Notre démarche
Cet exercice de synthèse a pour objectif de recenser les propositions des candidats dont l’impact strictement budgétaire peut être évalué de façon suffisamment précise, selon la méthode que nous retenons pour l’ensemble de nos opérations de chiffrage. Nous ne retenons ici que les mesures d’économies, de dépenses, de hausses et baisses de recettes dont l’impact budgétaire est supérieur à 500M€ et dont la nature et la mise en œuvre sont suffisamment détaillées pour en évaluer l’impact.
Les montants cumulés correspondent par conséquent à l’ensemble des mesures dont l’impact a pu être évalué, selon ces critères. Ils ne signifient pas que les autres mesures, dont l’impact budgétaire est moins significatif ou dont le niveau de précision n’est pas suffisant, ne produiront pas les effets attendus par les candidats. Une fois précisés, il conviendra alors de les ajouter à ces montants cumulés.
Cette méthode est appliquée de manière rigoureusement identique à l’ensemble des programmes.
Le programme de François Fillon prévoit une croissance augmentant progressivement jusqu’à 1,8 % à la fin du quinquennat. Ce rythme de croissance, prudent en début de période, n’a pas été atteint en France pendant tout le quinquennat actuel et est supérieur à celui prévu par la Commission européenne à partir de 2019 – qui ne tient pas compte de l’impact de potentielles réformes structurelles. En reprenant les hypothèses de croissance potentielle de la Commission européenne, l’écart de production serait de l’ordre de 1,4 point à l’horizon 2022, ce qui correspond à un scénario optimiste pour la croissance sur une période assez longue (L’écart de production correspond à l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel, ce dernier correspondant à la production pour laquelle il n’y a pas de tensions sur les prix dues à des déséquilibres macroéconomiques. Il est estimé par de nombreuses institutions françaises ou internationales. Ici, c’est l’écart de production de la Commission européenne qui est repris.)
Source : Institut Montaigne à partir des documents de la Commission européenne, du programme du candidat et de l’avis du Haut Conseil des finances publiques d’avril 2016 sur le programme de stabilité du même mois.
Note de lecture : la prévision de croissance du candidat est tracée en rouge et peut être comparée à la prévision de croissance de la Commission européenne.
La prévision de croissance de la Commission tracée en bleu correspond au comblement de l’écart de production à l’horizon 2021. Ce scénario est en principe un scénario moyen au regard des données dont on peut disposer aujourd’hui. Un scénario de croissance allant au-delà de ce scénario peut donc être considéré comme optimiste.
La prévision du Gouvernement d’avril 2016 est en gris pointillé. Le dernier point de cette prévision (croissance de 1,9 % pour 2019) a été jugé optimiste par le Haut Conseil des finances publiques en avril 2016. Un scénario de croissance qui dépasse ce point peut dès lors être considéré comme optimiste.
La croissance potentielle (en noir trait plein) représente la croissance moyenne que l’on peut attendre à long terme en France et correspond donc à un scénario de croissance prudent.
Parmi les mesures du programme de François Fillon impactant à la hausse le niveau des dépenses publiques, nous avons fait le choix de retenir les éléments les plus significatifs, dont le chiffrage dépasse 500 M€ par an ou qui sont aisément chiffrables. Au total, l’accroissement des dépenses pérennes (celles qui n’ont pas vocation à s’éteindre à l’issue du quinquennat) devrait atteindre 11,9 Md€ par an après montée en charge, au-delà de la trajectoire actuelle (dite tendancielle) d’augmentation de la dépense.
Comme dans l’ensemble des programmes, les propositions annoncées par le candidat impliquent un certain nombre de dépenses supplémentaires. Leur impact n’est pas pris en compte ici, soit faute de précisions suffisantes, soit parce que leur coût, pris individuellement, est inférieur à 500 M€. Au total, elles pourraient cependant peser de façon significative sur les comptes publics.
Le quantum d’économies projetées par le candidat (100 Mds) est censé permettre de compenser ces mesures, de les dépasser et conduire le budget de l’État à l’équilibre. Le programme prévoit 50 Md€ d’économies sur les dépenses sociales (dont 20 Md€ sur la santé), 35 Mds sur les dépenses de l’Etat et 15 Mds sur les dépenses des collectivités locales.
Parmi ces mesures d’économies, une réduction massive du nombre de fonctionnaires est envisagée, avec la suppression de 500 000 emplois publics sur les trois fonctions publiques (Etat, hospitalière, territoriale). Pour la fonction publique d’État, en considérant que les ministères de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice seraient épargnés, seuls 10 à 15% des départs à la retraite seraient remplacés dans selon nos calculs. En pratique, un tel taux de non renouvellement sur une aussi longue période ne peut être réalisé qu’en ne reconduisant pas une large partie des agents non titulaires.
Les économies attendues sur la sphère Etat, hors dépenses de personnel, sont estimées sur la base d’un gel en valeur de la progression des dépenses, soit environ 15 Md€ en 2022.
François Fillon propose par ailleurs un objectif d’économies de 15 Md€ par an sur les collectivités locales. Il a précisé que la baisse des dotations versées par l’Etat aux collectivités s’élèverait à 7,5 Md€ par an. Ce qui signifie que 7,5 Md€ d’économies sont attendues par ailleurs. Le programme suggère notamment l’instauration d’un mécanisme de bonus sur la dotation globale de fonctionnement, dont les modalités ne sont pas précisées, mais qui inciterait les collectivités à réduire leurs effectifs. En l’état actuel de définition du programme, nous retenons un montant de 7,5 Md€ d’économies sur les collectivités locales, correspondant à la baisse des dotations. Les autres économies annoncées sont potentiellement réalisables mais leur estimation ne peut être produite faute de précisions suffisantes sur leur mise en œuvre.
Enfin, la réforme des retraites, la dégressivité des allocations chômage, le contrôle renforcé de la recherche d’emploi et la réduction de dépenses sur l’assurance maladie pourraient réduire les dépenses de la sphère sociale, de l’ordre de 40,1 Md€.
Compte tenu de ces éléments, nous estimons à 66,6 Md€ par an à terme le montant des économies suffisamment documentées à ce stade.
Le programme de François Fillon comporte également des mesures de baisse des recettes publiques. Celles-ci diminueraient de 55,6 Md€ par an en 2022 suite à l’allègement de nombreuses charges patronales (cotisations familles, baisse de charge niveau du smic, etc.) et salariales (baisse forfaitaire de la CSG), de l’impôt sur les sociétés, ainsi que par la suppression de l’ISF.
François Fillon propose d’augmenter de 2 points la TVA sur les taux supérieur, ce qui pourrait rapporter environ 12,2 Md€ chaque année.
Ce sont donc environ 11,9 Md€ de nouvelles dépenses annuelles qui seraient engagées par la mise en œuvre du programme de François Fillon – auxquels pourraient s’ajouter 8 Md€ liés à la compensation salariale de l’augmentation du temps de travail dans la fonction publique.
[1] A titre indicatif, si néanmoins l’augmentation du temps de travail dans la fonction publique devrait être compensée directement sur les salaires, la rémunération de 25% (hypothèse Institut Montaigne, relativement optimiste) du temps supplémentaire travaillé (donc une heure sur quatre) représenterait un surcoût annuel de 8 Md€. Dans l’hypothèse, plus réaliste, où la rémunération serait de 40% du temps supplémentaire travaillé, le surcoût annuel serait de 13 Md€. A titre de comparaison, les économies engendrées par les suppressions de postes de la RGPP ont été recyclées pour moitié en hausse des salaires, alors même que la durée légale du travail n’avait pas été augmentée.
[2] Près de 53000 logements de ce type mis en chantier en 2015 (source : ANALYSES & STATISTIQUES, ASSEMBLÉE GÉNÉRALE – 16 JUIN 2016, les esh – entreprises sociales pour l’habitat, page 7), avec un prix moyen de production du logement de 140800€ (source : LES HLM EN CHIFFRES – 2013, 74e Congrès de l’Union sociale pour l’habitat, page 22), revalorisé du coût de la construction (environ 2% entre 2013 et 2016), pour une réduction de TVA de 10%. Les zones hyper tendues (Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA) représentent environ la moitié des mises en chantiers (p14 du document précité). Il est donc fait l’hypothèse d’une division par deux du résultat ainsi obtenu.
François Fillon vise 100 milliards d’économies par rapport au tendanciel à la fin du quinquennat : il prévoit ainsi 50 Md€ d’économies sur les dépenses sociales (dont 20 Md€ sur la santé), 35 Mds sur les dépenses de l’Etat et 15 Mds sur les dépenses des collectivités locales.
Notre estimation est la suivante :
François Fillon propose un objectif d’économies de 15 Md€ par an sur les collectivités locales. Dans le cadre de son discours du 22 mars 2017 devant l’Assemblée des maires de France, il a précisé que la baisse des dotations versées par l’Etat aux collectivités s’élèverait à 7,5 Md€ par an.
Ce qui signifie que 7,5 Md€ d’économies sont attendues par ailleurs, notamment de la réduction des effectifs de la fonction publique territoriale. Le programme suggère notamment l’instauration d’un mécanisme de bonus sur la dotation globale de fonctionnement, dont les modalités ne sont pas précisées. L’équipe du candidat indique que d’autres leviers peuvent être mobilisés : clarification des compétences, dynamique des impôts, autres versements financiers (investissement, FCTVA, etc), augmentation du temps de travail dans la fonction publique territoriale, réduction du nombre d’échelons et clarification des compétences.
Le gouvernement ne disposera pas de moyen de contrainte pour s’assurer que la diminution prévue des effectifs de fonctionnaires locaux, de l’ordre de 170 000 si l’on considère une répartition homogène sur les trois fonctions publiques, soit effectivement réalisée. Les collectivités locales disposent de l’autonomie de gestion selon la Constitution. Le candidat propose de développer les incitations aux collectivités locales à maîtriser leur masse salariale, notamment via la modulation des dotations en fonction des dépenses de fonctionnement ou des dépenses de personnel.
Les collectivités locales ne sont tenues que par la règle d’or de leurs budgets. Elles sont déjà à l’équilibre en 2015, y compris sur la section d’investissement. De surcroît, l’État n’a pas infléchi l’alourdissement du poids des normes sur les finances locales ces dernières années. Par ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport annuel sur les collectivités territoriales, estime que la modération des dépenses de fonctionnement sur les dernières années provient de la diminution des dotations (et non pas exclusivement par la mise en place de l’ODEDEL). Ces économies relèvent donc largement de la volonté des élus locaux.
En l’état actuel de définition du programme d’économies, et compte tenu de ces réserves, nous retenons un montant de 7,5 Md€ d’économies sur les collectivités locales, correspondant à la baisse des dotations. Les autres économies annoncées sont potentiellement réalisables mais leur estimation ne peut être produite faute de précisions suffisantes sur leur mise en œuvre.
François Fillon prévoit 35 Md€ d’économies sur les dépenses de l’Etat.
François Fillon prévoit une suppression, au total, de 500 000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat. Une telle réduction du nombre de fonctionnaires permettrait de générer 14 Md€ d’économies par an environ, une fois l’ensemble des suppressions de poste effectuées.
Une part de ces réductions d’emplois est cependant déjà incluse dans les réductions de dépenses des collectivités et de la sécurité sociale. La fonction publique d’État représente 44 % des effectifs de la fonction publique totale, mais contient aussi toutes les fonctions que le candidat souhaite préserver (Défense, Police, justice…). Il peut donc être considéré que la fonction publique d’État supporterait 44 %[1] de la réduction d’effectifs (soit en principe 7 Md€ environ en base annuelle en fin de quinquennat par rapport à une situation avec un remplacement de chaque départ à la retraite). Cette économie (220 000 fonctionnaires) représente un effort très intense.
En estimant que le nombre de départs à la retraite dans les cinq années à venir serait de 55 000 départs par an dans la fonction publique d’Etat (rapport de la Cour des comptes de 2015 sur la masse salariale de l’État), soit de l’ordre de 275 000 départs au total, seul un fonctionnaire de l’État partant à la retraite sur cinq serait remplacé. En considérant que les ministères de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice seraient épargnés, ceci signifierait qu’il n’y aurait aucun remplacement de départs à la retraite de fonctionnaires d’État dans les autres ministères et que le nombre de contractuels devrait de surcroît diminuer dans ces ministères de l’ordre de 15 %[2]. Une telle réduction d’effectif serait incomparablement plus soutenue que celle de la RGPP de la fin des années 2008-2012 (avec la règle de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux). Par exemple, en considérant que les départs à la retraite des enseignants représenteraient la moitié des départs à la retraite, le nombre d’enseignants et d’agents de l’Education nationale diminuerait de 85 000, ce qui ferait plus que compenser les 60 000 postes ouverts au cours du quinquennat précédent.
En pratique, un tel taux de non renouvellement sur une aussi longue période ne peut être réalisé qu’en ne reconduisant pas une large part des agents non titulaires.
Compte tenu de ces réserves, seule la moitié de ces diminutions d’effectifs est prise en compte dans ce chiffrage, 3,5 Md€ environ en base annuelle en fin de quinquennat.
L’État devrait alors encore porter 31,5 Md€ de réduction de la dépense publique. Le programme de François Fillon documente à ce stade les économies liées à la suppression des emplois d’avenir (mais cette économie est recyclée pour développer l’apprentissage), à la suppression de l’AME (pour 0,6 Md€). Il évoque également la fin des subventions des logements sociaux dans les villes qui disposent déjà d’un taux important, le délai de deux ans sur le territoire avant de toucher des aides sociales, les surloyers obligatoires dans les logements sociaux, le plafonnement des aides sociales avec l’allocation sociale unique, la rationalisation de l’audiovisuel public, etc. Le candidat a annoncé une méthode : mener des revues de dépenses et couper les dépenses les moins utiles.
Ces économies seraient réalisées par rapport à la progression tendancielle des dépenses de l’Etat. Le gel des crédits des ministères en valeur n’a en pratique pas été le cas sur les dernières années compte tenu des mesures de contournement de la norme de dépenses (cf. rapport sur le budget de l’État pour 2015 de la Cour des comptes, mai 2016, page 109). Malgré un objectif de gel des dépenses en valeur des crédits des ministères, ces contournements ont représenté 3 Md€ sur la seule année 2015.
En prenant l’hypothèse d’un gel effectif des dépenses en valeur (« 0 valeur ») sur le quinquennat, l’économie par rapport à leur progression tendancielle est estimée à 15 Md€ en base annuelle en 2022.
C’est une hypothèse incontestablement optimiste, d’autant plus que la reprise de l’inflation rendra plus difficilement atteignable la maîtrise de la progression des dépenses en valeur.
En l’état actuel du programme, nous retenons donc 19 Md€ d’économies sur la sphère Etat en base annuelle en 2022.
Compte tenu de ces éléments, nous estimons à 66,6 Md€ par an à terme le montant des économies suffisamment documentées à ce stade.. Des économies indiquées dans le programme mais dont la définition actuelle ne nous permet pas de produire un chiffrage pourraient venir les compléter.
[1] Les effectifs de la fonction publique d’État représentent 44% des effectifs totaux hors emplois aidés de la fonction publique (source : Insee première n° 1640, mars 2017).
[2] Les effectifs des contractuels représentent 378,9 mille agents au sein de l’État (source : Insee première n° 1640, mars 2017). Or les ministères « non prioritaires » ne représenteraient alors que 182 000 départ à la retraite. Il faudrait donc diminuer les effectifs de contractuel de 38 000, soit 15 % des effectifs si l’on considère que la répartition de ceux-ci est harmonisée entre les ministères.
[3] Les départs à la retraite représenteraient 24 000 agents par an (rapport de la Cour des comptes de 2015 sur la masse salariale de l’État), soit 120 000 sur la durée du quinquennat. Avec une réduction du nombre de fonctionnaire homothétique sur les trois fonctions publiques (à partir de la source : Insee première n° 1640, mars 2017), il faudrait diminuer de 107 000 le nombre de fonctionnaires hospitaliers, soit un taux de non remplacement de 9 sur 10 (= 107 / 120).
[4] L’écart moyen sur la période 2010-2016 sur l’ONDAM est de 1,6 point (calcul à partir des rapports annuels de la Cour des comptes sur la loi de financement de la sécurité sociale) et le tendanciel retenu dans le cadre de ces prévisions est de 4,0 %
François Fillon propose d’augmenter de 2 points la TVA sur les taux supérieur, ce qui pourrait rapporter environ 12,2 Md€ chaque année.
Le programme de François Fillon comporte des baisses d’impôts et de recettes pour l’État ou la Sécurité sociale de l’ordre de 55,6 Md€ :
La baisse de recettes estimées pour la sphère publique est donc de l’ordre de 55,6 Md€ par an après montée en charge.
[1] L’investissement en direct ISF-PME représente 800 M€ par an, et les FIP / FCPI lèvent aujourd’hui 800 M€ par an. Le fort relèvement du plafond du Madelin et l’augmentation du taux pourrait avoir un effet incitatif (malgré la suppression de l’ISF) portant l’investissement total à 2,5 Md€ soit une dépense fiscale de l’ordre de 800 M€ (à minorer du coût actuel du Madelin).