le nombre de démissions serait susceptible de s’accroître de près de 42 %[16]. Le flux de démissionnaires pourrait s’accroître de 264 000. Ces démissions se traduiraient par davantage de mobilités inter-entreprises (118 000) et davantage d’inscriptions (146 000). Pour des durées courtes d’indemnisation, le surcoût serait de 0,6 Md€[17].
Scénario 5 – accroissement des flux de démissions et des durées d’indemnisation
Ces nouveaux démissionnaires pourraient faire valoir des durées d’indemnisation supérieures (cf annexe). En calquant les profils sur ceux des salariés ayant signé une rupture conventionnelle, la durée d’indemnisation passerait à 12,5 mois. L’équipe d’Emmanuel Macron suppose qu’en moyenne pour chaque démission, dans un cas sur deux le démissionnaire serait remplacé au bout d’un mois par l’embauche d’un demandeur d’emploi indemnisé. La durée moyenne indemnisée des nouveaux démissionnaires serait alors de près de sept mois[18] et le coût de 1 Md€ par an.
Synthèse
Flux |
Part dans les démissions |
Coût, en Md€ |
|||
Flux de démissions |
958 606 |
100% |
|||
Flux de démissions non légitimes |
901 519 |
94% |
|||
Flux de démissionnaires inscrits à PE suite à démission |
180 520 |
19% |
|||
Flux d’inscrits indemnisés |
57 087 |
6% |
|||
Flux de démissionnaires inscrits à Pôle Emploi non indemnisés |
123 433 |
13% |
1,2 |
||
Proportion d’indemnisables à 4 mois et éligibles |
71,2% |
||||
Non indemnisables à 4 mois ou non éligibles |
35 562 |
4% |
|||
Démissionnaires inscrits à Pôle Emploi bénéficiaires de la mesure |
87 871 |
9% |
0,8 |
||
Démissions avec mobilité inter-entreprises |
283 020 |
30% |
|||
Démissionnaires non-inscrits à Pôle Emploi sans mobilité inter-entreprises dans les 6 mois |
495 066 |
52% |
|||
Proportion d’indemnisables à 4 mois et éligibles |
71,2% |
||||
Non indemnisables à 4 mois ou non éligibles |
142 633 |
15% |
|||
Nouveaux inscrits et bénéficiaires de la mesure |
352 433 |
37% |
1,4 / 3,4 |
||
Flux de démissionnaires indemnisés |
497 391 |
52% |
|||
Flux de démissions supplémentaires (20 %) |
127 091 |
100% |
|||
Démissions avec mobilité inter-entreprises |
56 604 |
45% |
|||
Nouveaux inscrits et bénéficiaires de la mesure |
70 487 |
55% |
0,3 |
||
Flux de démissions supplémentaires (42 %) |
264 349 |
100% |
|||
Démissions avec mobilité inter entreprises |
117 736 |
45% |
|||
Nouveaux inscrits et bénéficiaires de la mesure |
146 612 |
55% |
0,6 / 1 |
Le scénario bas correspond à l’effet d’aubaine de l’ordre de 1 Md€, entre 0,8 et 1,2 Md €.
Dans un scénario médian, on ajoute à l’effet d’aubaine (1 Md€), des inscriptions supplémentaires (1,4 Md€) et une hausse des flux à durée d’indemnisation limitée (0,3 Md€). Le coût pour l’assurance chômage serait de 2,7 Md€.
Dans un scénario maximaliste, si l’ensemble des risques se matérialisaient concomitamment et que l’effet du contrôle du retour à l’emploi ne jouait pas : l’effet d’aubaine (1 Md€), inscriptions supplémentaires (3,4 Md€), démissions supplémentaires (1 Md€). Le coût pour l’assurance chômage serait de 5,4 Md€.
La mesure concerne des publics parfois très mobiles en majorité pour de courtes durées d’affiliation à l’assurance chômage. Le degré d’optimisation, les flux et durées concernées nécessitent des hypothèses.
Des durées d’affiliation plus conséquentes pourraient être également reconnues. En particulier, des salariés seniors pourraient faire précéder la retraite d’une période de chômage indemnisé comme cela est le cas avec la rupture conventionnelle. Il est prévu un contrôle accru lors de l’implémentation de la mesure. De même, des durées moins importantes pourraient être observées si le contrôle accru de la recherche d’emploi jouait un effet dissuasif fort.
[1] Fin septembre 2014, l’allocation brute moyenne était de 1 029 € / mois. Source DARES analyses n°70, décembre 2016 “Les demandeurs d’emploi indemnisables par l’assurance chômage en 2014”.
[2] Dossier de référence, “L’assurance chômage”, janvier 2014, Unedic. Le taux de consommation des droits des allocataires dont la durée maximale d’indemnisation est comprise entre 20 et 24 mois consomment en moyenne 56 % de leurs droits. La proportion est d’environ 65 % pour les durées de 8 à 12 mois et 70 % de 32 à 36 mois.
[3] Ceci peut être cohérent avec un taux de sanction constaté de 25 %, tel que mis en œuvre aux Pays-Bas, d’un individu démissionnaire. Les sanctions auraient pour effet de multiplier par deux le taux de retour à l’emploi (Van den Berg et Van der Klauw (Journal of Labor Economics, 2004) ce qui diviserait par deux la durée de chômage résiduelle. Pour un contrôle activé à partir de 4 mois, la durée passerait de 10 à 7 mois. 25% * 3 / 10=7,5 %.
[4] Entre 2010 et 2015, on est à une moyenne de 316 000 ruptures conventionnelles homologuées pour 260 000 inscriptions à Pole emploi suite à rupture conventionnelle par an. Source : DARES, Pole emploi
[5] Cf annexe, flux de démissions, source : statistiques des entrées à Pole emploi, Pôle emploi – DARES, STMT.
[6] 2,0 % * 2,45 millions d’allocataires = 49 200.
Pour une durée d’inscription des démissionnaires estimée à 10,3 mois, 49 000 / 10,3 * 12 = 57 000 flux d’inscrits indemnisés suite à une démission.
[7] 71,2 % (taux d’éligibles)* 123 000 (effectif d’inscrits non indemnisés)* 1 000 (indemnisation moyenne)* 9,6 (durée d’indemnisation) = 0,8 Md € ; en cas de biais, d’éligibilité de tous les inscrits : 123 000 * 1000 * 9,6 =1,2 Md €.
[8] Cet effectif est un minorant. La situation dans l’emploi antérieur n’est pas renseigné pour 172 000 chômeurs BIT non inscrits à Pôle emploi.
[9] 35 000 * 1 000 (indemnisation) * 12 (mois) * 51 % (taux de couverture par l’indemnisation) = 200 M€.
[10] « Les mobilités inter entreprises choisies et contraintes », O.Filatriau, C.Nouël de Buzonnière, Insee références emploi – salaires, édition 2011.
[11] 17,8 Millions de salariés * 3 % * 53 % = 283 020.
[12] 495 000 démissionnaires sans mobilité inter entreprise dans les six mois * 71,2 % (critère d’éligibilité à la mesure : 4 mois et un recours tous les 5 ans).
[13] 352 000 * 1000 * 4 = 1,4 Md € et 352 000 * 4 / 12 = 117 500
[14] 343 000 * 1000 * 10,3 = 3,5 Mds €.
[15] DARES Analyses n°64, octobre 2013 : “Les salariés ayant signé une rupture conventionnelle”.
[16] 21 % / 51% = 42 %.
[17] 146 000 * 4 (mois)* 1 000 (indemnisation) = 0,6 Md €.
[18] 1 /2 + 12,5 / 2 = 6,7 mois et 146 000 * 6,7 * 1 000 = 1,0 Mds €
Par le candidat | – |
Par l’Institut Montaigne | 2,1 Md€ par an |
Estimation haute | 3,3 Md€ par an |
Estimation médiane | 2,1 Md€ par an |
Estimation basse | 0,9 Md€ par an |
Le travailleur indépendant n’est pas lié par un contrat de travail avec l’entreprise ou la personne pour laquelle il exécute sa mission. Fin 2014, en France, hors secteur agricole, on comptait 2,7 millions de non-salariés[1]. Parmi ceux-ci, on compte 1,9 million de non-salariés avec un revenu mensuel moyen de 3 260€ et 739 000 auto-entrepreneurs actifs, qui dégagent un revenu mensuel moyen de 410 €.
2014 |
Effectifs au 31 décembre (en milliers) |
Revenu mensuel moyen |
Proportion de revenus nuls |
Non-salariés hors auto-entrepreneurs |
1 942 |
3 260 |
9,6 |
Industrie (hors artisanat commercial) |
71 |
2 670 |
9,6 |
Construction |
252 |
2 420 |
6,1 |
Commerce et artisanat commercial |
360 |
2 490 |
10,8 |
Transports |
56 |
1 890 |
7,5 |
Services aux entreprises et services mixtes |
354 |
4 340 |
12,2 |
Services aux particuliers (hors santé) |
325 |
1 530 |
11,7 |
Santé humaine et action sociale |
388 |
5 510 |
2,3 |
Dont : médecins et dentistes |
165 |
8 310 |
1,7 |
Dont professions paramédicales |
197 |
3 570 |
1,8 |
Secteurs non renseignés |
136 |
2 631 |
22,8 |
Auto-entrepreneurs |
739 |
410 |
2,1 |
Ensemble y compris auto-entrepreneurs économiquement actifs |
2 680 |
2 510 |
7,6 |
Parmi les éléments notables concernant ces populations, pour 89 % des non-salariés, il s’agit de leur activité principale. Les autres cumulent avec une activité salariée prépondérante en termes de revenus. Cette proportion est de deux tiers pour les auto-entrepreneurs actifs et de 97 % pour les non -salariés hors auto entrepreneurs.
Afin d’approcher le coût de la mesure, on suppose que l’éligibilité est conditionnée à l’absence de revenus non salariaux et salariaux. Les individus pour lesquels l’activité non salariée est secondaire sont écartés de l’effectif bénéficiaire de la mesure.
Afin d’estimer l’effectif potentiellement bénéficiaire, on peut raisonner sur les défaillances d’entreprises. Chaque année, environ 60 000 entreprises font défaut en France[2] sur un total de 4,4 millions d’entreprises dans les secteurs marchands non agricoles ; soit un taux de défaillance de 1,4%. Par rapport à la mesure, ce chiffre est plutôt un minorant notamment parce qu’il ne tient pas compte des cessations suite auxquelles des individus pourraient bénéficier de la mesure.
Pour les hypothèses d’indemnisation, la mesure accorderait un taux de remplacement de 55% et une durée d’indemnisation maximale de douze mois. On retient une durée d’indemnisation effective de dix mois[3]. Avec ces hypothèses, pour les non–salariés hors auto-entrepreneurs actifs, le coût de la mesure serait de l’ordre de 460 M€[4].
Le chiffrage est soumis à de nombreuses hypothèses, car on applique un taux général à une population spécifique et de surcroît hétérogène, comme en témoignent les proportions très diverses de revenu nul (cf tableau infra). Cette proportion est de 11,7 % dans le commerce et l’artisanat commercial, mais de 1,7% parmi les médecins et dentistes. On peut utiliser cette proportion comme une indication des difficultés financières des non-salariés et supposer qu’elle est très corrélée à la proportion de bénéficiaires de la mesure. Il s’agit d’une hypothèse majorante : les non-salariés peuvent, par exemple, en début d’activité ne pas générer de revenu sans pour autant recourir à la mesure. L’utilisation de cette information permet de rendre compte de la diversité des publics et des situations. Ainsi, les revenus les plus élevés sont observés dans le secteur de la santé où la proportion de revenus nuls est l’une des plus faibles. En revanche, le potentiel de recours à la mesure paraît notamment élevé parmi les non-salariés dans les services avec des revenus plus faibles. Avec ces hypothèses, le coût de la mesure serait de 2,9 Md€[5].
Pour les auto-entrepreneurs actifs, on ne peut appliquer cette même hypothèse puisque les proportions de revenus nuls sont par construction biaisées. On postule pour cette catégorie un recours plus élevé et on retient un taux de recours identique à celui des non-salariés hors autoentrepreneurs, soit 9,6%. Le coût de la mesure serait de 110 M€[6].
Les non–salariés agricoles sont dans le champ de la mesure. La mutualité sociale agricole dénombre 1,2 million de cotisants dont 41,9 % de non-salariés, soit 500 000 actifs non-salariés agricoles. Leurs cotisations s’élèvent à 2,9 Md€. On peut estimer leur revenu mensuel moyen à 1 360€[7]. Selon les mêmes hypothèses (10 mois d’indemnisation, taux de remplacement de 55 % et proportion de bénéficiaires de 9,6%[8]), le coût de la mesure serait de 360 M€[9].
Au total, on obtient les résultats suivants :
en Md€ |
Min |
/Max |
||
Non salariés hors agriculture auto entrepreneurs |
0,46 |
2,87 |
||
Auto entrepreneurs |
0,11 |
0,11 |
||
Non salariés agricoles |
0,36 |
0,36 |
||
Total |
0,93 |
3,34 |
Du fait de son caractère inédit et des populations concernées, très diverses, le chiffrage est soumis à de nombreuses hypothèses.
[1] “Revenus d’activité des non salariés en 2014”, INSEE Première n°1627, décembre 2016.
[2] Source INSEE – Banque de France, Les statistiques des défaillances d’entreprises sont issues du bulletin officiel d’annonces civiles et commerciales (Bodacc) qui publie tous les mois les jugements prononçant l’ouverture de redressement judiciaire.
[3] On suppose que les indépendants ont une La durée d’affiliation suffisante, de plus de douze mois mais que leur taux de consommation des droits est d’un peu plus de 80%.
[4] 1 942 (effectif non salarié hors auto entrepreneurs actifs, en milliers) * 3 260 (revenu mensuel moyen de cette population) * 10 (nombre de mois indemnisé)* 55 % (taux de remplacement) * 97% (activité non salariée principale) * 1,4% (taux de défaillance) / 1000 = 0,46 M€.
[5] En pondérant les effectifs et revenus mensuels par les proportions de revenu nul assimilées à des probabilités de défaut, la masse de revenus mensuels des bénéficiaires de la mesure s’élève à 537 M€. 537 (revenus mensuels des bénéficiaires) * 10 (nombre de moi) * 55 % (taux de remplacement) * 97% (activité non salariée principale) / 1000 = 2,87 Mds €. En appliquant la proportion moyenne de revenu nul de 9,6 %, à l’effectif total et au revenu moyen des non salariés, on obtient un coût un peu supérieur de 3,1 Mds € car dans ce cas, on n’exploite pas la corrélation entre la probabilité de défaut et le niveau des revenus.
[6] 739 (effectifs des autoentrepreneurs actifs, en milliers) * 410 (revenu mensuel moyen) * 67 % (proportion d’activité non salariée principale des autoentrepreneurs actifs) * 10 (nombre de mois) * 55 % (taux de remplacement) * 9,6% (taux de recours à la mesure) / 10⁶ = 107 M€.
[7] Pour un taux de cotisations et contributions sociales estimé de l’ordre de 35,5 %, 2,9 / (500 000) / 35,5 % / 12 = 1 360.
[8] Le taux de recours à la mesure du fait des difficultés financières de cette population est difficile à établir. Par exemple, pour l’élevage, en 2015, suite au dépôt de 25 000 dossiers dans les cellules d’urgence en préfecture, le ministère de l’agriculture a communiqué sur un taux de 10% d’élevages en difficulté. La fédération nationale bovine estime qu’un quart des 80 000 exploitations agricoles étaient en quasi faillite. Un taux moyen de recours autour de 10 % paraît acceptable.
[9] 500 (effectif des non salariés agricoles en milliers) * 1 360 (revenu mensuel moyen) * 55 % (taux de remplacement) * 10 (nombre de mois) * 9,6 % (taux de recours) / 1000 = 360 M€.
Les démissions sont un motif important de sortie de CDI. Parmi les effets de comportement notables, elles présentent un comportement très cyclique : elles augmentent en haut de cycle et diminuent en période de moins bonne conjoncture. Ainsi, lors du cycle précédent et avant l’introduction de la rupture conventionnelle, le taux de démission par trimestre avait atteint un maximum de 2,6 % fin 2001 puis avait baissé jusqu’à 1,7% en 2004.
Avec la crise et la montée en charge de la rupture conventionnelle (instaurée en août 2008 avec une montée en charge jusque fin 2009), les flux de démission ont nettement baissé. Le taux de rotation trimestriel a culminé à 1,6 % fin 2010 avant de baisser régulièrement jusqu’à 1,23 % mi 2014.
Source : DARES, DMMO-EMMO.
Avant l’instauration des ruptures conventionnelles, entre 2001 et 2005, le nombre de démissions s’est établi en moyenne à 1,4 million. Les taux de sortie pour démission ont oscillé entre 1,7 et 2,6 % soit une amplitude 45 %.
Taux de rotation trimestriel |
Estimation de flux annuel |
Écart à la moyenne |
||
Min |
T1-2005 |
1,69 |
1 189 975 |
-16% |
Max |
T1-2001 |
2,60 |
1 829 474 |
29% |
Moyenne |
T1-2001 / T1 – 2005 |
2,02 |
1 418 880 |
Source : DARES, DMMO – EMMO
Les ruptures conventionnelles se sont partiellement substituées aux démissions. Ces dernières s’établissent entre 2010 et 2014 en moyenne à un peu moins d’un million avec une amplitude de 28 % entre le pic de fin 2010 et le creux au dernier point connu avec la source des mouvements de main d’œuvre.
Période post rupture conventionnelle |
||||
Taux de rotation trimestriel |
Estimation de flux annuel |
Écart à la moyenne |
||
Min |
T2-2014 |
1,23 |
865 187 |
-10% |
Max |
T4-2010 |
1,62 |
1 135 624 |
18% |
Moyenne |
T4 – 2010 / T2 – 2014 |
1,36 |
958 606 |
Source : DARES, DMMO – EMMO.
Par rapport au dernier point connu, minimum de démissions établi fin 2014, le chiffrage de la mesure se doit de raisonner en moyenne sur un cycle pour pouvoir notamment intégrer une possible remontée des flux de démissions corollaire d’une amélioration sur le marché du travail.
On raisonnera donc en moyenne sur 2010 – 2014. Le flux moyen de démissions retenu pour le chiffrage de la mesure s’établit à un peu moins d’un million (959 000).
Par ailleurs, la perspective d’une embellie sur le marché du travail, de meilleurs opportunités d’emploi et de salaires, est susceptible d’accroître ce flux de près de 20%. Cet ordre de grandeur témoigne du potentiel haussier des démissions. Il peut servir à étayer une hypothèse de comportement d’accroissement des flux de démissions avec la mesure. On peut estimer qu’une incitation financière telle que l’éligibilité à l’indemnisation chômage est susceptible d’accroître les flux de démission d’au moins 20 % par simple analogie avec l’effet du rétablissement conjoncturel.
Une minorité d’individus démissionnaires s’inscrivent chaque année à Pole emploi. Sur la même période, de 2010 à 2014, les entrées annuelles à Pole emploi en catégories ABC suite à démission se sont établies à 180 520 en moyenne, soit 19 % des démissions.
Quelques caractéristiques des démissions : salariés et entreprises concernées
Les démissions sont le premier motif de rupture du CDI durant sa première année : 36 % des CDI conclus en 2011 ont été rompus moins d’un an après et 16 % l’ont été du fait d’une démission[1]. Elles concernent les jeunes salariés davantage que les licenciements ou ruptures conventionnelles. 44 % des démissions de CDI concernent des salariés de moins de 30 ans contre 5 % des salariés de 55 ans et plus. Elles sont de fait le principal motif de rupture de CDI des jeunes salariés (69 % des ruptures de CDI des salariés de moins de 30 ans) alors que ce motif de rupture est minoritaire parmi les seniors (32 % des ruptures de CDI de salariés de 55 ans et plus).
En termes de catégorie socioprofessionnelle, les employés et les ouvriers peu qualifiés se distinguent notamment par des ruptures précoces de CDI suite à une démission (respectivement 23,9 %, 15,8 % de leurs CDI sont rompus avant un an par démission contre 6,8 % pour les cadres).
Les démissions tendent à être surreprésentées dans le tertiaire (59,5 % des fins de CDI contre 56,1 % en moyenne) et dans les établissements de la taille d’une PME (59,2 % dans les établissements de 10 à moins de 50 salariés). L’hébergement restauration (74 % des fins de CDI) et l’enseignement, l’action sociale (69 % des fins de CDI) sont plus particulièrement surreprésentés. Dans l’hébergement restauration, 32 % des CDI sont en particulier rompus suite à une démission avant moins d’un an.
Les ruptures choisies
La démission, rupture choisie par le salarié, est logiquement associée à une transition professionnelle avec des perspectives plus favorables. Peu de sources permettent de documenter à la fois le motif de rupture, son caractère choisi et les trajectoires professionnelles suivies. L’enquête génération du Cereq[2] a montré que les jeunes salariés dont les conditions d’emploi sont les plus favorables ont une probabilité plus importante d’avoir une mobilité volontaire pour améliorer encore ces conditions.
Toutefois, le caractère choisi de certaines démissions peut parfois être nuancé notamment au vu des caractéristiques sectorielles – socio-professionnelles. Des études ont pu remettre en cause son association systématique à des trajectoires d’ascension professionnelle. Une exploitation de l’enquête Formation qualification professionnelle 2003 croisant les carrières ascendantes, descendantes et les types de rupture concluait que les démissions de CDI pouvaient conduire au déclassement comme les licenciements »[3].
La typologie des parcours obtenue était la suivante :
Trajectoire |
Promotion |
Rotation promotion |
Stabilité en emploi |
Emploi chômage long |
Rotation déclassement |
Déclassement |
Retrait exclusion |
Démission |
15,6 |
11,1 |
34 |
9,9 |
6,6 |
14,5 |
8,3 |
Licenciement |
4,3 |
8,5 |
16,1 |
17,8 |
4,5 |
13,3 |
35,5 |
Parmi les ruptures “choisies”, l’introduction de la rupture conventionnelle en août 2008 – son éligibilité à l’indemnisation chômage – s’est traduite par un effet de substitution entre démissions et ruptures conventionnelles[4]. Une partie des salariés concernés a pu arbitrer leur rupture de contrat pour bénéficier de l’indemnisation chômage et de l’indemnité de rupture. Selon une enquête de la DARES menée auprès de salariés ayant signé une rupture conventionnelle en 2012, le bénéfice de l’indemnisation chômage ressort comme le principal motif pour les salariés du choix de ce motif de rupture. Lorsque le salarié est plutôt à l’initiative de la rupture, le bénéfice des allocations chômage est dans 78 % des cas une des raisons du choix de la rupture conventionnelle (par opposition à un autre mode de rupture). Lorsque d’autres formes de ruptures ont été envisagées, il s’agissait d’une démission dans 60 % des cas[5].
Rappelons que la rupture conventionnelle ouvre droit, outre l’indemnisation chômage, à une indemnité de rupture au moins égale à l’indemnité légale de licenciement. De ce fait, une rupture conventionnelle reste plus avantageuse financièrement qu’une démission, même en cas d’éligibilité des démissions à l’assurance chômage.
Condition d’éligibilité à la mesure
Les démissionnaires ne seraient éligibles à l’assurance chômage qu’avec une affiliation de 4 mois et une fois tous les 5 ans. Pour avoir une estimation de l’impact de cette condition, on modélise les probabilités de rupture pour démission en fonction de l’ancienneté en emploi.
La modélisation repose sur un profil de ruptures mensuelles de CDI (taux de hasard mensuel) en fonction de leur durée et du type de rupture (démissions, fins de période d’essai, licenciements …). Ces profils reproduisent les comportements observés durant la première année des CDI signés en 2011. Sur les douze premiers mois, 36 % des CDI sont rompus parmi ceux signés dans l’année[6]. 16 % des CDI ont été rompus pour démission. Le deuxième motif de rupture est la fin de la période d’essai pour 12,7 % des CDI.
Ces probabilités de rupture ont ensuite été prolongées sur l’ensemble d’une carrière. Au-delà d’un an, les probabilités mensuelles de rupture sont annulées pour la fin de période d’essai et supposées constantes pour les autres motifs de rupture. Selon cette hypothèse, chaque mois, la probabilité de rupture du contrat est identique quelle que soit l’ancienneté en emploi.
A titre de comparaison, l’ancienneté en emploi lors des ruptures conventionnelles a pu être documentée à partir de l’exploitation des formulaires administratifs[7]. « Un tiers des salariés ayant signé une rupture conventionnelle avaient moins de deux ans d’ancienneté. 12% avaient moins d’un an d’ancienneté et un autre tiers plus de cinq ans au moment de la rupture. »
Les résultats obtenus par modélisation sont assez proches :
Ancienneté lors de la rupture conventionnelle |
DARES |
Modélisation |
moins d’un an |
12% |
14% |
1 an et moins de 2 ans |
21% |
20% |
2 ans et moins de 5 ans |
34% |
36% |
plus de 5 ans |
33% |
30% |
Pour les démissions, les probabilités de rupture obtenues durant les premières années sont les suivantes :
Probabilité de démission |
Répartition des démissions |
|
Moins d’un an |
15,0% |
29% |
1 an et moins de 2 ans |
8,4% |
16% |
2 ans et moins de 3 ans |
6,5% |
13% |
3 ans et moins de 4 ans |
5,0% |
10% |
4 ans et moins de 5 ans |
3,8% |
7% |
5 ans et plus |
12,8% |
25% |
Total |
51,5% |
100% |
On peut en déduire la probabilité de connaître à moins de 4 mois de 7,9%. La part dans les démission est de 15,4%. La probabilité de connaître deux démissions en cinq ans : 12,4%[8]. Parmi les démissions, la proportion non éligible à la mesure serait de 24,1 % (12,4 % / 51,5%).
Pour articuler les deux conditions, on déduit les démissions à moins de 4 mois. La probabilité de connaître deux démissions à plus de 4 mois mais en moins de 5 ans est de 7 %. Leur part dans les démissions est de 16 %.
La proportion de démissions éligibles est de 71 % (84,6 * 84 %).
[1] DARES analyses n°5, janvier 2015 : “plus d’un tiers des CDI sont rompus moins d’un an après”.
[2] “Qualité de l’emploi et aspirations professionnelles : quels liens avec la mobilité des jeunes salariés en CDI ?”, M.Portela, C.Signoretto, document d’études du CEE, avril 2015.
[3] “Mobilité et segmentation professionnelle : quel parcours professionnel après avoir perdu ou quitté son emploi ?”, T. Amossé, C.Perraudin, H.Petit, économie et statistiques, n°450, 2011, INSEE.
[4] CF publications DARES sur les mouvements de main d’œuvre.
[5] DARES Analyses n°64, octobre 2013 : “Les salariés ayant signé une rupture conventionnelle”.
[6] Source DARES Analyses n°5 janvier 2015 “Plus d’un tiers des CDI sont rompus avant un an”.
[7] Source DARES n° 64 octobre 2013 : “Les salariés ayant signé une rupture conventionnelle”.
[8] Les autres démissions multiples sont négligées. Avec une hypothèse forte d’indépendance entre les deux démissions 12,4 % = 15 % * (8,4 % + 6,5% + 5% +3,8%) +8,4% *(15% + 8,4% +6,5% + 5%) + ….
Les démissions supplémentaires sont réparties par âge comme les ruptures conventionnelles.
Les démissions sont surreprésentées parmi les fins de CDI des jeunes salariés, entre 25 et 28 ans. Les ruptures conventionnelles culminent un peu plus tardivement (30 ans) et sont davantage réparties parmi les salariés d’âge intermédiaire et seniors (entre 35 et 60 ans) avec notamment un pic autour de 58 – 60 ans, qui permet de faire précéder la retraite par une période de chômage indemnisé.
La nouvelle distribution des démissions par âge s’en déduit. Elle est intermédiaire entre les anciennes démissions par âge (surreprésentation des jeunes salariés) et les ruptures conventionnelles (davantage de salariés seniors entre 55 et 60 ans) (cf infra).
Répartition des sorties pour ruptures conventionnelles, démissions (avant, après mesure) par âge détaillé :
Sauf cas très particuliers, (raisons familiales, de santé, etc.), les ruptures volontaires du contrat de travail n’ouvrent pas droit à l’indemnisation chômage.
La rupture conventionnelle, introduite en août 2008, a absorbé une partie des démissions en offrant le bénéfice de l’assurance chômage. Ce type de rupture suppose toutefois l’accord et l’agrément de l’employeur. En 2014, 2,2 % des allocataires de l’assurance chômage étaient entrés suite à un départ volontaire, 11,4 % suite à une rupture conventionnelle (source Unedic).
Le système français d’assurance chômage compte parmi les plus généreux que ce soit en termes de durée d’indemnisation (24 / 36 mois) ou de montant d’indemnisation (son plafond est un des plus élevés de l’OCDE). Néanmoins, l’indemnisation reste réservée comme dans les pays étrangers aux ruptures involontaires des contrats de travail.
La mesure envisagée par Emmanuel Macron parait inédite, vraisemblablement pour les mêmes risques d’aléa moral.
Les conventions d’assurance chômage sont des accords interprofessionnels. Emmanuel Macron propose une “nationalisation” de la gestion paritaire ce qui supposerait l’adoption d’une loi en ce sens.
Pour l’éligibilité des démissions à l’indemnisation chômage, les salariés en CDI du privé sont concernés. La population salariée privée est de 17,8 millions d’individus. Parmi ceux-ci, selon l’enquête emploi, 86,6% étaient en CDI soit 15,4 millions d’individus.
Commentaire synthétique
Dans son projet pour l’assurance chômage, Emmanuel Macron envisage une extension de l’assurance chômage aux salariés démissionnaires et aux indépendants. Dans le même temps, la gestion de l’assurance chômage sera profondément réformée : nationalisation de l’Unedic, renforcement du contrôle de la recherche d’emploi, refus d’offre raisonnable d’emploi limité à une seule. Un certain nombre de restrictions seront également apportées quant aux règles d’indemnisation actuelles : réduction de la filière senior et de l’activité réduite.
Ne sont chiffrées ici que les mesures affectant les règles de l’indemnisation chômage. En dépenses, il s’agit des deux mesures d’extension de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants. Le chiffrage de leur coût est soumis à de nombreuses hypothèses : l’hypothèse médiane retenue est de 4,8 Md€ par an, en raisonnant sur les comportements observés et en intégrant l’apparition d’effets dynamiques limités. En économies, sont prises en compte les restrictions sur l’activité réduite et la filière senior. Elles pourraient atteindre entre 1,4 Md€ et 1,9 à 2,4 Md€ par an, si l’on inclut l’effet d’un contrôle accru de la recherche d’emploi.
Les réformes de gestion (nationalisation de l’Unedic, accentuation des contrôles, une seule offre raisonnable d’emploi refusée, etc.) sont envisagées comme l’un des moyens d’atteindre l’objectif fixé par Emmanuel Macron d’un taux de chômage à 7% en 2022. Les économies (moindres indemnisations en dépenses et recettes induites) associées à l’atteinte de cet objectif peuvent être estimées. Dans un scénario optimiste, où ce taux de chômage serait atteint en 2022, ces économies pourraient être de 25,2 Md€ en 2022.
Chiffrage
Les dépenses liées à l’extension de l’assurance chômage
Éligibilité des démissionnaires à l’indemnisation chômage
L’éligibilité des démissionnaires, une fois tous les cinq ans, pourrait présenter le risque d’un effet d’aubaine lié à l’indemnisation des démissionnaires inscrits à Pole emploi. Il est estimé à 1 Md€. Des effets de comportement peuvent être envisagés : inscription de démissionnaires non-inscrits supplémentaires (1,2 Md€ – scénario bas), hausse du temps passé au chômage du fait de l’indemnisation nouvelle (2,1 Md€) et, enfin, la probabilité d’une hausse des démissions avec potentiellement 170 000 démissions supplémentaires éligibles à la mesure pour un coût entre 0,7 et 1,1 Md€, selon les durées d’indemnisation. Un coût médian de 2,7 Md€ peut être retenu intégrant les effets potentiels d’aubaine et de comportement.
L’éligibilité des indépendants
Trois populations sont distinguées : les auto-entrepreneurs actifs, les non-salariés agricoles, les autres non-salariés. Le coût de leur éligibilité à l’indemnisation chômage s’élève entre 0,9 et 3,3 Md€ par an.
Les économies attendues de la réforme de l’assurance chômage
Le relèvement de l’âge de la filière senior
Actuellement, à partir de 50 ans, la durée maximale d’indemnisation est portée de 24 à 36 mois. Emmanuel Macron envisage de relever cette limite d’âge et d’étendre la durée d’indemnisation à 36 mois à 59 ans au lieu de 50 ans aujourd’hui.
22 % des allocataires de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) ont 50 ans et plus et on peut estimer à 16 % la proportion entre 50 et 59 ans. Selon la DARES, 65 % des allocataires de 50 ans ou plus étaient couverts pour au moins 24 mois[1], dont 46 % pour 36 mois. L’effectif d’individus bénéficiaires potentiels d’une indemnisation de 36 mois peut être estimé à au moins 227 000[2]. 17 % des seniors indemnisables ont connu une fin de droit dans l’année qui a suivi.
On applique cette proportion de fins de droits à cette population spécifique en supposant que, pour les seniors, la probabilité de retrouver un emploi après deux ans au chômage est quasi nulle. La proportion de perdants effectifs avec la mesure est alors de 17 %, avec une perte de durée de 12 mois. En retenant pour indemnisation moyenne le dernier quartile soit 1 177 €, l’économie brute peut être estimée à 550 M€ par an[3].
À l’issue de leurs droits à l’assurance chômage, les seniors sont, dans près de la moitié des cas (47 %), de nouveau indemnisables, notamment par l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) ; 27% et 18 % par l’indemnisation chômage avec l’ouverture de nouveaux droits grâce à des périodes travaillées en activité réduite.
En prenant en compte l’ASS et la réouverture de droits, l’économie nette serait de 390 M€ par an[4].
La durée maximale de cumul entre allocation chômage et revenu d’activité serait limité à 12 mois alors que ce cumul est autorisé pendant la durée d’indemnisation actuellement.
Pendant l’activité réduite, l’allocataire perçoit l’indemnité chômage réduite de 70 % de la rémunération brute procurée par l’activité. Le total ne peut dépasser le salaire de référence antérieur. Avec la mesure envisagée par Emmanuel Macron, l’indemnité chômage perçue ne pourrait excéder le revenu d’activité.
En moyenne, en 2014, 23 % des allocataires étaient indemnisés en activité réduite. Ils ont travaillé, en moyenne, 70 heures dans le mois avec 891 € par mois de revenu d’activité et 735 € d’indemnisation (source : DARES, cf supra). En moyenne, la contrainte n’est pas activée. Toutefois, le recours à l’activité réduite est très concentré sur certains allocataires : 10 % des allocataires sont à l’origine de 53 % du total des mois d’activité réduite effectués par l’ensemble des allocataires entre 2000 et 2011[5]. En moyenne, ces allocataires ont été couverts par l’assurance chômage pendant 4,5 ans et ont été en activité réduite pendant 3,1 ans[6].
Le potentiel de réduction de cette pratique est difficile à estimer. Supposons que la durée en activité réduite pour ces individus soit diminuée d’un an. Il est supposé que les individus resteraient en activité et ne bénéficieraient plus du cumul avec l’indemnisation. Le nombre de mois en activité réduite serait réduit de 17%[7]. L’économie générée s’élèverait à un peu plus d’un milliard d’euros[8]. À l’inverse, les individus pourraient renoncer à l’activité et rester en indemnisation chômage. L’estimation est de ce point de vue un majorant.
Le potentiel d’économies lié à ces mesures peut être estimé comme allant jusqu’à 1,44 Md€.
Le renforcement du contrôle de la recherche d’emploi
Le renforcement du contrôle de la recherche d’emploi (multiplication par cinq du nombre de conseillers de Pôle emploi dédiés au contrôle de la recherche d’emploi) ainsi que l’obligation pour les demandeurs d’emploi de rendre compte, chaque mois, de leurs démarches de recherche d’emploi pourrait générer des économies conséquentes :
augmentation des suspensions et modulations du versement des allocations ;
intensification de la recherche d’emploi de l’ensemble des demandeurs d’emploi. Cette intensification améliorerait le fonctionnement du marché du travail et permettrait un meilleur appariement entre l’offre et la demande, qui pourrait diminuer la durée moyenne au chômage.
Le renforcement du contrôle de la recherche d’emploi pourrait réduire les dépenses d’Assurance chômage de 500 à 950 millions d’euros.
Les économies induites par un taux de chômage de 7% en 2022
Si le taux de chômage était réduit à 7% en 2022, le nombre de chômeurs (au sens du Bureau international du travail) baisserait de 840 000. Selon les catégorisations actuelles, le nombre de demandeurs d’emploi catégorie A baisserait de 1,1 million dont 680 000 indemnisés et 570 000 au titre de l’indemnisation chômage.
Pour la seule catégorie A, les dépenses d’indemnisation seraient réduites de 8,6 Md€, dont 7,9 Md€ au titre de l’indemnisation chômage[9].
Dans le même temps le retour à l’emploi de ces individus génèrerait un surcroît de recettes. Un tel objectif supposerait de créer au moins 1,25 million d’emploi supplémentaires[10]. Ces emplois pourraient générer un surcroît de masse salariale brute de 20,8 Md€[11]. Le surcroît de cotisations et contributions sociales salariales atteindrait 5,7 Md€[12], les cotisations patronales 10,1 Md€[13]. Un surcroît d’impôt sur le revenu peut être estimé approximativement à 0,8 Md€[14].
Les gains totaux en dépenses et recettes sont estimés à 25,2 Md€.
Effectifs
chômeurs BIT en moins
840 000
inscrits à Pole emploi
1 117 000
indemnisés par l’assurance chômage
570 000
indemnisés par l’ASS
112 000
Moindres dépenses, en Md€
8,6
indemnisation
8,6
indemnisation chômage
7,9
indemnisation ASS
0,7
Recettes, en Md€
16,6
Cotisations et contributions sociales
15,8
Impôt sur le revenu
0,8
Gains, en Md€
25,2
Difficultés pour le chiffrage, aléas et incertitudes
Les deux mesures en dépenses sont très délicates à chiffrer, car elles sont soumises à de nombreuses hypothèses. Elles peuvent induire des effets de comportement importants d’où l’amplitude du chiffrage.
Sources :
Voir fiches, notamment DARES – Pole emploi, INSEE.
[1] DARES Analyses “Les demandeurs d’emploi indemnisables par l’assurance chômage en 2014”, n°70, décembre 2016.
[2] 3,046 (bénéficiaires de l’ARE en 2014) * 16 % (proportion estimée entre 50 et 59 ans) * 46 % (bénéficiaire de 36 mois).
[3] 227 000 (effectifs de perdants potentiels)* 17 % (proportion de perdants effectifs)* 12(nombre de mois perdus) * 1 177 € (indemnisation moyenne de la population) = 550 M€.
[4] 550 * 55% + 550 * 27% / 1 177 * (1 177 – 488 (ASS)) = 390 M€.
[5] Unedic, éclairages n°6, octobre 2013 : “la croissance continue de l’activité réduite recouvre des réalités et des publics différents”.
[6] Cf également notes du CAE “améliorer l’assurance chômage” n°24, septembre 2015.
[7] 1 / 3,1 (un an sur 3,1) * 53 % (nombre de mois concentrés par cette population).
[8] 23% (allocataires en activité réduite indemnisés) * 735 (allocation mensuelle moyenne perçue) * 12 * 3,046 (effectif d’allocataires) * 17 % (effet de la mesure) = 1,06 Md €.
[9] Pour une indemnisation chômage moyenne de 1 159 €/ mois.
[10] 1,1 million de DEFM A + 15% (chômeurs BIT non-inscrits à Pole emploi) * 840 000. A ceci pourrait s’ajouter des effets de flexion liés aux retours sur le marché du travail d’individus inactifs.
[11] 29,4 Mds € hors déduction de l’indemnisation, obtenue pour un salaire mensuel moyen des emplois créés de 1960 €, soit 1,3 SMIC, cohérent avec l’indemnisation chômage moyenne (1 159 € / 59% (taux de remplacement)).
[12] 6,6 Mds € pour un taux de 22,4% et avec déduction de 0,9 Mds € de cotisations sur les allocations de retour à l’emploi anciennement perçues.
[13] A 1,3 SMIC, la prise en compte des allègements réduit le taux de cotisation à 34,4%.
[14] Ordre de grandeur obtenu avec le passage en moyenne dans la première tranche à 14% après abattement forfaitaire de 10% et avec une demi-part supplémentaire.