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Montpellier

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Maire sortant Philippe Saurel (DVG)

Philippe Saurel

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Urbanisme et logement

Arrêter le projet Ode à la mer

Pour une ville créatrice d’emplois locaux : soutien au centre-ville marchand en stoppant l’extension et la construction des surfaces commerciales périphériques.

Que faut-il en retenir ?

Le maire sortant propose de suspendre le projet Ode à la mer, opération d’aménagement commercial d’envergure à la périphérie de Montpellier, qu’il avait acté au cours de son mandat mais qui essuie de nombreuses critiques.

Le projet Ode à la mer est un projet d’aménagement de 250 hectares structuré par la création d’un centre commercial, de bureaux et d’une offre de loisirs et d’hôtellerie-restauration. Parmi les commerces, 70 % doivent être transférés des zones commerciales vieillissantes du Solis, du Fenouillet et du Soriech, situées à proximité. L’investissement est estimé à 300 M€ pour une réalisation de 60 magasins sur 61 000 m² de surface de vente, 15 000 m² de bureaux, 15 000 m² dédiés aux loisirs (dont un cinéma de 15 salles), un hôtel, 24 cafés et restaurants. Le projet prévoit également un parking de 2 500 places.

Le projet est critiqué d’une part pour ses effets environnementaux (perte de terres agricoles, désertification des sols et risque de friches commerciales non reconverties dans les anciennes zones), et d’autre part pour son intérêt économique, en raison de l’existence d’une zone commerciale déjà importante (notamment le centre commercial Odysseum) et des risques de diminution de l’activité commerciale en centre-ville.

L’arrêt du projet peut avoir un coût pour la Ville : indemnités à verser aux porteurs du projet en raison de son annulation, coût des études qui devraient être à nouveau engagées pour déterminer un projet de remplacement. Si le montant de l’indemnisation ne peut être chiffré, car il dépend des clauses du contrat entre la métropole et le groupe Frey, la justice administrative détermine généralement le préjudice en tenant compte des dépenses et des charges supportées par la société commerciale pour exécuter le contrat, ainsi que de sa perte de bénéfice.

Détail

Contexte de la mesure

La régulation des surfaces commerciales en France et leurs effets sur l’activité en centre-ville

Les projets de création ou d’extension de magasins de commerces de détail, au-delà d’un certain seuil de surface de vente, sont, depuis la loi Royer du 27 décembre 1973, soumis à autorisation. Cette régulation est exercée au niveau départemental par les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) et, en cas de recours, par la commission nationale (CNAC). Les CDAC et la CNAC sont des commissions administratives qui réunissent des représentants de l’État, des collectivités, des usagers, ainsi que des experts de l’aménagement et de l’urbanisme.

Depuis les années 1990, la France connaît une augmentation significative des surfaces commerciales autorisées par les CDAC, notamment après l’abaissement du seuil d’autorisation de 1 000 m² à 300 m² avec la loi Raffarin de 1996. Entre 1996 et 2009, le nombre de m² autorisés a ainsi été multiplié par sept. Le seuil a été rehaussé à 1 000 m² en 2009 par la loi de modernisation de l’économie (LME), entraînant une baisse de la surface autorisée, mais qui s’explique aussi en partie par le développement de drives, considérés comme des entrepôts et non des surfaces de vente, ce jusqu’à la promulgation de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et par conséquent hors autorisation des CDAC.

Depuis la réforme introduite par la loi LME et en dépit des évolutions ultérieures, de nombreux élus de toutes sensibilités politiques continuent pourtant de dénoncer régulièrement la poursuite du développement insuffisamment régulé des grandes surfaces commerciales et la fragilisation simultanée du commerce de centre-ville. Selon une mission de l’Inspection générale des finances conduite en 2016, plusieurs indices montrent qu’une corrélation existe entre le niveau de vacance commerciale en centre-ville et le développement d’ensembles commerciaux périphériques : baisse du nombre de points de vente et augmentation dans le même temps de la surface commerciale du commerce de détail ; augmentation de la surface commerciale moyenne ; réduction de la durée de vie des petits commerces de proximité deux ans après l’ouverture d’une grande surface.

Le projet Ode à la mer

Le projet Ode à la mer est un projet d’aménagement de 250 hectares, structuré par la création d’un centre commercial, de bureaux et d’une offre de loisirs et d’hôtellerie-restauration. Le projet remonte à 2006, date à laquelle la métropole achète les terrains. Les élus de la métropole ont porté ce projet dans le but de transférer les zones commerciales vieillissantes du Solis, du Fenouillet et du Soriech, du Delta et de Bir Hakeim, situées à proximité et dont certaines se situent en zone inondable. Il est fait mention que ces enseignes de moyenne surface ont une typologie incompatible avec une installation en centre-ville. Le projet Ode à la mer ne devrait ainsi comporter que 30 % de nouveaux commerces. L’équipe de campagne, contactée, indique par ailleurs que l’objectif premier du projet est de reconquérir un site commercial vieillissant, en le transformant pour y proposer de véritables nouveaux quartiers organisés autour de la ligne 3 du tramway, d’ici à l’horizon 2040. Elle précise que le projet est inscrit depuis 2009 dans le programme Ecocité co-signé entre l’Etat et la Métropole et intitulé de Montpellier à la Mer et vise à proposer des logements diversifiés, des locaux d’activités, des équipements publics, une renaturation, une désimperméabilisation des sites urbanisés et une réparation hydraulique, en sus de la recomposition commerciale.

L’investissement est estimé à 300 M€ pour une réalisation de 60 magasins sur 61 000 m² de surface de vente, 15 000 m² de bureaux, 15 000 m² dédiés aux loisirs (dont un cinéma de 15 salles), un hôtel, 24 cafés et restaurants. Le projet prévoit également un parking de 2 500 places.

Le projet a été autorisé définitivement en 2017, par un arrêté du Conseil d’État du 29 mars 2017, qui répondait à la dernière possibilité de recours contre la décision initiale de la CNAC du 1er juillet 2015, déjà validée en appel par la cour d’appel administrative. 

La réalisation du projet a été confiée au groupe Frey, foncière de développement spécialisée dans les centres commerciaux, après un concours ayant duré deux ans, sur une surface de 11 hectares comme précisé par l’équipe de campagne, correspondant au projet commercial, dit Ecopole. L’ouverture est prévue au 1er trimestre 2021.

Les travaux ayant déjà été engagés, l’arrêt du projet pourrait avoir un coût pour la Ville, si des indemnités doivent être versées aux porteurs du projet en raison de l’annulation, ensuite si des études doivent être de nouveau engagées pour déterminer un projet de remplacement. Si le montant de l’indemnisation ne peut être chiffré, car il dépend des clauses du contrat entre la métropole et le groupe Frey, la justice administrative détermine généralement le préjudice en tenant compte des dépenses et des charges supportées par la société commerciale pour exécuter le contrat, ainsi que de sa perte de bénéfice. 

Le projet est critiqué en raison d’une offre commerciale déjà importante à Montpellier, en particulier avec le pôle commercial Odysseum, voulu par l’ancien maire Georges Frêche et inauguré en 2009 dans le quartier de Port-Marianne. Odysseum représente 45 000 m² de surface commerciale pour une centaine de commerces et attire 12 millions de visiteurs par an.

L’équipe de campagne, contactée, a également souhaité préciser la mesure en indiquant que la partie commerciale du projet serait reconsidérée afin de “préserver l’équilibre commercial de la métropole et de renforcer l’attractivité des commerces du centre-ville”, et que le projet serait revu afin de “prendre en compte les directives prévues au Manifeste de Montpellier pour une ville écologiste et humaniste, laissant une grande place à la nature et à la biodiversité ». 

Effets sur l’environnement

Le projet est également critiqué pour ses effets environnementaux, notamment :

  • la perte des terres agricoles qui y sont implantées, et l’effet sur la biodiversité, qui sera diminuée avec la disparition de ces espaces ;

  • l’imperméabilisation des sols, accompagnée de la création de friches commerciales dans les anciennes zones vieillissantes, dont la reconversion n’est pas encore actée.

Selon le groupe Frey, porteur du projet, les fonciers libérés à la suite du transfert d’enseignes accueilleront de futurs programmes immobiliers (8 000 logements doivent être construits à proximité immédiate du projet d’ici 2025) ou “seront rendus à la nature, apportant ainsi une solution en matière de gestion des eaux de pluie à cette partie de l’agglomération montpelliéraine”. Il n’existe cependant aucun engagement concret à date sur la réalisation de cette conversion des anciennes zones commerciales.

Sources