Par le candidat (le cas échéant) | – |
Par l’Institut Montaigne | 7,5 Md€ par an |
Estimation haute | 12,8 Md€ par an |
Estimation médiane | 7,5 Md€ par an |
Estimation basse | 2,4 Md€ par an |
Prenant acte du fait que la Commission européenne a émis une proposition de directive relative à l’assiette commune de l’impôt sur les sociétés, Benoît Hamon propose que l’Union européenne procède également à une harmonisation des taux de l’impôt sur les sociétés. La formulation de la proposition conduit à considérer que le champ de cette proposition serait identique à celui de la proposition actuelle de la Commission européenne. Elle couvrirait donc les groupes de sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 M €.
La proposition de Benoît Hamon se heurte à deux contraintes :
Elle est issue de la conjonction entre la procédure de décision à l’unanimité applicable à la fiscalité en droit de l’Union européenne et du rapport des forces entre États membres en matière d’harmonisation fiscale européenne. La disparité des taux d’imposition des bénéfices des sociétés observée en Europe conduit les États membres, dont les taux sont les plus réduits, à refuser une harmonisation des taux à la hausse qui les contraindrait à abandonner leur avantage comparatif en la matière.
En conséquence, il est supposé que l’harmonisation des taux proposée par Benoît Hamon conduirait à établir un taux commun situé entre le taux d’imposition sur les sociétés le plus bas (12,5%, applicable en Irlande) et le taux d’imposition moyen mesuré en Europe, soit 22,5%. Cette hypothèse est compatible avec la fixation d’un taux commun unique et contraignant compris dans cette fourchette ainsi qu’avec la définition d’un tunnel de taux, dont les bornes inférieure et supérieure seraient respectivement de 12,5% et de 22,5%, chaque État membre ayant le choix de déterminer son propre taux en la matière.
en % | taux 2015 | taux 2016 |
Belgique | 34 | 34 |
Danemark | 23,5 | 22 |
Allemagne | 30,2 | 30,2 |
Irlande | 12,5 | 12,5 |
Espagne | 28 | 25 |
France | 38 | 34,4 |
Italie | 31,4 | 31,4 |
Pays-Bas | 25 | 25 |
Autriche | 25 | 25 |
Portugal | 29,5 | 29,5 |
Finlande | 20 | 20 |
Suède | 22 | 22 |
Royaume-Uni | 20 | 20 |
Union européenne (moyenne ; 28 pays) | 22,8 | 22,5 |
Zone euro (moyenne ; 19 pays) | 24,6 | 24,3 |
5 “grands” pays voisins (Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, R.U.) | 26,9 | 26,3 |
Depuis la décision “Métro Holding” rendue par le Conseil constitutionnel le 3 février 2016, il est considéré qu’une disposition fiscale plus favorable appliquée à une catégorie d’entreprises en application d’une réglementation européenne est susceptible de donner lieu à une rupture d’égalité devant les charges publiques au détriment des entreprises qui ne bénéficient pas de ces dispositions. En l’occurrence, cette jurisprudence du Conseil constitutionnel conduirait à contraindre le législateur français à généraliser un taux d’impôt sur les sociétés plus réduit, qui résulterait d’une directive européenne, bien que son champ couvre seulement les grandes entreprises.
Dès lors, la proposition de Benoît Hamon conduirait à étendre à toutes les entreprises un taux d’impôt sur les sociétés plus réduit que le taux actuel de 33,33%.
L’évaluation préalable de l’article 6 du projet de loi de finances pour 2017, relatif à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, évalue le rendement d’un point d’impôt sur les sociétés à 33,33% à 1,3 Md€. En conséquence, il est estimé que l’impact d’une réduction d’un point de pourcentage du taux d’impôt sur les sociétés est de l’ordre de 1,3 Md€. La proposition de Benoît Hamon conduisant à réduire le taux de l’impôt sur les sociétés de 8,1 (écart France / 5 “grands” pays voisins de la France) à 11,9 points de pourcentage (écart France / Union européenne), son coût pour les finances publiques serait compris entre 10,5 Md€ et 15,5 Md€ par an.
Toutefois, ce coût élevé serait susceptible d’être compensé en tout ou partie par une transformation du crédit d’impôt compétitivité emploi, dont le coût est estimé à 15,5 Md€ en projet de loi de finances pour 2017, en réduction pérenne du taux de l’impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, l’harmonisation des taux de l’impôt sur les sociétés au sein de l’Union européenne est de nature à limiter l’incitation à l’évasion fiscale des entreprises. Malgré tout, cette incitation ne disparaîtrait pas en raison de la probable subsistance de régimes spécifiques.
L’enjeu porte donc sur la réduction des niveaux d’évasion fiscale actuellement mesurés, évalués à 1,24 % du PIB par la Commission d‘enquête du Sénat sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales en 2012. Appliqué au PIB mesuré en 2015 par l’INSEE, l’évasion fiscale des entreprises peut être évaluée à 27 Md€ par an. Il est considéré que la proposition de Benoît Hamon conduirait à réduire cette évasion fiscale dans une proportion comprise entre 10% et 30%, soit 2,7 Md€ à 8,1 Md€.
En conséquence, le coût total de la mesure serait compris entre environ 2,4 Md€ et 12,8 Md€.
Le chiffrage ne peut pas faire abstraction des contraintes liées à la position des autres États membres de l’Union européenne ni des implications de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, les règles européennes relatives à la fiscalité sont généralement prises à l’unanimité et il sera difficile de faire accepter à certains membres, comme l’Irlande, de réorienter la politique fiscale qu’ils conduisent afin de renforcer l’attractivité de leur pays.
Par ailleurs, il n’est pas tenu compte dans ce chiffrage des éventuels rapatriements de valeur ajoutée sur le territoire français : une harmonisation des taux d’imposition des bénéfices pourrait effectivement conduire certaines entreprises à répartir de manière différente la valeur ajoutée et les bénéfices au sein des pays européens.
Un tel effet de comportement des entreprises n’est pas pris en compte ici. Il serait néanmoins vraisemblablement d’un ordre de grandeur limité comparativement aux effets décrits ci-dessus.
Sources :
La proposition ayant une dimension européenne, elle n’a pas fait l’objet d’une application isolée en France.
La proposition formulée par Benoît Hamon est assez récente dans le débat politique national. Si elle fait échos à des propositions d’harmonisation européenne prenant les standards français pour référence, à l’image de l’institution d’un salaire minimum européen, l’harmonisation des taux de l’impôt sur les sociétés ne constituait pas, à notre connaissance, un objectif formulé en tant que tel.
Pourtant, cette proposition constitue un fil rouge ancien des débats techniques en matière d’harmonisation fiscale.
Ainsi, dès 1992, la Commission européenne proposait, dans son rapport Ruding, de procéder à une harmonisation des taux de l’impôt sur les bénéfices dans une fourchette comprise entre 30% et 40%. Néanmoins, depuis lors, la diminution tendancielle du taux de l’impôt sur les sociétés dans les États membres de l’Union européenne conduit ces niveaux de taux à ne plus être envisageables.
Des propositions d’harmonisation ont également pris pour base le niveau des recettes générées par l’impôt sur les sociétés plutôt que son taux lui-même. Ainsi, Agnès Bénassy-Quéré a proposé (Fiscalité des entreprises en Europe : concurrence ou harmonisation, 2007) que les États membres établissent des normes de participation des différentes bases fiscales à la fourniture de différents biens publics. Chaque État membre demeurerait libre de fixer ses dépenses publiques au niveau qu’il souhaite. Toutefois, l’impôt sur les sociétés devrait représenter une proportion à déterminer des dépenses publiques ou des recettes fiscales totales.
La proposition d’un taux commun harmonisé de l’impôt sur les sociétés est peu reprise dans les débats étrangers. À ce stade, les objectifs d’harmonisation de l’impôt sur les sociétés tendent à se concentrer sur son assiette, tel que l’illustre la proposition de directive effectuée par la Commission européenne en octobre 2016. Les ministres français, allemand et italien des finances avaient certes adressé une lettre commune au Commissaire européen en charge des affaires économiques et financières en décembre 2014 afin d’encourager la Commission européenne à réaliser une proposition de directive permettant de garantir un principe général de taxation effective. Cependant, ce principe général est avant tout assimilable à un taux minimum qu’à un taux unique harmonisé. À ce jour, aucune proposition de directive n’est venue mettre ce principe en pratique.
La mise en œuvre de la proposition requiert l’élaboration d’une proposition de directive par la Commission européenne ou l’amendement de la proposition de directive, publiée en octobre 2016, relative à l’assiette commune de l’impôt sur les sociétés par les États membres au cours de sa discussion. Cette disposition devra, par la suite, faire l’objet d’une transposition en droit national, sous forme législative.
Au regard des réticences formulées dans le passé par de nombreux États membres à l’égard d’une harmonisation des taux de l’impôt sur les sociétés et de leur impact sur les délais de discussion dans les enceintes européennes, il est supposé que cette disposition ne serait pas applicable avant 2019.
La procédure applicable en matière fiscale, c’est-à-dire l’unanimité au Conseil de l’Union européenne, comporte par ailleurs un risque quant à la capacité à sauvegarder la substance du projet correspondant à la proposition du candidat.
La baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés concerne l’ensemble des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, généralement les sociétés de capitaux, dont le chiffre d’affaires excède 7,63 M€ ainsi que celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à ce seuil, pour la partie de leurs bénéfices qui excède 38 120€ (taux d’imposition de 15% en deçà).
à court terme |
à long terme |
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Effets positifs de la mesure |
Hausse de l’incitation à investir Effet signal positif sur le fonctionnement du marché intérieur |
Gain de croissance potentielle Réduction de la concurrence fiscale |
Effets négatifs de la mesure |
Réduction des recettes fiscales Augmentation du déficit et donc augmentation des taux d’intérêts |
Réduction des recettes fiscales Augmentation du déficit et donc augmentation des taux d’intérêts |
Commentaire synthétique
Cette mesure constituerait une innovation dans la mesure où les discussions européennes en la matière se limitent actuellement à l’assiette de l’impôt sur les sociétés, sachant que certains États membres sont particulièrement opposés à une harmonisation des taux d’imposition. À long terme, cette mesure serait susceptible d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur et d’accroître l’incitation à investir, suscitant une hausse de la croissance potentielle.
Dans l’hypothèse où un consensus européen se dessinerait en la matière, cette proposition ne trouverait sans doute pas à s’appliquer avant 2019. En effet, la procédure applicable en matière fiscale, c’est-à-dire l’unanimité au Conseil de l’Union européenne, comporte un risque quant à la capacité de sauvegarder la substance du projet correspondant à la proposition de Benoît Hamon.
Au regard des positions des différents États membres de l’Union européenne en matière d’harmonisation fiscale européenne, la proposition de Benoît Hamon conduirait à réduire pour l’ensemble des entreprises le taux d’impôt sur les sociétés actuellement appliqué en France et à le fixer dans une fourchette comprise entre 12,5 % et 22,5 %. Par ailleurs, cette mesure limiterait l’incitation à l’évasion fiscale des entreprises. Il en résulterait un coût annuel pour les finances publiques compris entre 2,4 Md€ et 12,8 Md€ par an.