Mission de Thomas Pesquet à bord de la station spatiale internationale (ISS), réussite de la sonde Rosetta/Philae, mise en service du service du GPS européen Galileo, lancements de satellites, construction d’une nouvelle fusée avec Ariane 6, ces dernières années, l’Europe a enchaîné les succès dans l’espace. En dépit de dépenses relativement faibles comparées à celles engagées par d’autres puissances, l’Europe s’est imposée comme un acteur de premier plan dans la course aux étoiles.
Aujourd’hui, cette position est menacée. Le secteur spatial connaît de profondes mutations économiques, technologiques et géopolitiques à l’échelle mondiale. De nouveaux acteurs privés américains comme SpaceX et Blue Origin, mais aussi étatiques comme la Chine ou l’Inde, émergent et développent de nouvelles technologies à même de concurrencer les acteurs historiques du secteur. Leurs ambitions sont très élevées.
L’aspect le plus visible de cette course est l’accès à l’espace, avec les fusées : en misant sur une rupture économique et technologique consistant à réutiliser plusieurs éléments clefs des fusées (au lieu de les détruire après chaque vol), ces nouveaux acteurs disposent d’un avantage compétitif important. Ils peuvent également compter sur un soutien public massif (le gouvernement américain leur achète par exemple des lancements pour les satellites de la NASA et de l’armée, ou pour ravitailler la station spatiale). Dans ce nouveau contexte, on peut craindre que la future Ariane 6, non-réutilisable et disposant d’un marché gouvernemental trois fois inférieur à celui des Etats-Unis ou de la Chine, ne soit pas suffisamment compétitive pour maintenir le leadership européen dans la décennie 2020.
Mais l’enjeu le plus important est moins visible : il s’agit des nouvelles activités économiques et des questions de défense. Comme pour le numérique, où l’Europe n’a pas réussi à concurrencer les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), l’Europe risque de voir émerger les “GAFA du spatial” aux Etats-Unis et en Chine. Sur la défense, l’Europe investit trop peu et ne se coordonne pas, alors même que c’est un outil essentiel pour la sécurité et que les infrastructures spatiales (GPS, télécommunications) sont devenues critiques pour la souveraineté européenne.
À moins de réagir, l’Europe ne sera pas au premier rang des puissances spatiales du XXIème siècle. Les choix stratégiques qui seront faits dans les mois qui viennent, au moment même où l’on s’interroge sur le futur de l’Union européenne, auront des conséquences qui dépassent la sphère spatiale et toucheront directement notre économie, notre souveraineté et in fine notre sécurité.
L’Institut Montaigne appelle à réagir et formule des propositions pour que l’Europe contre-attaque.