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Communiqué de presse À Paris, le 25 avril 2024




Élections européennes : portée et limites des nationaux-populistes
Découvrir la note d'éclairage

À quelques semaines des élections européennes, les enquêtes électorales anticipent une percée significative des partis nationaux-populistes au Parlement européen. Mais derrière l’idée de "vague" ou de "déferlante", quelle influence ces partis peuvent-ils avoir sur l'avancée des politiques européennes ? Quelle est leur vision de l’avenir de l’UE, maintenant qu’ils n’affichent plus la volonté d’en sortir ? Ces visions sont-elles compatibles les unes avec les autres ?

Dans la continuité de notre opération spéciale "Élections européennes 2024", l’Institut Montaigne publie une nouvelle note d’éclairage intitulée "Union européenne : portée et limite des nationaux-populistes" portée par nos experts Georgina Wright, Marc Lazar, Christophe Jaffrelot, Bruno Cautrès et Blanche Leridon.

Cette note analyse les répercussions que la progression de ces groupes aura sur l’avancée des grands dossiers européens, leur capacité d’action au sein du Parlement et leur rapport avec les autres institutions (Commission, Conseil de l’UE), trois conditions essentielles pour infléchir l’agenda européen. Elle analyse également leurs limites, afin d'envisager leurs conséquences concrètes sur la construction européenne, dans une dynamique plus large et plus systémique, s’inscrivant sur le long terme. Cette étude est le fruit d’une réflexion documentée à la fois par l’examen des bases programmatiques, des votes au Parlement européen, mais aussi par de nombreuses auditions menées auprès de politologues, d’historiens et d’élus.

 

"Certes la capacité de ces partis à “changer l’UE de l’intérieur” reste limitée à ce stade - faute d’accord programmatique sur le fond et de relais suffisants auprès des gouvernements nationaux. Mais leur capacité à poser les termes du débat ne doit pas être sous-estimée : l’échelle européenne pourrait agir comme un tremplin les légitimant au niveau domestique, ce qui pourrait, à terme, leur permettre d’intégrer le Conseil de l’UE et détenir des relais, et de l’influence, nécessaire pour ralentir l’Europe."

Georgina Wright, Directrice adjointe des Études Internationales, Expert résidente chargée des affaires européennes

 

"D’un point de vue programmatique et idéologique, les nationaux-populistes présentent plusieurs points communs, mais ces rapprochements dessinent les contours d’une vaste “coalition des contre”, plutôt qu’une très hypothétique majorité de projet."

Marc Lazar, Expert Associé - Démocratie et Populisme

 

"La convergence des partis du groupe Identité et Démocratie sur la Russie est toute relative : si le RN a voté contre la majorité des résolutions condamnant le Kremlin, la Lega de Matteo Salvini - qui est pourtant l'allié privilégié de Marine le Pen au Parlement - a systématiquement voté pour."

Christophe Jaffrelot, Expert Associé - Démocratie et Populisme

 

"La capacité de ces partis à mettre à l’agenda les enjeux dont ils sont les porteurs et à imposer aux autres formations politiques de venir sur leurs thèmes est sans aucun doute l’une des clés explicatives de leur montée en puissance."

Bruno Cautrès, Chercheur au CNRS et au CEVIPOF

 

"Au-delà de leurs divergences programmatiques, il apparaît clairement que les tentatives de création d’une grande coalition réunissant ID, CRE et les non-inscrits du Fidesz sont, pour l’heure, vouées à l’échec."

Blanche Leridon, Directrice Exécutive, éditoriale et expertise

 

Une capacité croissante à façonner les termes du débat public

La capacité des partis nationaux-populistes à mettre à l’agenda les enjeux dont ils sont les porteurs - tels que l’immigration ou l’environnement - et à imposer aux autres formations politiques de venir sur leurs thèmes, est sans aucun doute l’une des clés explicatives de leur montée en puissance. Ce phénomène, qui demeure récent et susceptible de s’amplifier, s’explique par deux facteurs :

- le changement de narratif sur l’UE, d’une part : la sortie de l’UE n’est plus brandie en étendard et c’est une réforme de l’intérieur qui est proposée sous l’appellation d’"Alliance européenne des nations" ;

- l’élection européenne est ramenée à des enjeux domestiques, et peut faire office de vote sanction pour les gouvernements en place.

 

Une logique d’alliance et de compromis qui peine à prendre forme et à infléchir l’agenda européen

Pour autant, l'approche arithmétique, favorable aux partis nationaux-populistes, ne suffit pas à appréhender les conséquences de leur progression sur la construction européenne et à accomplir leur promesse de "changer l’UE de l’intérieur". Nous soulevons ainsi l’hypothèse qu’une "internationale des nationalistes" est une chimère, une contradiction en soi, que les intérêts domestiques - par essence divergents - primeront toujours sur les rapprochements européens :

- leurs divisions sont si profondes que l’émergence d’une coalition les rassemblant paraît peu probable. La guerre en Ukraine, la relation avec la Russie et l’OTAN, ou encore la gestion des flux migratoires, sont autant de sujets sur lesquels des divergences existent, à la fois au sein d’ID et CRE, mais également entre eux. Leurs votes lors de la législature passée soulignent leur absence de cohésion et leurs dissonances sur ces sujets très concrets ;

- pour peser au niveau institutionnel et politique, un groupe doit être capable de créer des alliances et avancer sur des compromis avec d’autres groupes, tout en disposant de relais et de soutiens au sein des autres institutions : la Commission européenne mais surtout le Conseil de l’UE ;

- sur ces points, le bilan des groupes de droites radicales est maigre sur la législature 2019-2024 et souligne l’influence limitée de ces forces politiques dans les dynamiques institutionnelles de l’UE. Les rapprochements à l'œuvre dessinent les contours d’une vaste "coalition des contre", plutôt qu’une très hypothétique majorité de projet à même de "changer l’UE de l’intérieur".

 

Scénarios : quelles conséquences pour le Parlement et la construction européenne ?

Dans la législature qui s’annonce, il est probable que nous assistions à l’émergence de coalitions toujours plus volatiles et imprévisibles au sein du Parlement européen, mais également à des collaborations plus tendues entre les différentes institutions européennes. Les configurations qu’elles pourraient prendre sont présentées plus bas.

  • De la probable "majorité centriste" à "l’arc des droites"

Le maintien d’une coalition centriste à géométrie variable - Socialistes, Renaissance, PPE - devrait donc rester le scénario privilégié, avec un PPE porté à se tourner vers les Verts ou la CRE, au gré des textes examinés.

Une autre configuration possible impliquerait une majorité reposant sur un vaste axe des droites, composée du PPE, de CRE et d’ID. Pour qu’une telle équation se vérifie en pratique, il faudrait néanmoins que le PPE, CRE (mais aussi ID et une poignée non négligeables de non-inscrits) soient enclins à travailler conjointement d’abord, et parviennent à trouver des terrains d’entente ensuite. Quand bien même cet arc des droites chercherait à se consolider au cours de la législature à venir, il ne pourrait pas systématiser une majorité.

  •  Un accord interinstitutionnel

L’influence du Parlement sur l’inflexion des politiques européennes dépendra également de sa capacité à travailler étroitement avec le Conseil européen et le Conseil de l’UE (qui regroupent les gouvernements des 27 États-membres), ainsi que la Commission européenne.

Dans le scénario d’une majorité autour du PPE, on peut s'attendre à une meilleure relation de travail entre la Commission et le Parlement européen, surtout si les présidents de la Commission et du Parlement actuels sont reconduits.

Le risque de coalitions changeantes au sein du Parlement européen pourrait également produire l’effet contraire et amener la Commission et le Conseil à coopérer de façon plus resserrée, en limitant les consultations et le temps d’échange avec le Parlement. Sans aller jusqu’à des cas de contournements, on pourrait assister à une marginalisation plus informelle du Parlement.

  • Une percée de certains de ces partis au Parlement européen pourrait les renforcer dans leurs propres pays

Une progression importante lors du scrutin de juin 2024 pourrait renforcer l'influence de ces partis sur les débats européens autour de l’immigration ou l’environnement et les rendre plus visibles et audibles. Une conséquence serait un renforcement, par ricochet, sur les scènes politiques nationales, où ils gagneraient en poids et en légitimité. L’échelle européenne serait donc davantage un tremplin pour obtenir des responsabilités domestiques.À terme, cela pourrait se matérialiser par une progression de ces partis au sein du Conseil. Cette double présence renforcée, à la fois au Parlement et au Conseil, pourrait leur donner plus de responsabilités et d’influence au niveau européen.

 

Retrouvez l'intégralité des scénarios dans la note d’éclairage.

 

 

Découvrir la note d'éclairage
À propos de l’Institut Montaigne

Créé en 2000, l’Institut Montaigne est un espace de réflexion, de propositions concrètes, et d’expérimentations au service de l’intérêt général. Think tank de référence en France et en Europe, ses travaux sont le fruit d’une méthode d’analyse rigoureuse, critique et ouverte qui prennent en compte les grands déterminants sociétaux, technologiques, environnementaux et géopolitiques afin de proposer des études et des débats sur les politiques publiques. Association à but non lucratif, l’Institut Montaigne organise ses travaux autour de quatre piliers thématiques : la cohésion sociale, les dynamiques économiques, l’action de l’État et les coopérations internationales. Menés dans la collégialité et l’indépendance, l’Institut Montaigne réunit des entreprises, des chercheurs, des fonctionnaires, des associations, des syndicats, des personnes issues de la société civile et d’horizons divers. Nos travaux s’adressent aux acteurs publics et privés, politiques et économiques, ainsi qu’aux citoyens engagés. Depuis sa création, ses financements sont exclusivement privés, aucune contribution n'excédant 1,2 % d'un budget annuel de 7,2 millions d'euros.

Arsène Vassy
Chargé de projets - communication et relations presse
01 53 89 05 70
press@institutmontaigne.org

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