Pour comparer les propositions de 2 candidats, veuillez tourner votre mobile
Pour consulter La France en chiffres, veuillez tourner votre mobile
La France en chiffres
Comparer les propositions de
Comparer
Marine Le Pen
avec
...
BIOGRAPHIE

Marine Le Pen est une avocate et femme politique française. Elle est la candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle de 2022.


Née en 1968, elle est diplômée d’une maîtrise de droit et d’un DEA de droit pénal de l’Université Panthéon-Assas. Elle devient avocate au barreau de Paris en 1992. En 1998, elle pilote la création du service juridique du Front national, parti fondé par son père Jean-Marie Le Pen.

Elle est élue conseillère régionale de la région Nord-Pas-de-Calais et occupe ce poste de 1998 à 2004 puis de 2010 à 2015. Elle est également élue conseillère régionale d’Île-de-France entre 2004 et 2010, puis conseillère régionale des Hauts-de-France de 2016 à 2021. Elle est députée de la circonscription du Pas-de-Calais depuis 2017. En 2004, elle est élue députée européenne puis réélue en 2009 et en 2014.

En 2007, elle prend en charge la direction stratégique de la campagne à l’élection présidentielle de Jean-Marie Le Pen  et en 2011, elle lui succède à la direction du parti. Elle se présente à l’élection présidentielle d’abord en 2012, puis en 2017 où elle atteint le second tour face à Emmanuel Macron. En 2018, le Front national devient le Rassemblement national.

En janvier 2020, elle annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 et renonce en juillet 2021 à la direction du parti pour se consacrer à sa campagne.
Site de campagne

Construire 20 EPR et démanteler les éoliennes

« En novembre 2021, Marine Le Pen défend assez fermement l’énergie nucléaire considérant que cette énergie est un « atout décisif pour nos entreprises » et que « le nucléaire est une énergie sûre, abondante, bon marché, propre, que nous maîtrisons et qui est l’énergie la plus décarbonée qui soit, c’est une chance incroyable que nous a léguée le général de Gaulle, il faut donc évidemment se servir de cet avantage, ne pas l’abandonner, ne pas l’affaiblir, au contraire le développer ».

Elle souhaite ainsi « lancer le chantier de six EPR tout de suite » et ne ferme pas la porte à de nouveaux EPR ensuite indiquant « nous analyserons au fur et à mesure des besoins ». Elle a par ailleurs demandé, au Président de la République, un moratoire sur le démantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim pour « laisser à son éventuel successeur la liberté de faire marche arrière et de pouvoir rouvrir Fessenheim ».

Source : Le Point

La candidate souhaite de plus « débarrasser la France des éoliennes tant en mer qu’à terre », indiquant qu’elle arrêterait notamment « tout ce qui est en construction actuellement […] et les subventions pour ces projets ». Elle va même plus loin en disant souhaiter lancer « un grand chantier pour les démonter ».

Mi-mars 2022, la candidate a précisé son programme. Ainsi, elle plaide pour une réouverture au plus vite de la centrale de Fessenheim, fermée en 2020, et le prolongement de la durée de vie des réacteurs en service jusqu’à 60 ans. Elle promet aussi la construction de « cinq paires d’EPR pour une mise en service en 2031 et cinq paires d’EPR 2 pour 2036 ». Un plan qu’elle souhaite baptiser « Marie Curie » auquel elle propose de joindre des « pays européens amis » qui chercheraient à se détourner de la stratégie énergétique de l’Union européenne. Elle prône ainsi « la sortie du marché européen libéralisé de l’énergie ». « 

 Sources : Les Échos et Public Sénat

Estimation
Coût par an à horizon 2050
Par l'Institut Montaigne
8,25 Md€
9 Md€ estimation basse
7,5 Md€ estimation haute
Précision
Par la candidate
Théoriquement neutre.
Extrêmement incertain, car nécessite de revenir sur des engagements de revenus auprès d’un grand nombre d’acteurs privés et exige un rythme de développement de la filière photovoltaïque plus qu’ambitieux.

Surcoût estimé à 1,5 Md€ par an sur la prochaine mandature, et entre 7,5 et 9 Md€ par an à horizon 2050.

L’atteinte de la neutralité carbone en 2050 et la mise en œuvre du plan « Fit for 55 » de la commission européenne nécessiteront la fixation d’orientations de politique énergétique à long terme lors du prochain quinquennat. Comme l’a montré l’étude réalisée par RTE sur les futurs énergétiques à l’horizon 2050 (1), quel que soit le mix retenu, l’atteinte des objectifs représentera un challenge et nécessitera des investissements conséquents (entre 20 et 25 Md€ par an selon RTE), aussi bien dans le parc de production que dans les réseaux, même dans le cas d’un scénario avec du nucléaire, le parc devant être renouvelé au-delà de 60 ans de vie (2). Le présent exercice de chiffrage compare les coûts complets annualisés du mix énergétique proposé par le candidat, par rapport au scénario N03 étudié par RTE dans son étude à horizon 2050, scénario le moins coûteux qui prévoit un mix 50 % nucléaire à horizon 2050 (3).

Marine Le Pen propose une trajectoire ambitieuse de développement du nucléaire avec le prolongement de toutes les centrales actuelles à 60 ans, la construction de 20 EPR qui entreraient en service à partir de 2031. Son programme se rapproche donc du programme N03 de RTE sur son volet nucléaire.

Cependant, la crédibilité du scénario de ce renouveau nucléaire peut être mise en question. Le rapport RTE mentionne en particulier une mise en service au plus tôt d’une première paire de réacteur à l’horizon 2035, d’une seconde paire à l’horizon 2040 et d’une troisième paire vers 2045, soit respectivement 4, 9 et 14 ans après l’horizon fixé par la candidate pour la mise en production de 5 paires de réacteurs. À ce titre, le rapport RTE précise : « Cette perspective d’accélération, considérée dans les scénarios N2 et N03, correspond au rythme maximum communiqué par les acteurs de la filière nucléaire au cours de la concertation. Il a notamment fait l’objet de contributions écrites spécifiques de la part d’EDF, du GIFEN, de la SFEN et du CEA à l’occasion de la consultation publique. » (4) Le renouveau nucléaire proposé par la candidate ne peut donc s’écrire dans de tels délais.

Si le scénario de la candidate apparaît dès lors irréaliste dans ses délais, il apparaît également peu réaliste sur les possibilités de monter autant en puissance en matière de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. En effet, le rapport RTE mentionne : « Plusieurs acteurs ont suggéré d’étudier la possibilité d’aller au-delà de l’accélération décrite ci-dessus, pour disposer d’un scénario retenant une capacité de production nucléaire plus importante, avec 35 à 40 GW de nouveaux réacteurs en 2050. Un des scénarios initialement proposés par RTE dans la consultation publique était d’ailleurs basé sur ce type de trajectoires. Pour autant, cette proposition n’a pas été reprise par des acteurs industriels, qui ont indiqué que les contraintes de supply chain rendaient difficilement envisageable d’atteindre un tel rythme. » (5). Ce diagnostic est partagé par la Cour des comptes dans son rapport sur les enjeux structurels pour la France de novembre 2021 relatif aux choix de production électrique : anticiper et maîtriser les risques technologiques, techniques et financiers (cf. ci-dessous).

Par ailleurs, au sujet des éoliennes, la candidate envisage de lancer « un grand chantier pour les démonter« , ce qui suggère que le démantèlement de ces éoliennes proposée par la candidate ne s’étendra pas au-delà de 25 années, correspondant à la durée de vie minimale attendue des éoliennes construites récemment. L’hypothèse médiane présentée dans cette fiche correspond à ce choix fort porté par la candidate sur le reste du mix en souhaitant se passer complètement de l’énergie éolienne. Le développement de 20 EPR ne saurait être suffisant pour compenser l’absence d’énergie éolienne. Le mix EnR du scénario proposé par la candidate sera donc essentiellement photovoltaïque. Il faudrait en effet, en se basant sur le scénario de consommation de référence, multiplier la capacité installée actuelle par près de 18 et par près de 7 la capacité d’installation de nouveaux panneaux photovoltaïques. Par ailleurs, un mix uniquement photovoltaïque pose des problèmes d’équilibrage et de sécurité d’approvisionnement majeurs, compte tenu du profil de production du solaire qui est plus important en été qu’en hiver et est nul la nuit, alors que la consommation atteint son pic les soirs d’hiver. Dans une hypothèse basse, le “grand” chantier de démantèlement s’étalerait sur la durée de vie des éoliennes actuellement en place, c’est-à-dire sur plus de 25 ans.

De surcroît, la candidate ne souhaite pas promouvoir la possibilité d’échange d’énergie auprès des autres pays de l’Union européenne si ceux-ci n’adhèrent pas à sa conception de la politique énergétique. Une suppression des échanges aux frontières ou le maintien à leur niveau actuel, nécessiterait l’ajout de nouvelles capacités permettant d’assurer la sécurité d’approvisionnement (entre 15 et 20 GW). Une telle fermeture des frontières de l’énergie associé à une absence d’éolienne dans le mix-énergétique nécessitera donc de développer des capacités flexibles plus importantes et pour certaines coûteuses (batteries, stockage saisonnier, thermique décarboné…). Le surcoût lié à ces flexibilités pourrait être compris entre 7 et 8,5 Md€/an à horizon 2050.

Enfin, le démantèlement de toutes les éoliennes et l’arrêt des projets en cours (notamment éoliens en mer) revient à spolier massivement des acteurs privés. Des indemnisations seront donc à prévoir. Si les montants résulteront de négociations, il semble crédible d’imaginer que ces indemnisations pourraient représenter de l’ordre de 2,5 Md€ / an sur le prochain quinquennat.

Commentaires de l’équipe de campagne

Contactée, l’équipe de campagne de Marine Le Pen conteste le chiffrage de l’Institut Montaigne et explique que le projet Marie Curie “sera rentable”. Elle estime par ailleurs que le démantèlement des éoliennes sera réalisé au terme de leur durée de vie, et qu’il n’y aura aucune indemnisation à verser. L’Institut Montaigne a ainsi défini une hypothèse basse correspondant à ce scénario.

Concernant le plan “Fit for 55” de la Commission européenne, la candidate “ne reconnaît naturellement aucune crédibilité à ce plan catastrophique qui, suivant le chemin désastreux de l’Allemagne, amène le continent à une situation de dépendance énergétique aux énergies fossiles et nullement vers la neutralité carbone”. Elle remet par ailleurs en question l’important travail réalisé par RTE : “il est d’ailleurs consternant, pour ne pas dire autre chose, que le rapport RTE valide comme par hasard une capacité à atteindre les nouveaux objectifs du Président Macron. Il est admirable que les lois de la physique et les contraintes de l’industrie sur 28 ans correspondent comme par magie à la volonté présidentielle. Un hasard sans doute”.

L’Institut Montaigne maintient sa fiche en l’état.

(1) Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à l’étude permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, RTE, octobre 2021.

(2) Seul 16 GW d’ancien nucléaire n’aura pas atteint le cap de 60 ans à horizon 2050.

(3) 23 % de nucléaire existant et 27 % de nouveau nucléaire.

(4) Pages 126 et 127 du rapport RTE précité.

(5) Pages 126 et 127 du rapport RTE précité.

Toutes les analyses développées ci-dessous sont menées en comparant les coûts annualisés du scénario choisi par le candidat aux coûts du scénario N03, mix énergétique le moins coûteux étudié par RTE dans son rapport sur les futurs énergétiques à horizon 2050 (6).

S’agissant du volet nucléaire, le scénario étudié par RTE le plus proche de la proposition de la candidate est le scénario N03 (la candidate a notamment affiché sa volonté de stopper la fermeture des réacteurs actuellement prévue par la PPE, de prolonger les réacteurs existants à 60 ans, de construire 20 EPR (7)). Avec 20 réacteurs (à comparer aux 14 du scénario N03), on obtient une capacité de production de 33 GW.

La candidate souhaiterait vraisemblablement construire davantage de réacteurs nucléaires que ce qui est présenté dans les scénarios du rapport RTE. La relance du programme nucléaire ne pourra que difficilement se faire au rythme présenté par la candidate, du fait de la nécessité du manque d’anticipation du remplacement des premières centrales nucléaires qui devraient être démantelées dans les deux décennies à venir. En effet, comme le note la Cour des comptes dans son rapport sur les enjeux structurels pour la France de novembre 2021 relatif aux choix de production électrique : anticiper et maîtriser les risques technologiques, techniques et financiers : « De ce point de vue, le fait que les choix en matière de mix électrique n’aient pas été effectués il y a dix ans, oblige d’ores et déjà à intégrer, comme le prévoit la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) adoptée en mars 2020, la nécessité d’une prolongation jusqu’à 60 ans d’une partie du parc, avec les contraintes en termes de sûreté et les aléas du passage de la cinquième visite décennale qui en résultent. En toute hypothèse, les dates rapprochées de mise en service initiale du parc nucléaire, concentrent son arrêt sur une courte période, avec pour conséquence un « effet falaise » et ce, quel que soit le scénario retenu. » Au delà de la PPE, c’est donc la rapidité à mobiliser un appareil productif de construction de réacteurs nucléaires, qui n’a pas encore été reconstitué à ce stade, dans des délais très courts qui apparaît être le principal défi d’un portage exclusif sur la filière nucléaire du mix énergétique à l’horizon 2050.

Les centrales nucléaires actuelles ne pouvant probablement dépasser une durée de vie de 60 ans, tout du moins pas à un coût compétitif, investir dans le nucléaire sur le long terme, nécessite de se lancer dans la construction de nouvelles capacités. Les coûts de production des EnR suivant une courbe inverse de ceux de production du nucléaire, le coût de l’EPR ayant été largement réévalué et restant largement incertain, choisir un mix basé sur la construction de nouveau nucléaire, pourrait nécessiter des coûts de production plus élevés que dans un scénario 100 % EnR. Ainsi RTE considère qu’à horizon 2050, les coûts de production des EnR pourraient être compris entre 25 et 70€/MWh (hors petit PV sur toiture) alors que le nouveau nucléaire est estimé entre 60 et 80€/MWh au même horizon.

Par ailleurs, investir dans du nouveau nucléaire pose nécessairement la question et le coût de la gestion de plus de déchets nucléaires, qui nécessitera de réinvestir dans les infrastructures de gestion du combustible usé et d’augmenter la capacité de stockage du projet Cigéo. RTE estime dans son bilan prévisionnel 2050, les coûts liés à la gestion des combustibles usés à un peu plus de 800 M€/an dans un scénario avec 8 EPR. À ces coûts s’ajoutent un coût de gestion des déchets (extension de Cigéo) estimé 2,1€/MWh.

Néanmoins cette hausse des coûts de production et de gestion du combustible et des déchets, serait intégralement compensée par un besoin moindre en flexibilité et en renforcement des réseaux de transport et de distribution, par rapport à un scénario 100 % renouvelable. RTE estime ainsi que les besoins de flexibilités et d’adaptation des réseaux induits par le caractère décentralisé et intermittent des EnR sont responsables de surcoûts pouvant aller jusqu’à 20 Md€/an à horizon 2050, pour les scénarios sans nouveau nucléaire par rapports aux scénarios avec nouveau nucléaire.

En plus de la construction de 20 EPR, la candidate propose de rouvrir Fessenheim. Il est difficile de chiffrer le coût de la réouverture de Fessenheim : cette réouverture pourrait nécessiter la réalisation d’un certain nombre d’investissements pour compenser les opérations de maintenance récurrentes non réalisées depuis la fermeture des réacteurs et pour faire marche arrière, suite aux préparations du démantèlement déjà effectuées. Par ailleurs, cette ouverture nécessitera l’aval de l’ASN : la date à laquelle un accord de l’ASN pourrait être accordé est incertain, alors que les 4e visites décennales sont encore en cours sur plusieurs réacteurs. Néanmoins, la centrale ayant eu des bonnes performances de fonctionnement, la réouverture de Fessenheim ne devrait pas engendrer de surcoûts importants, les coûts de production associés pourraient donc être proches de ceux considérés pour les centrales de la même génération, et donc des coûts compétitifs par rapport aux autres moyens de production. Il est donc fait l’hypothèse que ce surcoût serait négligeable. La réouverture de Fessenheim pourrait par ailleurs permettre au gouvernement de renégocier l’indemnité compensatoire versée à EDF (377 M€).

La candidate fait par ailleurs un autre choix fort en matière de mix énergétique, en souhaitant se passer totalement de l’énergie éolienne. En effet, la candidate indique vouloir interdire non seulement tout nouveau projet éolien terrestre et maritime (offshore), mais aussi déconstruire les éoliennes existantes. Le parc représente à mi-2021 18,2 GW d’éoliennes étaient raccordés en France, selon le panorama de l’électricité renouvelable à juin 2021 publié par RTE. La production éolienne annuelle se situe selon ce même panorama aux alentours de 40 TWh par an. Pour compenser l’absence de production de ces éoliennes en place, la réouverture de Fessenheim ne sera pas suffisante (la production annuelle de la centrale s’établissait en effet avant sa fermeture à 11 TWh par an environ). Dès lors, la fermeture des éoliennes déjà en place ne peut être envisagée que sur le moyen terme, afin de permettre le développement des technologies de substitution.

À horizon 2050, le surcroît d’énergie issue de la filière nucléaire ne suffirait de loin pas à compenser l’absence d’éolienne dans le paysage énergétique de la France de 2050. Le mix EnR du scénario de la candidate, sera donc différent de celui étudié par RTE dans son scénario N03 (43 GW d’éolien en terre et 22 GW d’éolien en mer (8)). Par rapport au scénario N03 de RTE, il manquerait donc 123 TWh (9).

La candidate mentionne la géothermie et la biomasse, néanmoins il parait assez peu probable que ces énergies puissent être mobilisées à grande échelle. Ni RTE, ni plus récemment l’ADEME dans son étude  « Transitions 2050 » ne considèrent que ces énergies présentent un haut potentiel à horizon 2050. L’ADEME a fait ainsi l’hypothèse que ces énergies ne pouvaient se développer au-delà des objectifs PPE, et RTE intègre uniquement 2GW (12 TWh) de ces énergies dans ses scénarios, considérant notamment que la ressource biomasse sera rare et devra être mobilisée pour d’autre usages où elle sera plus efficace (consommation de gaz par exemple). Même en considérant une politique volontariste de développement de ces énergies (multiplication par 2 par rapport aux hypothèses RTE), il faudra donc remplacer l’arrêt des projets éoliens par un surcroît d’énergie photovoltaïque : l’énergie supplémentaire fournie par du PV peut être estimée à 110 TWh (10) environ (quantité annuelle d’énergie fournie par 90 GW de puissance installée environ), qui s’ajouterait aux 86 TWh (70 GW) de photovoltaïque déjà prévus dans le scénario N03 de RTE. La filière photovoltaïque devrait alors à cette date produire un peu moins de 200 TWh par an, soit une multiplication par 18 des installations actuelles et un volume de PV qui se rapproche du volume des scénarios M0 et M1 de RTE.

Le scénario de la candidate repose donc en très grande partie sur le photovoltaïque. Le rapport RTE mentionne en particulier que « Dans le scénario articulé autour de l’objectif de sortie du nucléaire à l’horizon 2050 (M0), le rythme de mise en service de nouvelles installations atteint environ 7 GW par an sur l’ensemble de la période 2020-2050. Au-delà de la croissance du parc, le renouvellement des installations les plus récentes devra s’organiser essentiellement à partir de la décennie 2040 (la durée de vie considérée des installations solaires est de 25 à 30 ans). La mise en place d’une capacité industrielle suffisante pour tenir cette accélération devra s’anticiper afin que celle-ci puisse être déployée progressivement et être au rendez-vous à partir des années 2030. » En effet, la capacité d’installation sur les dernières années est de l’ordre d’1 GW par an, ce qui induit une multiplication par plus de 7 des capacités actuelles de nouvelles installations de panneaux photovoltaïques.

Au-delà d’un doute quant à la faisabilité d’un tel mix, le choix de ne miser que sur de l’énergie photovoltaïque pourrait engendrer une hausse des coûts de production par rapport à un scénario avec de l’éolien. En effet, il faudra probablement développer une quantité non négligeable de petit PV sur toiture, pour pouvoir atteindre la capacité installée nécessaire. C’est la seule EnR qui reste, à horizon 2050, à un niveau de coût de production très élevé (entre 105 et 130 €/MWh d’après RTE), alors que l’éolien ne dépasserait pas les 70 €/MWh à cette même échéance. Par ailleurs, un tel mix va demander de développer plus de flexibilités que dans le cas d’un mix plus équilibré. En effet, cela revient à se passer du foisonnement entre les profils de production solaire et éolien qui, malgré l’intermittence de ces énergies, permet d’assurer une meilleure stabilité de la production. Par ailleurs, cela revient à se passer de production EnR la nuit, et notamment les soirs d’hiver, alors que la demande y est la plus importante. RTE estime d’ailleurs dans son étude, qu’un mix EnR optimisé devrait s’appuyer sur une part de solaire (par rapport au total de la production éolienne et photovoltaïque) comprise entre 10 et 15 %.

Chiffrer le coût du développement de ces flexibilités est difficile, il nécessite de pouvoir modéliser précisément le besoin en regardant les courbes de charge de consommation et de production sur l’ensemble d’une année, pour déterminer les moyens les plus pertinents à mettre en place. Au-delà même d’un bouquet de flexibilités plus important en terme de capacité que dans un scénario avec éolien, il faut donc considérer un bouquet différent (il faudra plus investir par exemple dans du stockage saisonnier qui est particulièrement coûteux). Néanmoins, pour estimer le surcoût de flexibilité induit par la transformation de 110 TWh d’éolien en solaire, on peut en première approximation comparer les scénarios M1 et M23 de RTE : les flexibilités coûtent d’après RTE, 16,5 Md€/an à horizon 2050 dans le scénario M1 et 14 Md€/an dans le scénario M23. Cet écart de 2,5 Md€ (=16,5 – 14) correspond à un volume de l’ordre de 80 TWh d’énergie éolienne qui ne seraient pas produit dans un mix globalement équilibré par ailleurs entre énergie éolienne et énergie solaire. Au total, le surcoût lié au mix énergétique serait donc ici un peu supérieur, de l’ordre de 3 Md€ (=2,5 x 110/80).

Par ailleurs, la candidate envisage que les échanges d’énergie avec les pays voisins soient limités. Les scénarios RTE mentionnent la possibilité de procéder à des échanges d’énergie avec des pays voisins pour jusqu’à 39 GW. Or la candidate ne souhaite pas promouvoir la possibilité d’échange d’énergie auprès des autres pays de l’Union européenne si ceux-ci n’adhèrent pas à sa conception de la politique énergétique. Comme il n’est pas possible de se prévaloir de l’adhésion d’autres pays au détournement de la politique européenne annoncé par la candidate, il sera fait l’hypothèse que la candidate stoppera tout nouveau projet d’interconnexion et se basera donc uniquement sur les capacités actuelles (12 GW). Le cas extrême d’absence total d’échanges avec nos voisins (peu crédible en l’état des règles de fonctionnement du marché européen) sera également étudié. La diminution ou l’absence de telles flexibilités nécessiterait de renforcer d’autres sources d’énergie afin de sécuriser l’approvisionnement énergétique du pays. Le chiffrage d’une restriction des interconnexions n’est pas aisé, il nécessite de connaitre précisément les profits d’exports/imports étudiés pris en compte dans les scénarios de RTE, pour déterminer les solutions à mettre en place les plus pertinentes pour pallier le manque d’interconnexions (stockage pour garder l’énergie qui devait être exportée pour les situations où les importations étaient nécessaires, construction de moyens de production supplémentaires…). D’après le rapport de RTE (11), si les capacités d’échanges sont réduites à 12 GW (capacité actuelle), la France devra développer 15 GW de capacités supplémentaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement. Ce besoin augmente à 20 GW en l’absence totale d’échange. Il sera fait l’hypothèse forte et simplificatrice que ces capacités supplémentaires seront assurées par des moyens flexibilités (et plus précisément thermiques décarbonés et batteries qui sont les principaux moyens de flexibilité dont le volume change entre les scénarios de RTE). En comparant le coût de ces flexibilités entre les différents scénarios de RTE (12), on peut estimer que 1 GW de ce type de flexibilité coûte 0,3 Md€/an : le surcoût lié à la restriction des échanges aux frontières peut donc être estimés dans une fourchette entre 4,5 et 6 Md€/an.

Enfin, comme pour l’arrêt du nucléaire, le démantèlement des éoliennes déjà en place et l’arrêt des projets à venir (notamment les projets éoliens en mer déjà attribués) :

  • Nécessitera d’indemniser les porteurs de projets, pour réparer le préjudice subi : Le chiffrage de l’indemnité n’est pas aisé
    Pour les sites déjà en service, il doit prendre en compte les recettes prévisionnelles nettes des coûts (exploitation et investissements de maintenance/exploitation) qui auraient été nécessaires à l’exploitation des actifs, mais aussi l’amortissement de l’investissement initial par l’exploitant. Les installations éoliennes soit disposent de dispositifs d’achats (tarif ou complément de rémunération) sur une durée comprise entre 15 et 20 ans, soit sont lauréates d’appels d’offres qui aboutissent à des contrats sur 20 ans dans la majorité des cas. D’après la délibération de la Commission de régulation de l’énergie relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2021, le montant du soutien à la filière éolienne via les obligations d’achats en 2021 (coût d’achat par EDF de l’énergie produite pour les installations sous obligation d’achat, celles mises en service avant 2016, qui représentent près des 2/3 du parc actuel) est estimé à 2,4 Md€ pour une quantité produite de 26 TWh. Si l’on considère que le reste du parc a une espérance de recette de 60€/MWh en lien avec les derniers résultats d’AO, le niveau de recettes annuelles qui était actuellement garanti à la filière peut donc être estimé à un peu plus de 3 Md€/an. Considérant que le parc actuel a 8 ans en moyenne (en considérant les puissances installées par année), le revenu garanti sur les durées de contrat restantes peut être estimé à de l’ordre de 20 Md€ (13). La fermeture des sites évitera aux exploitants un certain nombre de frais, le montant de l’indemnité serait donc moindre, mais se compterait probablement quand même en milliards d’euros (un montant compris entre 2 et 4 Md€ par an correspondant à une rentabilité comprise entre 10 et 20 % de ces installations semble crédible (14)). Concrètement, en prenant le revenu garanti restant (20,3 Md€) et les coûts d’investissements restant à amortir (les « CAPEX » représentent entre 60 et 66 % des coûts d’une éolienne), l’indemnisation représenterait entre 12 et 13 Md€ (=20,3 Md€ x 60 % ou 66 % (15)), à prendre dès que la décision juridique est prise, ce qui représenterait un coût d’un petit peu plus de 2,5 Md€ par an en moyenne sur le prochain quinquennat.
  • Aura un impact important sur la filière qui employait selon la fédération énergie éolienne (FEE) 22 600 personnes en 2020.

Dans un scénario bas, le démantèlement des éoliennes s’étalerait sur 25 ans, ce qui ne correspondrait alors pas à un « grand chantier », le démantèlement des éoliennes étant prévu tant par la réglementation que financièrement par les exploitants.

En synthèse, le scénario de mix proposé par Mme Le Pen, bien que se basant sur du nouveau nucléaire représente un surcoût par rapport à un scénario avec nucléaire optimisé de l’ordre de :

  • de 1,5 Md€/an à la fin de la prochaine mandature en raison du développement de flexibilités supplémentaires nécessitées par l’abandon des projets éoliens et à la restriction des échanges aux frontières ;
  • entre 7,5 et 9 Md€/an à horizon 2050 de surcoûts induits par les flexibilités nécessaires à l’abandon de l’éolien et à la restriction des échanges aux frontières.

À ces surcoûts de coût complet du mix électrique, s’ajouteront les coûts d’indemnisation des différents exploitants pour combler les coûts échoués engendrés par la fermeture précoce des éoliennes déjà en place et l’abandon des projets en cours. Cette indemnisation pourrait représenter de l’ordre de 2,5 Md€ / an sur le quinquennat.

Le coût complet du scénario proposé par Marine Le Pen représenterait à horizon 2050, un coût annuel compris entre 66 et 67,5 Md€/an. Ce coût complet, tel que le défini dans le rapport RTE précité, correspond à un coût complet de l’énergie à l’horizon 2050 et non pas du surcoût par rapport à aujourd’hui. Ce coût complet est actuellement d’un peu plus de 40 Md€ et correspond à tous les coûts annualisés – y compris d’investissements – de l’ensemble des filières de production mais également des besoins de flexibilité et de réseau. Le scénario de référence de RTE pris en compte dans ces chiffrages, correspondant au scénario N03, est le moins cher et représenterait un coût complet d’un peu moins de 60 Md€ à l’horizon 2050, soit de l’ordre de +20Md€ par rapport à aujourd’hui.

Le chiffrage de la mesure proposée par Marine Le Pen est complexe car nécessite de disposer de données non publiques (notamment relatives à Fessenheim) et repose en grande partie sur des coûts d’indemnisations d’acteurs privés, qui seront le fruit de négociations. Enfin, la candidate donne peu d’informations sur le rythme de démantèlement visé pour les éoliennes ni sur les moyens déployés en substitution. Enfin, le chiffrage dépend également d’hypothèses fortes sur le coût et le type de flexibilités qui ont vocation à se développer à l’avenir et qui sont encore largement incertains.

Mise en œuvre

Comme énoncé précédemment, se passer de l’énergie éolienne nécessite en contrepartie de développer beaucoup de photovoltaïque (multiplication par 40 de la capacité actuelle). Ce rythme de croissance est beaucoup plus ambitieux que la croissance la plus ambitieuse envisagée par RTE (multiplication par 22 de la capacité actuelle). Il semble difficilement atteignable pour la filière photovoltaïque. La faisabilité d’un tel scénario semble donc très faible. Ainsi, l’abandon de l’ensemble des projets éoliens ne peut être envisagé que si :

  • à court/moyen terme, le démantèlement des éoliennes actuelles est très progressif et accompagné du maintien du parc nucléaire actuel dans son intégralité (avec la réouverture de Fessenheim) ;
  • à horizon 2050, l’abandon de l’énergie éolienne est compensé par d’autres sources d’énergie que celles identifiées par Marine Le Pen et/ou par des actions fortes en matière de sobriété énergétique et/ou par un maintien des échanges d’énergie avec le reste de l’Europe.

Même si ces conditions sont réunies, un scénario sans éolien continuerait à représenter un défi important : en effet renoncer au foisonnement entre éolien et photovoltaïque, dont les facteurs de charge sont très différents, va aggraver le besoin de flexibilité du système électrique (batteries, flexibilité de la demande, nouveau thermique décarboné), notamment les heures nocturnes et les mois d’hiver. Au-delà du coût de cette flexibilité, chiffré ci-dessus, un tel scénario fait donc peser une incertitude majeure sur la possibilité de répondre à la demande de la pointe du soir en hiver.

(6) Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à l’étude permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, RTE, octobre 2021.

(7) Le scénario N03 prévoit le développement de 14 EPR et quelques SMR pour un volume de nouveau nucléaire à horizon 2050 de 27 GW.

(8) À titre de comparaison, dans ce scénario le plus nucléaire des scénarios présentés par RTE, la production d’origine nucléaire serait de l’ordre de 27 GW.

(9) Par rapport à N03, le scénario comprend 6 GW de nucléaire de plus, correspondant à 42 TWh de plus tandis que la suppression de l’éolien correspond à une perte de 165 TWh (source : page 173 du rapport RTE précité et règle de trois à partir de ces données).

(10) = 123 TWh mentionnés plus haut – 12 à 13 TWh dus au doublement de la géothermie et de la biomasse.

(11) Figure 7.11 page 282 du rapport RTE précité.

(12) Figure 11.31 page 508 du rapport RTE précité.

(13) Ce chiffrage est globalement cohérent avec les montants d’engagements pour l’éolien terrestre chiffrés par le comité de gestion des charges de service public de l’électricité dans son 2ème rapport annuel : estimés entre 27 et 20 Md€ en fonction des scénarios de prix.

(14) Cf. notamment graphique page 30 du rapport annuel du Comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE) n°3, exercice 2020.

(15)  Estimation à partir de la page 5 du document de la FEE (France énergie éolienne).

La France
en chiffres
Où en est la France depuis 2012,
quel chemin parcouru depuis 2017 ?
Pour éclairer les enjeux de la campagne présidentielle de 2022, l’Institut Montaigne se propose d’esquisser à l’aide de chiffres clés l’évolution des performances de la France depuis 2012. À la fois photographie de l’état de la France, mise en contexte des propositions des candidats, éléments d’évaluation des politiques publiques, l’Institut tire ici le portrait de la France autour de 13 grands thèmes.
La France en chiffres