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Groupe de travail

Président du groupe de travail

  • Hervé Gaymard, ancien ministre de l’Agriculture

Membres du groupe de travail

  • Éric Adam, directeur des relations institutionnelles, Carrefour
  • Éric Campos, directeur de la RSE du Crédit Agricole SA, délégué général de la Fondation Grameen Crédit Agricole
  • Sophie Caron, chargée de la transition agricole et alimentaire à la direction de la RSE, Crédit Agricole SA
  • Hubert Dunant, directeur de la performance, Axereal
  • Harrison Foucher-Charraire, directeur général, M.Charraire
  • Benjamin Fremaux, Senior Fellow énergie et climat, Institut Montaigne
  • Anne-Élodie Gennetier, directrice marketing & développement durable, Mérieux NutriSciences et Membre du groupe de réflexion "Better Food for Better Earth" animé par Mérieux
  • Marion Guillou, membre, Haut Conseil pour le Climat
  • Catherine Migault, responsable agriculture et agroalimentaire, Fédération Nationale du Crédit Agricole
  • François Schmitt, président-délégué, Groupama
  • Pierre-Alexandre Teulié, Directeur Général Communication, RSE, Public Affairs, Nestlé France

Rapporteurs

  • Pierre-Marie Décoret, responsable des études économiques, Avril
  • Pierre-Ange Savelli, Co-Founder et CEO, Zolo.
  • François-Régis Turc, Partner, The Boston Consulting Group

Ainsi que

  • Clémence Alméras, chargée d’études développement durable et énergie, Institut Montaigne
  • Sophie Conrad, responsable du pôle politiques publiques, Institut Montaigne
  • Marin Gillot, chargé d’études, Institut Montaigne
  • Élise Lannaud, assistante chargée d’études, Institut Montaigne
Personnes auditionnées

Nous remercions également les personnes avec qui nous avons échangé dans l’élaboration de ce travail :

  • Sébastien Abis, directeur, Club DEMETER et chercheur associé, Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)
  • Éric Adam, directeur des relations institutionnelles, Groupe Carrefour
  • Pierre-Marie Aubert, coordinateur, Initiative Agriculture européenne, IDDRI
  • Hélène Aussignac, conseillère agriculture, alimentation, PAC, forêt et pêche, Régions de France
  • Henri Biès-Péré, deuxième vice-président, FNSEA
  • Thierry Blandinières, directeur général, InVivo Group
  • Rachel Blumel, directrice générale, UFS
  • Camille Bonenfant-Jeanneney, directrice générale, Storengy
  • Jean-Paul Bordes, directeur général, ACTA
  • Bernard Le Buanec, membre, Académie d'agriculture de France et membre fondateur, Académie des technologies
  • Philippe Boullet, directeur du Pôle Performance et Prospective, Conseil National du Réseau Cerfrance
  • Christoph Büren, président, VIVESCIA
  • Philippe Camburet, président, FNAB
  • Kevin Camphuis, co-fondateur, ShakeUpFactory
  • Eric Campos, directeur de la RSE, Crédit Agricole SA et délégué général, Fondation Grameen Crédit Agricole
  • Jacques Carles, président, Agriculture Stratégies
  • Laurence Champier, directrice fédérale, Fédération Française des Banques Alimentaires
  • Fabienne Chapelain, responsable des Risques Amont Agricole, Bessé Agro
  • Sébastien Chauffaut, ancien président du Directoire – CEO, Groupe Roullier
  • Jacques Creyssel, délégué général, Fédération du Commerce et de la Distribution
  • Michel Dantin, ancien député européen, Parlement européen
  • Hervé Daudin, directeur des activités marchandises et président d’achats marchandises, Casino
  • Hervé Demalle, président, Conseil National du Réseau Cerfrance
  • Antoine Denoix, directeur général, AXA Climate
  • Pierre Dubreuil, directeur général, Office français de la biodiversité
  • Francky Duchateau, responsable entreprises durables et territoires, Agridées
  • Anne Dumonnet-Leca, présidente, SYRPA
  • Hubert Dunant, directeur de la performance, Axereal
  • Laurent Duplomb, sénateur de la Haute-Loire, Sénat
  • Jérôme Fabre, président exécutif, La Compagnie Fruitière
  • Pierre Feillet, membre, Académie d’agriculture et membre, Académie des technologies
  • Benjamin Fremaux, Senior Fellow énergie et climat, Institut Montaigne
  • Stella Gass, directrice, Fédération nationale des SCoT
  • Olivier Gergaud, professeur, KEDGE Business School
  • Marion Guillou, membre, Haut conseil pour le climat
  • Pascale Hebel, directrice du Pôle Consommation et Entreprise, CREDOC ; Membre du groupe de réflexion "Better Food for Better Earth" animé par Mérieux NutriSciences (Institut Mérieux)
  • Michel Heinrich, président, Fédération nationale des SCoT
  • Xavier Hollandts, professeur, KEDGE Business School
  • Antoine Hubert, président-directeur général, Ynsect
  • Emmanuel Hyest, président, FNSafer
  • Gilles Kindelberger, directeur général, Sénalia
  • Alessandra Kirsch, directrice des études, Agriculture Stratégies
  • Marcel Kuntz, directeur de recherche, CNRS
  • Christiane Lambert, présidente, FNSEA et COPA
  • Pascal Lamy, président, Forum de Paris sur la Paix et ancien directeur général, Organisation Mondiale du Commerce et Ancien commissaire européen pour le commerce, Commission européenne
  • Paul-Yves L’Anthoën, directeur général, Axereal
  • Jean-Michel Lecerf, chef du Service Nutrition & Activité Physique, directeur médical du Centre Prévention Santé Longévité, Institut Pasteur de Lille ; Membre du groupe de réflexion "Better Food for Better Earth" animé par Mérieux NutriSciences (Institut Mérieux)
  • Hervé Lejeune, inspecteur général de l’Agriculture (IGA), ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation
  • Sylvain Lhermitte, chef de service politiques agricoles et internationales, FNSEA
  • Guillaume Lidon, responsable des affaires publiques, FNSEA
  • Yves Madre, président, Farm Europe
  • Frédéric Martin, directeur général adjoint, GRDF
  • Arnaud Martrenchar, délégué interministériel à la transformation agricole des Outre-mer
  • Jacques Marzin, chercheur, CIRAD
  • Philippe Mauguin, président directeur général, INRAE
  • Valérie Mazza, directrice des affaires scientifiques, de l’innovation et de la RSE, Limagrain
  • Philippe Michel, directeur des affaires juridiques et réglementaires, UIPP
  • Catherine Migault, responsable agriculture et agroalimentaire, Fédération Nationale du Crédit Agricole
  • Jean-Baptiste Millard, délégué général, Agridées
  • Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse, Assemblée nationale
  • Yves Le Morvan, responsable filières et marchés, Agridées
  • Jérôme Mousset, directeur bioéconomie et énergies renouvelables, ADEME
  • Emmanuelle Pabolleta, directrice de la communication et des affaires publiques, UIPP
  • Serge Papin, ancien président, Système U
  • Pierre Pezziardi, président, La Ceinture Verte
  • Eugénia Pommaret, directrice générale, UIPP
  • Dominique Potier, député de la 5e circonscription de la Meurthe-et-Moselle, Assemblée nationale
  • Caroline Le Poultier, directrice générale, CNIEL
  • Jean-Philippe Puig, directeur général et gérant, Avril SCA
  • Maxime de Rostolan, fondateur, Fermes d’Avenir
  • Arnaud Rousseau, président, Avril Gestion
  • Bastien Sachet, directeur Général, Earthworm
  • Quentin Sannié, président, Greenback ; Membre du groupe de réflexion "Better Food for Better Earth" animé par Mérieux NutriSciences (Institut Mérieux)
  • Alain Savary, directeur général, AXEMA
  • François Schmitt, président délégué, Groupama
  • Isabelle Senand, directrice des études, Fédération du Commerce et de la Distribution
  • Jean-Marie Séronie, agroéconomiste indépendant et membre, Académie d'agriculture
  • Ludovic Spiers, directeur général, Agrial
  • Claude Tabel, président du directoire, RAGT
  • Frédéric Terrisse, directeur général adjoint, ENGIE Bioz
  • Pierre-Alexandre Teulié, directeur général, Nestlé France
  • Philippe Tillous-Borde, président, Numalim
  • Daniel Tomé, professeur honoraire de nutrition humaine, AgroParisTech, INRAE, Université Paris-Saclay, Paris, France
  • Jean-Paul Torris, CEO, SAVENCIA Group, premier vice-président, ANIA
  • Bertrand Valiorgue, professeur, Université Clermont Auvergne
  • Samuel Vandaele, président, Jeunes Agriculteurs
  • Pascal Viguier, président, Limagrain
  • Pascal Viné, directeur des Relations institutionnelles, Groupama
  • Anne Wagner, présidente, Protéines France
  • Sébastien Windsor, président, Chambre d’agriculture France

Les Français s’intéressent de plus en plus à leur alimentation, et à son impact sur leur santé (69 %) ou sur les territoires (61 %). La diversification des habitudes de consommation, le souci grandissant de la protection de l’environnement et du bien-être animal et une demande plus marquée pour une alimentation saine, durable et équilibrée ramènent progressivement la question agricole et alimentaire au centre du débat public.

Première puissance agricole du Vieux Continent, la France représentait 18 % de la production agricole de l’Union européenne en 2019. Elle assure également 80 % de son alimentation nationale. À ce titre, sa souveraineté alimentaire, c’est-à-dire la capacité de notre pays à assurer sa sécurité alimentaire dans le respect de ses préférences collectives, est aujourd’hui globalement assurée. Pourtant, il s’agit d’un acquis récent, fragilisé par de nombreux défis auxquels le secteur agricole français fait face : essoufflement du projet agricole européen, dépendance grandissante vis-à-vis de certains produits, dérèglement climatique et faible attractivité du secteur. Pluriels par nature, la prégnance de ces défis doit être l’occasion de repenser l’avenir de l’agriculture française et de son industrie agroalimentaire.

Afin d’anticiper les nombreuses transformations à venir, l’Institut Montaigne propose dans ce rapport une nouvelle ambition collective pour la France agricole et agroalimentaire. Cette ambition requiert de mener conjointement six chantiers, qui visent à réinvestir le caractère stratégique de notre agriculture et de notre alimentation. L’objectif est clair : (re)faire de la France la première puissance agricole durable au monde. Ce rapport propose ainsi un agenda de solutions pour mettre la question agricole et alimentaire au cœur des choix que feront les citoyens français en 2022, avec l’élection présidentielle.

Une activité agricole en perte de vitesse

La France est une puissance agricole majeure, exportatrice nette de produits alimentaires. Après l’aéronautique et la chimie, ses produits alimentaires assurent au pays son troisième excédent commercial. Celui-ci est pourtant fragile, car il ne repose que sur une poignée de filières parmi lesquelles les céréales, les vins et spiritueux et les produits laitiers. Sans ces filières, la France serait aujourd’hui importatrice nette de produits agroalimentaires. En effet, en l’espace de dix ans, nous avons perdu un tiers de notre excédent commercial alimentaire, avec une pénétration inquiétante des importations constatée depuis plusieurs années : plus de la moitié de la viande ovine est importée, tout comme environ 40 % des fruits frais tempérés consommés sur le territoire. En l’absence de mesures fortes pour enrayer ce déclin, la France pourrait devenir importatrice nette de produits alimentaires à horizon 2023.

 

En campagne pour l’agriculture de demain - Infographie import / exportEn campagne pour l’agriculture de demain - Infographie import / export

 

D’ordre stratégique, la dépendance française et européenne en matière de protéines végétales est particulièrement source d’inquiétudes. Au niveau européen, elle se traduit par des importations élevées de soja en provenance des États-Unis pour l’alimentation des animaux d’élevage. Elle expose les systèmes agricoles européens aux tensions géopolitiques et commerciales qui existent entres les principaux pays producteurs, ainsi qu'à la faible durabilité de ces produits, souvent à caractère OGM, qui contiennent des résidus de pesticides interdits en Europe ou issus de la déforestation. En France, si les risques sont moindres, c’est tout de même 900 000 emplois directs et induits qui sont en jeu à travers le territoire.

La transformation de la distribution alimentaire a également entraîné une tension grandissante entre les maillons des filières agroalimentaires - producteurs, industriels, et distributeurs. Sur le marché des produits alimentaires, la répartition en "double entonnoir" favorise la concentration de la valeur ajoutée par les grandes enseignes de distribution et les multinationales agroalimentaires. Largement accéléré par les confinements successifs en France, l’essor du commerce en ligne - qui représente aujourd’hui 6 % des ventes de produits de grande consommation - renforce largement les effets pervers de cette répartition. En particulier, ce phénomène exerce une forte pression sur les marges des distributeurs et fragilise les enseignes. En découle une déformation du partage de la valeur ajoutée qui pèse largement sur les producteurs et mine un peu plus la rentabilité des acteurs en amont de la distribution : pour 100 euros dépensés en produits alimentaires, un agriculteur reçoit aujourd’hui environ 10 % de la valeur ajoutée.

Le secteur agricole, tout aussi faiblement attractif, peine aujourd’hui à renouveler une démographie agricole vieillissante. À horizon 2030, c’est un agriculteur sur deux qui devrait prendre sa retraite. Si de nouveaux visages émergent qui permettent de compenser une partie de ces départs, reste qu’un agriculteur sur quatre quitte le métier sans remplaçant. Ce manque de bras flagrant est largement imputable à la faiblesse du revenu agricole, fortement dépendant des aides publiques et qui, malgré les subventions, reste insuffisant. Ainsi, 18 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté, contre 13 % de l’ensemble des ménages actifs. Ajouté aux conditions de travail particulièrement difficiles du métier, ce déclin de la population agricole pénalise la profession.

 

En campagne pour l’agriculture de demain - Infographie AgriculteurEn campagne pour l’agriculture de demain - Infographie Agriculteur

 

Enfin, le projet agricole connaît un ralentissement à l'échelle européenne. Mise en place en 1962, la Politique agricole commune (PAC), qui garantit subventions, mécanismes de soutien et solidarité financière entre les États membres, est largement remise en cause par de nouvelles priorités européennes. Les engagements climatiques du Pacte Vert européen (Green Deal) pourraient ainsi contraindre la production agricole européenne à une baisse de 10 à 15 % pour de nombreuses filières. De la même manière, le secteur se voit soumis aux injonctions de la politique commerciale extérieure. Le déclassement de la question agricole dans les agendas politiques européens est manifeste : l’UE est la seule grande puissance agricole à réduire son soutien public au secteur agricole depuis les années 2000, une tendance confirmée par la réduction du budget de la PAC pour la période 2021-2027.

De nouveaux défis

Le défi démographique

Au-delà de l’essoufflement que connaît le secteur agricole français, la croissance démographique mondiale implique une hausse des besoins alimentaires dans le futur à laquelle il va falloir répondre. À l’horizon 2050, il faudra nourrir 9,7 milliards de personnes, alors même que c’est un tiers de la population mondiale qui vit encore actuellement en insécurité alimentaire. Les évolutions des modes de vie induites par la croissance des classes moyennes et de la population urbaine se traduisent par de nouveaux régimes et une diversification des habitudes alimentaires. C’est déjà le cas en France, et plus largement en Europe. La demande alimentaire est ainsi de plus en plus fragmentée par les nouvelles préférences et attentes des consommateurs : labels bio, production locale et qualité nutritionnelle sont autant de facteurs dont la croissance sera lourde de conséquences pour le secteur agroalimentaire.

Le défi climatique

Au défi d’une demande croissante et morcelée s’ajoute celui, majeur, du changement climatique. Notre agriculture est confrontée à des bouleversements de conditions de production inédits, et dont les effets sont déjà perceptibles sur les cycles agricoles. En France, les vendanges sont aujourd’hui plus précoces de 15 jours par rapport aux années 1990. De la même manière, les rendements du secteur ont vocation à être impactés : les pertes de récoltes liées aux sécheresses auraient déjà été multipliées par trois entre 1961 et 2018 au sein de l’UE. Sans mesures fortes pour lutter contre le dérèglement climatique, la moitié sud de l’Hexagone pourrait progressivement passer d’un climat méditerranéen à un climat plus aride, au détriment de certaines productions sensibles. Notre agriculture doit donc accélérer son adaptation aux effets du changement climatique. À titre d’exemple, l’augmentation des stress hydriques actuellement constatée impose une gestion plus durable de la ressource en eau. Plus encore, il revient au secteur agricole d’accélérer sa décarbonation. À l’origine de 19 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, il s’agit du deuxième secteur le plus émetteur. Sa décarbonation est donc absolument nécessaire à l’atteinte des objectifs nationaux de lutte contre le réchauffement climatique et de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Pour engager ce virage écologique, le secteur peut compter sur des atouts de taille : la Ferme France produit actuellement 20 % des énergies renouvelables de notre pays, une activité source de revenus pour nos agriculteurs grâce à la production de biocarburants (biodiesel, bioéthanol) ou de matériaux biosourcés. Par ailleurs, les sols agricoles possèdent un potentiel de stockage de carbone important. La France pourrait compenser près de 7 % du total de ses émissions de gaz à effet de serre en s’appuyant sur la capacité de stockage des sols agricoles. Pour cela, il conviendra de renforcer la lutte contre l’artificialisation des sols pour protéger les terres agricoles riches en carbone. Dans tous les cas, le secteur agricole aura un rôle primordial à jouer en matière de décarbonation dans les années à venir, rôle intimement lié à l’objectif de préservation de la biodiversité que le secteur doit poursuivre.

Le défi de l’opinion publique

La mise en place d’une réponse efficace à ces défis devra se faire dans un contexte inédit, marqué par de vives critiques à l’encontre de certaines pratiques du monde agricole et du mode de production dit "conventionnel". Certaines pratiques, autrefois acceptées, sont aujourd’hui considérées comme inacceptables par le grand public. Or, le mouvement national en faveur d’une accélération de la décarbonation de l’économie et la préoccupation croissante des citoyens pour le bien-être animal se heurtent au temps long des transitions dans le monde agricole. En mal de représentation à l’échelle nationale par rapport à son poids historique, le monde agricole perçoit de plus en plus ces critiques comme une forme d’"agribashing" qui ignore la difficulté des conditions de travail du secteur. Ainsi, la distance se creuse entre agriculture et reste de la société.

Une nouvelle ambition collective

Pour relever ces défis, il convient de porter une nouvelle ambition collective pour la France agricole et agroalimentaire. La France a aujourd’hui des atouts à faire valoir en tant que première puissance agricole du continent. Elle est riche de la diversité de ses terroirs et de ses conditions pédoclimatiques. Activité économique essentielle à de nombreux territoires, l’agriculture est source de cohésion et de dynamisme au niveau national et source de rayonnement à l’international.

La France peut compter sur des filières d’excellence bien organisées, avec un tiers des fermes de France qui ont au moins une production sous signe officiel de la qualité et de l’origine (SIQO). Portées par des entrepreneurs innovants ou de petites entreprises agroalimentaires, elles contribuent à l’emploi dans les territoires et permettent de faire rayonner son patrimoine gastronomique et culinaire made in France, véritable levier de notre soft power à l’international.

Par ailleurs, une nouvelle révolution agricole est en marche à mesure que de nouvelles techniques et solutions se déploient dans les exploitations agricoles. Elle met notamment l’accent sur la sobriété, via une utilisation réduite des intrants fossiles, et sur la diversification des cultures. C’est également une révolution technologique : le dynamisme de l’écosystème Agritech français a facilité l’émergence de la robotisation, de la digitalisation et des biotechnologies. À terme, ces innovations pourraient favoriser l’accélération de la recherche de variétés et de méthodes plus adaptées à la nouvelle donne climatique.

Cette nouvelle ambition doit être portée par la France au niveau européen. Nos partenaires sont des atouts dans la construction d’une Europe en partage : l’Allemagne, première industrie agroalimentaire d’Europe, est aussi responsable d’un cinquième de la production européenne de lait et de porc. Premier pays exportateur européen de volaille, la Pologne a réussi, en l’espace de 15 ans, à résorber son déficit structurel du commerce extérieur et devenir exportatrice. Le positionnement espagnol, similaire à celui de la France sur certaines productions, a permis au pays de s’imposer comme la quatrième puissance agricole européenne, à l’origine de 10 % de la production du continent.

Une nouvelle ambition européenne pour l’agriculture doit reposer avant tout sur un socle de pratiques durables, concrétisant l’objectif de double performance économique et environnementale. Elle doit valoriser une plus grande diversité des productions agricoles. Cette vision invite à repenser la coexistence des circuits longs et courts et à réduire notre dépendance aux importations. Elle nécessite également d’évoluer davantage en flux tirés par la demande des consommateurs, et non plus en flux poussés par la production disponible.

Propositions

Pour répondre à ces défis et travailler à faire de la France la première puissance agricole durable au monde, six chantiers de travail ont été identifiés.

1
Donner un cap stratégique cohérent et de long terme aux politiques publiques
Détails

​​Chantier n°1 : donner un cap stratégique cohérent et de long terme aux politiques publiques. Cette vision constitue le socle de la reconquête agricole et agroalimentaire. Accélérer la transition agricole requiert une politique agricole ambitieuse à l’échelle européenne. Pour autant, on ne pourra pas mener cette ambition à terme sans mettre la politique commerciale en cohérence avec nos préférences collectives. Il faut pouvoir avancer sur la réciprocité dans les échanges commerciaux pour que les importations de produits alimentaires respectent les mêmes standards que notre production domestique. Renforcer la souveraineté alimentaire invite aussi à la reconquête de notre souveraineté protéinique, par le soutien au développement des protéines végétales en Europe pour nos élevages et notre alimentation.

2
Restaurer la compétitivité des filières agricoles
Détails

Chantier n°2 : restaurer la compétitivité des filières agricoles, car il n’est pas possible de mettre en œuvre cette indispensable transition sans dégager les financements nécessaires aux investissements. Restaurer des conditions de concurrence loyale constitue un prérequis essentiel pour éviter de pénaliser les "mieux disant", comme la France l’est bien souvent, sur le marché unique. Pour gagner en compétitivité, un effort de (re)structuration est indispensable dans certaines filières agricoles et agroalimentaires. Il faut en parallèle investir massivement dans le déploiement des innovations et la modernisation des outils (usines, bâtiments, logistique). Parallèlement, il convient de réformer les relations entre amont et aval pour partager plus équitablement la valeur et le risque inhérent aux transitions. Cette contractualisation rénovée nécessitera un effort de tous les maillons de la chaîne alimentaire pour assurer leur juste rétribution.

3
Revaloriser le revenu agricole et réenchanter les métiers constitue un chantier de taille pour attirer davantage les nouvelles générations et répondre aux besoins du secteur
Détails

Chantier n°3 : revaloriser le revenu agricole et réenchanter les métiers constitue un chantier de taille pour attirer davantage les nouvelles générations et répondre aux besoins du secteur. Le revenu est le premier déterminant pour attirer de nouveaux profils. S’il est important de maintenir des aides publiques à la hauteur des défis qui attendent le monde agricole, la revalorisation du revenu des agriculteurs passera aussi par sa diversification. Un soutien plus prononcé à la production énergétique renouvelable à partir de biomasse agricole (méthanisation, biocarburants…) est un levier à actionner. Par ailleurs, il convient d’accompagner davantage les porteurs de projets et la transmission des exploitations pour installer de nouveaux agriculteurs. Communiquer davantage sur les opportunités des métiers du vivant et adapter la formation aux pratiques et aux métiers de demain (carbone, agriculture numérique...) constitue un autre levier important du renouvellement des générations en agriculture.

4
Donner aux agriculteurs les moyens de produire et entreprendre durablement
Détails

Chantier n°4 : donner aux agriculteurs les moyens de produire et entreprendre durablement. Cette politique implique de préserver les facteurs indispensables à la production agricole. Renforcer la protection du foncier agricole dans les documents d’urbanisme est un prérequis pour préserver notre potentiel de production face à l’artificialisation des sols. Il convient également d’imaginer des solutions foncières innovantes et partenariales pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs. Par ailleurs, un réinvestissement du génie hydraulique (retenues, recyclage des eaux usées…) est compatible avec une gestion durable de la ressource en eau. L’agriculture doit aussi bénéficier des avancées de la recherche génétique (sélection, NBT). La France agricole est prête à accélérer sa baisse de consommation d’intrants fossiles (engrais de synthèse, phytosanitaires) à condition de pouvoir compter sur des alternatives crédibles et un accompagnement viable et de long terme dans sa transition.

5
Accompagner les changements de pratiques agricoles
Détails

Chantier n°5 : accompagner les changements de pratiques agricoles. Ce défi requiert un effort accru de recherche et de déploiement des innovations. Il importe de mieux prioriser les efforts de recherche pour concentrer les moyens vers les impasses techniques les plus critiques. Le déploiement des innovations dans les exploitations requiert de cibler les investissements dans une logique de triple performance économique, sociale et environnementale. Ces changements de pratiques passent aussi par un accompagnement plus soutenu des modes de production plus durables (HVE, bio, signes de qualité). À ce titre, une réforme des outils de gestion des risques est indispensable pour assurer des filets de sécurité aux agriculteurs dans la transition. Rémunérer les pratiques vertueuses, comme le stockage du carbone dans les sols, représente un autre levier à actionner pour accélérer la transition agricole en France tout en permettant aux entreprises de se décarboner. L’agriculteur de demain sera aussi un carboniculteur.

6
Accélérer la marche vers une alimentation durable et de qualité
Détails

Chantier n°6 : accélérer la marche vers une alimentation durable et de qualité. Cette transition alimentaire passera par un effort accru de lutte contre la précarité et le gaspillage alimentaire, pour mettre le droit à l’alimentation au bénéfice du plus grand nombre. Renforcer la transparence alimentaire par les étiquetages constitue également un levier important pour éclairer les choix du consommateur et pour promouvoir les produits frais, les plus sains et "origine France". Cette transition alimentaire passe aussi par de nouveaux outils pour éduquer à une alimentation plus saine et durable.

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<p>En campagne<br />
pour l’<strong>agriculture de demain</strong></p>

<div class="titre-petit">Propositions pour une souveraineté alimentaire durable</div>
Rapport
(200 pages)
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